Séance du mercredi 5 janvier 2005
INCONTINENCE ANALE 15h00-17h00 - Les Cordeliers Modérateur : Francis MICHOT
Résumé Dix pour cent de la population générale souffre d'une incontinence anale (IA) quel que soit son type (selles solides ou liquides, gaz) et sa gravité (fréquence, port de protection, retentissement sur la vie personnelle, familiale, sociale). Un pour cent de la population générale vivant à domicile perd ses matières fécales au moins une fois par semaine. L'âge accentue significativement mais faiblement le risque de survenue d'une IA. L'altération de l'état général et des fonctions supérieures et la diminution des capacités physiques jouent un rôle plus important que l'âge dans la survenue de l'IA chez les personnes âgées. Contrairement à une idée reçue, toutes les études qui ont étudié l'influence du sexe ont conclu à une prévalence de survenue de l'IA non différente entre femmes et hommes. Les 10 dernières années ont mis en évidence un pic de survenue de l'IA dans le post-partum, en particulier chez les primipares. La prévalence est de 1 à 2 % d'IA pour les matières dans toutes les études prospectives, révélant donc un risque bien supérieur à ce qui était généralement admis. La moitié des personnes âgées vivant en institution ont une IA, presque toujours associée à une IU. La prévalence est encore plus élevée en cas de démence ou de perte d'autonomie physique. Les dépenses liées à l'IA et à l'IU atteignent par exemple 0,5 % du total des dépenses de santé et 0,05 % du PIB en Suède. Même si à titre individuel les actes chirurgicaux sont les plus coûteux (9000 € pour un sphincter artificiel), l'essentiel des dépenses est représenté par les traitements palliatifs et en particulier par les protections. L'incontinence chez une personne âgée en institution coûte 3500 € par an et les dépenses d'achat de protections sont estimées à 20 milliards d'euros pour l'union européenne. Ces dépenses considérables suggèrent la nécessité d'une part d'un dépistage et d'une prévention par les médecins généralistes et les gastroentérologues, d'autre part d'études médico-économiques pour évaluer la prise en charge chirurgicale.
Abstract The prevalence of anal incontinence, including gas, liquid and/or solid stools, is about 10 percent in general community if we consider all the patients whatever frequency of incontinence and its adverse consequences on patients’ well-being, interpersonal relationships and social role fulfilment. Daily or weekly anal incontinence affects about 1 percent of the general population living at home. The prevalence of anal incontinence increases significantly but slightly with age. Indeed the most prominent risk factors for fecal incontinence in elderly are physical disability and poor general health and the prevalence approaches 50 percent among nursing home residents. Surprisingly epidemiological studies fail to clearly demonstrate that women are more willing to report anal incontinence than men in general population. However during the last ten years several prospective studies demonstrated that childbirth leads to anal incontinence 1 to 2 percent of women immediately after pregnancy and long after pregnancy. There are few data available on the direct costs of treatment of anal incontinence. A series of detailed studies of direct health care costs for urinary incontinence demonstrated that incontinence is a very expensive symptom responsible of tens of billions of Euros every year. For example the estimated national costs of incontinence accounts for 0.5 percent of the total costs of Swedish health care and 0.05 percent of the Gross National Product. Even if surgery is the most expensive treatment (9000 € for an artificial sphincter), the costs generated by anal incontinence are mainly due to medical treatment, especially with respect to elderly patients admitted to nursing homes (nursing time, laundry, incontinence supplies). The enormous economic costs of incontinence suggest 1- the need for general practitioners and gastroenterologists to detect, to prevent, and to treat anal incontinence in order to delay or avoid admitting patients to medical facilities such as nursing homes for example 2- to promote research and development to define the best medical and economical management strategies
Résumé Avant toute exploration spécifique de l'incontinence anale (IA), un examen morphologique comprenant soit une coloscopie complète, soit une rectosigmoïdoscopie associée à un lavement baryté, doit être discuté chez tous les patients présentant une IA à rectum vide, et cela en fonction du contexte clinique (antécédents familiaux de cancer colique, âge, manifestations cliniques associées…). Les explorations spécifiques de l'IA vont avoir pour but de répondre à plusieurs questions: 1/ Existe-t-il une incompétence sphinctérienne responsable de l'IA ? La manométrie anorectale, en déterminant la valeur de la pression anale de base ainsi que l'amplitude et la durée de la contraction volontaire du sphincter anal externe, permet de savoir s'il existe une incompétence du sphincter anal interne (pression basale) et/ou du sphincter anal externe (contraction volontaire). L'examen clinique peut parfois être aussi performant que la manométrie anorectale pour répondre à cette question. Néanmoins, l'examen manométrique permet également d'évaluer la capacité fonctionnelle rectale, sa compliance, et de savoir si un dysfonctionnement rectal n’est pas en cause dans la physiopathologie de l'IA. 2/ Quelle est l'origine de l'incompétence sphinctérienne ? Il existe deux origines possibles à l'incompétence sphinctérienne: une lésion anatomique sphinctérienne et/ou une atteinte neurologique. L'échographie endo-anale permet de diagnostiquer la présence d'une lésion du sphincter anal interne et/ou externe ainsi que son étendue. Cet examen est l'examen de référence puisque sa sensibilité et sa spécificité sont excellentes dans le diagnostic des lésions anatomiques sphinctériennes. Lorsqu'on suspecte une atteinte de la commande neurologique sphinctérienne, l'examen le plus approprié pour confirmer cette hypothèse est constitué par les tests électrophysiologiques périnéaux, qui permettront d'orienter vers une atteinte neurologique centrale ou périphérique (atteinte radiculaire, tronculaire, ou distale). Il est important de rechercher une atteinte neurologique car sa présence est un facteur de mauvais pronostic dans certains cas de cure chirurgicale de l'incontinence anale (réparation sphinctérienne). 3/ Quelle est la gravité de l'incontinence anale ? Il existe 3 facteurs de gravité qui entravent le pronostic du traitement de l'IA: 1/ l'hypotonie anale (inférieure à 30 cmH2O) diagnostiquée par la manométrie anorectale; 2/ la présence d'une lésion anatomique du sphincter anal interne diagnostiquée échographiquement; 3/ la présence d'une pathologie neurologique diagnostiquée par les tests électrophysiologiques périnéaux. Le bilan minimal d'une IA comprend donc une manométrie anorectale, une échographie endo-anale et des tests électrophysiologiques périnéaux.
Abstract Before any specific exploration of anal incontinence (IA), a morphological examination including either a complete colonoscopy, or a rectosigmoidoscopy associated with a barium rectal injection, must be discussed among all patients presenting incontinence with an empty rectum and that according to the clinical context (family antecedents of colonic cancer, age, clinical symptoms….). Specific explorations of the IA will aim to answer several questions: 1/ Does there exist a sphincter deficiency responsible for the IA? Anorectal manometry, by determining the value of the resting anal pressure as well as the amplitude and the duration of the voluntary contraction of the external anal sphincter, makes it possible to know if there is a deficiency of the anal sphincter. Clinical examination can sometimes be as powerful as anorectal manometry in answering this question. Nevertheless, the manometric examination also makes it possible to evaluate the rectal functional capacity, its compliance, and to know if a rectal dysfunction cannot be in question in the physiopathology of the IA. 2/ What is the origin of the sphincter deficiency? There are two possible causes to explain sphincter deficiency: an anatomical lesion and/or a neurological disorder. Anal ultrasound makes it possible to diagnose the presence of a lesion of the internal anal sphincter and/or external anal sphincter as well as its extent. This examination is the examination of reference since it has an excellent sensitivity and specificity for the diagnosis of anatomical lesions of the sphincters. When one suspects a neurological lesion, the examinations most adapted to confirm this assumption are the perineal electrophysiological tests. These tests will help to distinguish central or peripheral neurological disorder (radiculopathy, plexique lesions or peripheral nerve lesions). It is important to seek a neurological disorder because its presence is a factor of bad prognosis for certain cases of surgical treatment of anal incontinence (sphincter repair). 3/ What is the severity of anal incontinence? There are 3 factors of severity which decrease the prognosis of the treatment of the IA: 1/ anal hypotonia; 2/ the presence of an anatomical lesion of the internal anal sphincter; 3/ a neurological lesion diagnosed by electrophysiological tests. The minimal assessment of an IA includes anorectal manometry, an anal ultrasound and perineal electrophysiological tests.
Résumé L’incontinence fécale est une infirmité fréquente retrouvée chez 2 % de la population générale en France. Le but du traitement médical est d’améliorer et si possible de supprimer les désavantages de l’incontinence fécale sur la vie personnelle, familiale, sociale, et professionnelle. Le traitement médical de l’incontinence repose sur la prise en charge des troubles du transit associés à l’incontinence. Un patient incontinent sur deux peut être amélioré par le traitement médical. L’incontinence anale passive définie par la perte de selles non précédée par un besoin de défécation, est souvent secondaire à une constipation. L’incontinence passive peut être amélioré par le traitement de la stase stercorale rectale et/ou colique. Le temps de transit des marqueurs coliques, et un calendrier des accidents d’incontinence sous traitement, permettent d’adapter celui-ci : laxatifs osmotiques et/ou laxatifs rectaux. L’incontinence anale active définie par un accident d’incontinence survenant après un besoin impérieux qui ne peut être différé est souvent associée à une diarrhée. Après avoir éliminé une étiologie organique, le recours aux ralentisseurs du transit peut être efficace. En conclusion on pourrait proposer une prise en charge de l’incontinence anale sur trois niveaux. Les troubles du transit peuvent être traités par les médecins généralistes ou gastro-entérologues (premier niveau). En cas d’échec il convient de rechercher un trouble de la statique pelvienne qui peut être traité dans des centres spécialisés (deuxième niveau). En l’absence d’efficacité du traitement médical et de troubles de la statique pelvienne il faut rechercher une incompétence sphinctérienne dont la prise en charge est réservée à quelques centres experts (troisième niveau).
Abstract Fecal incontinence is an infirmity reaching 2 % of the french population. The aim of the medical treatment is to improve or remove the troubles of fecal incontinence on personal, social, family and professional life. Medical treatment of fecal incontinence consists on disparition or improvement of transit disorders associated with incontinence. One half of patients suffering of fecal incontinence may be improved by medical treatment. Passive incontinence meaning loss of stools without defecation feeling is often associated with constipation. Passive incontinence can be improved by laxative use to clean rectal and colonic impaction. The colonic transit time measurement and a spontaneous or provoked defecation, or loss of stools timetable is useful for treatment adaptation with rectal enemas and/or osmotic laxatives. Active incontinence meaning loss of stools after an urge of defecation is often associated with diarrhea. Since an organic cause of diarrhea is suppressed, the use of transit regulators is allowed. In conclusion we propose a three levels management: the transit disorders are treated by general practitioners and gastroenterologists (first level), in case of lack of transit disorders or of treatment failure, the research of pelvic floor troubles is done and treated in specialised centers (second level), and in case of lack of pelvic floor troubles the anal deficiency is investigated and the treatment is effected in a few of very specialised centers (third level).
Résumé La chirurgie apparaît souvent comme le seul recours face à une incontinence anale post- traumatique ou le dernier recours face à une incontinence anale fonctionnelle après échec des autres traitements, en particulier les traitements médicaux et la rééducation périnéale. Le chirurgien peut utiliser les structures anatomiques présentes, comme le côlon, le rectum ou des muscles, réalisant une chirurgie de restauration, ou implanter au niveau du périnée ou à distance de celui-ci des structures normalement absentes : transposition musculaire ou matériel prothétique, réalisant une chirurgie de substitution. Plusieurs techniques de myorraphies des releveurs de l'anus ont été décrites : ~ myorraphie antérieure ou pré-anale, visant à reconstituer le périnée antérieur, ~ myorraphie postérieure ou rétro-anale ou postanal repair, ~ myorraphie antérieure et postérieure ou total pelvic floor repair ; ces différentes techniques sont actuellement peu utilisées en raison de l'inconstance de leurs résultats et de la dégradation à long terme des résultats initialement obtenus. La sphinctérorraphie est une réparation sphinctérienne directe du sphincter anal externe, menée par abord péri-anal centré sur le défect sphinctérien repéré par échographie endo-anale. Ses résultats fonctionnels sont bons dans 70 % des cas à court terme ; cependant, ils tendent à se dégrader avec le temps et seuls 50 % des patients garderont leur bon résultat fonctionnel initial à long terme ; 3 facteurs corrélés à un mauvais pronostic ont été identifiés: une rupture associée du sphincter anal interne, une hypotonie canalaire en manométrie anorectale, une neuropathie pudendale sur les tests électrophysiologiques. La sphinctérorraphie reste l'intervention de choix chaque fois que le sphincter anal externe est techniquement réparable, c'est-à-dire lorsque sa rupture est inférieure à 50 % de sa circonférence en échographie endo-anale. Depuis une dizaine d'années, se sont développées des techniques chirurgicales de substitution sphinctérienne : graciloplastie dynamisée, sphincter anal artificiel, neuromodulation sacrée. La graciloplastie dynamisée et le sphincter anal artificiel ont pour objectif commun de substituer au sphincter anal externe, soit le muscle gracilis, soit une prothèse sphinctérienne placée en situation péri-anale. La graciloplastie dynamisée est actuellement moins utilisée que le sphincter anal artificiel, sa technique est en effet plus compliquée, son suivi post opératoire plus difficile, nécessitant de nombreuses consultations, ses résultats fonctionnels semblent inférieurs, enfin son coût est deux fois plus élevé. Quoiqu'il en soit, le taux d'échec de ces deux interventions est important, environ 25 %, la principale complication étant d'ordre septique. En revanche, les résultats du sphincter anal artificiel sont de bonne qualité sur la continence anale dans plus de 80 % des cas. La neuromodulation sacrée a pour principe la stimulation électrique des racines sacrées par l'intermédiaire d'une électrode placée à leur contact par voie per cutanée et reliée à un neuromodulateur, après une période de test qui dure une quinzaine de jours et qui permet de juger de la réelle efficacité de la neuromodulation sur la continence anale. L'indication élective de cette technique est une incontinence anale à sphincter anatomiquement conservé en échographie endo-anale et d'origine neurologique authentifiée par les tests électro-physiologiques. Les résultats sont bons sur la continence anale chez les patients sélectionnés après positivité du test initial. Récemment, d'autres techniques sont apparues, en cours de validation, en particulier la radio-fréquence anale dont le principe est de créer par la température élevée induite au niveau du canal anal, une contraction tissulaire et un remodelage du canal anal et du bas rectum.
Abstract Surgery often seems the only possible treatment of a traumatic anal incontinence or the last possibility of an anal incontinence after failure of the other treatments, namely medical treatments and biofeedback. The surgeon can use the anatomical structures like colon, rectum or muscles, carrying out a surgery of restoration, or implant in the perineum other structures: muscular transposition or prosthetic material carrying out a surgery of substitution. Several techniques of myorraphy were described: anterior myorraphy, posterior myorraphy or postanal repair, anterior and posterior myorraphy or total pelvic floor repair; these various techniques are rarely used currently because of the inconstancy of their results and the long-term degradation of the results initially obtained. Sphincterorraphy is a direct repair of external anal sphincter, carried out by peri-anal access centered on the sphincter defect located by endo-anal sonography. Its functional results are good in 70% of the short-term cases; however, they tend to be deteriorated with time and only 50% of the patients will keep their good initial functional result in the long term; 3 factors correlated with a bad result were identified: a rupture of the internal anal sphincter, a decrease of resting pressure in ano-rectal manometry, a pudendal neuropathy on the electrophysiological tests. The sphincterorraphy remains the intervention of choice each time the external anal sphincter is technically reparable, i.e. when its rupture is lower than 50% of its circumference. Over the past ten years, surgical techniques of substitution developed: dynamic graciloplasty, artificial anal sphincter, sacral nerve stimulation. The dynamic graciloplasty and the artificial anal sphincter have as a common objective: to substitute for the external anal sphincter, either the muscle gracilis, or a prosthesis placed in peri-anal situation. The dynamic graciloplasty is less currently used than the artificial anal sphincter, its technique is more complicated, its follow-up is more difficult, requiring many consultations, its functional results seem lower, finally its cost is twice higher. At all events, the rate of failure of these two interventions is important, approximately 25%, the principal complication being of a septic nature. On the other hand, the results of the artificial anal sphincter are of good quality on the anal continence in more than 80% of the cases. The sacral nerve stimulation is the electric stimulation of the sacral nerves via an electrode placed at their contact by percutaneous way and connected to a neuromodulator, after one period of test which lasts about fifteen days and which makes it possible to judge real effectiveness of the neuromodulation on the anal continence. The elective indication of this technique is an anal incontinence with sphincter anatomically preserved in endo-anal sonography and of neurological origin is identified by the electrophysiological tests. The results are good on the anal continence among patients selected after positivity of the initial test. Recently, other techniques appeared, in the course of validation, in particular the radiofrequency of the anal canal whose principle is to create by the high temperature induced on the level of the anal canal, a tissue contraction and a sclerosis of the internal anal sphincter
|