Séance du mercredi 3 janvier 2007

RÔLE DU CHIRURGIEN EN ONCOLOGIE : EXEMPLE DU CANCER DU SEIN
15h00-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : REmy SALMON

 

 

Introduction.

SALMON R (Paris)

 

Cancer du sein et traitement conservateur : justification réelle de la « règle » des 3 cms

UZAN S, ROUZIER R (Paris)

Résumé
La plupart des équipes considèrent que la taille tumorale « frontière » du traitement conservateur en cas de cancer du sein se situe à 3 cms. Cette recommandation apparaît également dans les standards option recommandation comme : « la limite habituelle d’une exérèse histologique complète avec un résultat esthétique satisfaisant ».
Si l’on souhaite analyser à l’heure de la médecine basée sur les preuves cette affirmation il apparaît qu’elle relève plus du « dogme » que de la limite « statistiquement » établie.
Une revue exhaustive de la littérature de ces 30 dernières années permet de faire apparaître les points suivants :
- les principaux essais randomisés entre traitement conservateur et mastectomie concernent des tailles tumorales de 2 et 4 cms, certains vont au-delà jusqu’à 5 cms, mais aucun n’a concerné un critère de randomisation à 3 cms…….
- Dans la plupart des essais le recours à des traitements conservateurs entraîne essentiellement un impact sur le risque de récidive locale largement réduit par l’utilisation d’une radiothérapie complémentaire.
- l’importance du passage in sano et son étendue (5 mms ou plus de 10 mms) est un facteur essentiel de récidive et dans la plupart des études c’est un facteur indépendant et au moins aussi important que la taille initiale
- Très peu d’études font une part suffisante à la taille du sein et à l’impact esthétique d’une exérèse étendue.
- Pour ce qui concerne les tumeurs « centrales » proches de la plaque aréolo mamelonnaire longtemps considérées comme une contre indication au traitement conservateur, on ne retrouve aucune étude établissant formellement un risque supplémentaire lié au traitement conservateur. De plus, des études menées en utilisant un traitement à type de tumorectomie couplée à l’exérèse de la plaque aréolo-mamelonnaire confirment cette notion.
- Les arguments tirés de la persistance de foyers infra-cliniques in situ ou invasifs, soit dans le même quadrant (lésions multicentriques) soit dans un quadrant différent (lésions multifocales), sont confirmés par l’étude des pièces de mastectomie. Ce risque semble être en très grande partie contrôlé par la radiothérapie post-opératoire.
Au total, le traitement conservateur semble pouvoir être proposé plus largement dès lors que le résultat esthétique peut être préservé en disposant de marges ou de recoupes négatives suffisantes jusqu’à des tailles tumorales supérieures à 3 cms (4 voire 5 cms). La décision est à moduler, en fonction de la taille du sein.
Surtout les possibilités de traitement conservateur ont été largement augmentées du fait de l’introduction :- des traitements néo-adjuvants (chimiothérapie et hormonothérapie) qui permettent d’obtenir fréquemment une réduction pré opératoire de la taille tumorale, -des techniques d’oncoplastie qui permettent de réaliser des exérèses oncologiquement adéquates avec un résultat esthétique satisfaisant, -et bien entendu du dépistage qui reste un élément essentiel de découverte des tumeurs à un stade plus précoce et une taille plus réduite.

 

Oncoplastie et reconstruction mammaire immédiate (R.M.I).

FITOUSSI A (Paris)

 

La reconstruction mammaire différée
Delayed breast reconstruction

BRICOUT N (Chatou)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2007, vol. 6 (2), 031-039

Résumé
La reconstruction mammaire, qu’elle soit différée ou immédiate,
plus récente, fait partie intégrante du traitement du cancer du sein.
Les moyens, les techniques utilisés vont dépendre de la quantité et
de la qualité des tissus disponibles : il faut en effet apporter une
surface, restaurer le volume manquant et reconstruire une aréole et
un mamelon. Mais la reconstruction ne peut s’intéresser uniquement
au sein manquant : il faut savoir également assurer la symétrie
avec le sein opposé, ce qui fait appel à toutes les ressources de la
chirurgie plastique.
Chirurgie passionnante mais difficile, elle pose le problème de sa
formation et de son enseignement, car il faut posséder une double
compétence, carcinologique et plastique, tout en sachant expliquer
simplement les possibilités et limites du geste proposé, afin de capter
et de garder la confiance de la patiente, déjà suffisamment agressée
par la maladie et les traitements subis. Elle place en la reconstruction
beaucoup d’espoir, pour appréhender à nouveau le mieux
possible le milieu extérieur et revivre le plus normalement possible.
Nous lui devons le meilleur de notre expérience, afin de ne décevoir
son espoir, ni sur le plan technique, ni sur le plan humain.

Abstract
Breast reconstruction has become an integral part of breast cancer
treatment. It is usually performed late after mammectomy but immediate
reconstruction has recently gained a larger place.
The means and techniques used depend on the quantity and quality
of tissues available: It is necessary to supply a healthy surface,
restore the missing volume and reconstruct an areola and a nipple.
However breast reconstruction is not solely directed to the missing
breast: one has also to ensure symmetry with the other breast, which
calls on all the resources of plastic surgery.
This fascinating but difficult surgery, poses problems in its training
and education, for it requires oncologic and plastic skills. Moreover,
the possibilities and limits of the surgical procedures proposed must
be explained clearly and with humanity to the patient, who is already
sufficiently afflicted by the illness and the previous treatments
undergone. Her hope in the reconstruction allows her to face
the outside world and to live as normal a life as possible.
She deserves the best of our experience so as not to disappoint her,
either on the technical or human point of view.

 

Place de la chirurgie dans le traitement du cancer du sein.

SERIN D (Président de la Société française de Sénologie)

Résumé
Sans parler de véritable crise d’identité, un certain nombre de nos collègues chirurgiens ont eu la sensation dans les années 70 que leur place dans le traitement du cancer du sein était remise en question. Allaient-ils passer du rang prestigieux d’acteurs majeurs, essentiel du traitement, de la guérison à celui moins glorieux d’adjuvants improbables d’oncologues médicaux et radiothérapeutes de plus en plus efficaces et ambitieux ?
Au tournant du 20ème siècle, le monopôle chirurgical dans le traitement du cancer du sein, issu d’une très longue tradition historique s’est trouvé confirmé par le génial Halsted qui multiplia d’un seul coup le taux de survie des femmes atteintes de cancer du sein par 10 grâce à l’intervention éponyme. On passa en peu d’années de 5% de survie à 5 ans à 50% à 5 ans.
Ce monopole chirurgical fut une première fois battu en brèche par les disciples de Rœntgen et de Marie Curie rassemblés qui proposèrent à celles que les chirurgiens réfutaient, une option thérapeutique qui apporta à certaines un répit transitoire et à d’autres plus rares une véritable guérison. Cette opposition entre chirurgie et radiothérapie ne fut pas frontale et dès Mac Whirter les chirurgiens offrirent une place aux radiothérapeutes en complément des traitements radicaux. Le développement de l’association radio chirurgicale permit alors l’essor des traitements conservateurs avec de très nombreuses publications où le nom de chirurgiens prestigieux figurait toujours en première place.
Avec l’arrivée des oncologues médicaux dans le champ du cancer du sein, un vent de tempête s’abattit sur les chirurgiens. Les tenants du poison cellulaire s’intéressèrent dans un premier temps à la cellule cancéreuse partie en errance avant que le chirurgien n’intervienne et dans un deuxième temps clamèrent urbi et orbi la relativité du geste chirurgical dont on pourrait à court terme se passer. Le contrôle local de la maladie pourrait être confié à des radiothérapeutes qui se ravirent de devenir aussi importants que des chirurgiens. Las, la fréquence accrue des récidives locales et la médiocrité des résultats esthétiques de la radiothérapie exclusive aggravés par le traitement médical premier vinrent tempérer ces enthousiastes effrénés. Plus récemment, une nouvelle molécule le trastuzumab, double l’espérance de vie des patientes dont les tumeurs du sein sur expriment Her 2. Le mot de révolution thérapeutique a été de nouveau employé. C’est probablement vrai, mais cette révolution n’intéresse aujourd’hui « que » 25% des malades atteintes de cancer alors que la révolution d’Halsted a touché en son temps 100% des femmes atteintes de cancer.
Alors où en sommes nous aujourd’hui à l’aube de 2007 ? Qui détient ou détiendrait encore aujourd’hui un monopole dans le traitement du cancer du sein ?
Une partie de la réponse est apportée par la tenue des réunions de concertation pluridisciplinaire où tous les acteurs de la prise en charge thérapeutique s’écoutent, échangent, réfléchissent ensemble pour bâtir la meilleure stratégie. La spécificité professionnelle chirurgien, radiothérapeute, chimiothérapeute, s’efface aujourd’hui devant une approche pluridisciplinaire.
La chirurgie investit de plus en plus fréquemment le traitement local de la phase métastatique qu’il s’agisse des métastases osseuses, des métastases hépatiques, des métastases pulmonaires ou cérébrales, ce qui se traduit par plus de confort de vie et parfois un allongement significatif de la durée de survie.
La chirurgie occupe donc une place essentielle à tous les stades de la prise en charge pluridisciplinaire du cancer du sein et le chirurgien est très souvent choisi par la patiente comme l’oncologue référent pour la traversée de sa maladie. Ce plébiscite n’est-il pas la preuve de cette place éminente ?