Séance du mercredi 20 octobre 2010

NANTES, Château des ducs de Bretagne
Modérateurs : Paul Malvy et Philippe Despins

 

 

Innovations dans le traitement chirurgical de l’incontinence anale

LEHUR PA

Résumé
L'incontinence anale, définie par la perte du contrôle volontaire des selles et des gaz, est un handicap sévère dont le traitement peut être chirurgical. Le succès de la prise en charge repose sur une évaluation précise des symptômes et des mécanismes et causes à l’origine de l’incontinence, avec notamment l’identification d’une possible lésion sphinctérienne anale grâce à l’apport de l’échographie endo-anale.
La sphinctérorraphie directe en « paletot » reste toujours une option pour le traitement des ruptures sphinctériennes localisées, fréquemment dans un contexte de séquelles post-obstétricales. De nouvelles approches innovantes sont cependant apparues au cours des 20 dernières années. Notre centre a largement participé à ces développements issus d’une recherche clinique active menée en partenariat avec l’industrie des dispositifs médicaux.
Ainsi, la neuromodulation des racines sacrées qui représente une alternative peu invasive en l’absence de lésion sphinctérienne systématisée ou d’échec de réparation sphinctérienne. Un test initial par stimulation externe de 3 semaines offre la possibilité de sélectionner les patients pour lesquels un bénéfice peut être attendu. Cette technique qui a reçu très récemment un accord de remboursement, nécessite un environnement spécifique pour sa mise en œuvre et l’accompagnement des patients dans le temps, ce qui a jusqu’à maintenant limité sa diffusion.
En concurrence, des techniques de renforcement sphinctérien qui souffrent de leur complexité opératoire et des risques qu’ils comportent. La graciloplastie dynamisée est à ce titre, très nettement en recul, alors que les techniques prothétiques gardent leurs indications, notamment en cas d’échec immédiat ou secondaire de la neuromodulation. Le sphincter anal artificiel Acticon® a des résultats intéressants dans les formes sévères d'incontinence anale, mais est grevé d’un risque infectieux post-opératoire significatif et de défaillances mécaniques à distance non négligeable, le plus souvent en raison de microperforation du système obligeant à son remplacement itératif. D’autres options, plus simples, font l’objet d’essais thérapeutiques, tel le sphincter anal magnétique que nous testons actuellement, avec des résultats intéressants.
La colostomie reste un moyen ultime, mais efficace d’amélioration du confort des patients. Le patient doit être informé de cette option, pour qu’il puisse faire un choix éclairé de sa prise en charge. Le handicap de la stomie peut être limité grâce aux techniques d'irrigation colique rétrograde par de nouveaux matériels ergonomiques récemment proposés, ou antérograde selon la technique décrite par Malone de caecostomie, que nous proposons maintenant de confectionner par voie percutanée percoloscopique.
Ainsi, dans un domaine peu connu, beaucoup d’innovations présentes et à venir, reposant sur une évaluation objective des résultats au mieux dans des centres experts, dédiés à cette pathologie plus fréquente et complexe qu’il n’y paraît.

 

Comment limiter les récidives après curettage des tumeurs à cellules géantes de l’os ?

GOUIN F, ODRI G, REVERT R, DUMAINE V, REDINI F

Résumé
Introduction : Les tumeurs à cellules géantes de l’os sont des lésions agressives ostéolytiques, touchant préférentiellement les zones épiphyso-métaphysaires à proximité des grosses articulations. Elles entrainent douleurs et fractures articulaires. Pour limiter la morbidité des remplacements prothétiques imposés par le traitement par résection large de ces lésions, le curettage intralésionnel est la technique de référence pour la plupart des auteurs. Cependant cette technique conservatrice expose à un risque élevé de récidive, de 15 à 49 % suivant les séries, les équipes et les traitements adjuvants entrainant le plus souvent des séquelles fonctionnelles lourdes chez des patients jeunes. De nombreux auteurs proposent des traitements adjuvants per ou post opératoires pour limiter le taux de récidives. Nous proposons sur la base des données récentes sur les mécanismes biologiques de cette tumeur et d’une série multidisciplinaire française rétrospective, de faire le point sur les différentes alternatives adjuvantes au traitement conservateur par curettage comblement.
Matériel et méthodes : Les traitements adjuvants peuvent être utilisés en pré opératoire per opératoire ou post opératoire.
En préopératoire la seule thérapeutique adjuvante rapportée est l’embolisation isolée ou itérative.
Traitements per opératoires
Différentes techniques chirurgicales de curettage ont été décrites : nécessité d’une fenêtre osseuse au moins de la taille du plus grand diamètre de la lésion. Curettage manuel complété du curettage mécanique à la fraise et de l’électrocoagulation. Cryothérapie dont les modalités sont variables selon les équipes (azote liquide, gel). Cimentation au ciment acrylique polyméthyl métacrylate de la cavité. Traitement local par Calcitonine.
En post opératoire, l’irradiation externe a été historiquement utilisée.
Résultats : Il n’existe pas d’étude contrôlée qui permette d’individualiser une technique comme standard, mais toutes les séries, convergent pour rapporter des taux de récidives de 35 à 49 % en absence d’adjuvant per opératoire. La cimentation des cavités de curettage a été rapporté comme bénéfique sur le taux de récidive. Ces résultats sont controversés et non confirmés dans notre expérience. La localisation sous-chondrale de la plupart des TCG limitent également sont utilisation au contact direct du cartilage sur les gros volumes. La cryothérapie donne les résultats les plus encourageants avec des taux de récidives limités à 10% pour certains: sont utilisation est cependant limitée par la nécessité d’une cavité continente, les risques de toxicité locale et les difficultés logistiques pour son utilisation l’azote liquide. Enfin, la radiothérapie est une technique de sauvetage, les risques de sarcomes radio-induits étant élevés.
Les avancées dans la connaissance cellulaire et moléculaire des acteurs et interactions entre milieu environnant et cellules tumorales ouvrent la voie à des approches thérapeutiques ciblées médicales.
En effet, les premières études in-vitro et les 2 premières séries chez l’homme de traitement médical ciblé sur les cellules ostéoclastiques (bisphosphonates et anti RANK L) confirment le rationnel d’une approche médicale ciblée sur l’activité puissamment anti ostéoclastique de ces molécules. La validation de ces traitements médicaux adjuvants est d’un intérêt majeur, des stratégies combinées médico-chirurgicales devraient en effet permettre une chirurgie conservatrice sur le plan fonctionnel et plus efficace vis-à-vis des risques de récidive.
Conclusion : Au-delà de la technique chirurgicale du traitement conservateur des TCG qui doit être rigoureux et repose sur les résultats historiques de séries rétrospectives, la connaissance des mécanismes biologiques en jeu dans les TCG devrait permettre une approche chirurgicale moins agressive et des résultats fonctionnels meilleurs dans l’avenir. Une étroite collaboration entre chirurgiens, médecins oncologues et chercheurs ainsi que le développement des méthodologies de recherche clinique appliquées à la chirurgie sont nécessaires pour valider ces progrès.

 

Reconstruction du tibia par lambeau de fibula vascularisée bifoliée, après résection d'une tumeur maligne chez l'enfant

HAMEL A, GEFFROY L, GUILLARD S, ROGEZ JM, DUTEILLE F

Résumé
Le lambeau de fibula vascularisée est largement utilisé, en traumatologie ou en chirurgie tumorale, afin de combler les pertes de substance osseuse de grand volume. Le dédoublement de la fibula permet d’augmenter le diamètre et la résistance mécanique de la reconstruction tout en conservant la vascularisation des deux hémi-fibulas. Nous rapportons une série de quatre reconstructions tibiales assurées par un lambeau de fibula vascularisée bifoliée, réalisées à la suite d’une résection d’une tumeur maligne de l’extrémité supérieure du tibia (trois sarcomes d’Ewing et un ostéosarcome). Ces reconstructions ont été réalisées chez quatre enfants agés de huit à quinze ans. La longueur moyenne de de la résection était de 11,1 cm (de 9,6 à 12,5 cm) alors que la longueur moyenne de la fibula était de 23,4 cm (de 20 à 26 cm). La fibula était sectionné en deux parties égales, tout en conservant une continuité périostée sur le versant postérieur ou chemine l’artère fibulaire. La synthèse a été assurée une fois par une plaque et trois fois par un fixateur circulaire hybride. La consolidation a été obtenue dans trois cas, un enfant étant décédé d’une récidive pulmonaire avant consolidation. La jambe reconstruite a été dans tous les cas protégée par une orthèse de type Sarmiento jusqu’au dix huitième mois post-opératoire. Chez les trois enfants survivants, l’augmentation de l’épaisseur des corticales fibulaires a été observée et s’est poursuivie jusque cinq ans après la réalisation de la reconstruction. Aucune complication liée au prélèvement n’a été constatée. Le lambeau de fibula vascularisée bifolié permet d’assurer, en un seul temps opératoire, une reconstruction biologique dont les qualités mécaniques permettent de reprendre des activités physiques habituelles chez l’enfant, après consolidation et hypertrophie du greffon.

 

10 ans de traitement endovasculaire de l’artère fémorale superficielle

GOUEFFIC Y, CHAILLOU P, COSTARGENT A, AZEMA L, PATRA P

Résumé
La technique endovasculaire apparaît aujourd’hui incontournable dans le traitement des lésions athéromateuses des membres inférieurs. Le dernier consensus international s’intéressant à la prise en charge des lésions oblitérantes des artères des membres inférieurs a encore élargi les indications du traitement endovasculaire par rapport à celui établi en 2000.
Le traitement endovasculaire des sténoses athéromateuses de l’artère fémorale superficielle est attrayant car il représente une alternative thérapeutique moins invasive que la chirurgie conventionnelle (pontage), pouvant être répétée et n’empêchant pas la réalisation ultérieure d’un pontage. L’utilisation d’endoprothèses métalliques (ou stent) a permis d’améliorer les résultats de l’angioplastie. En effet la force radiaire exercée par l’armature métallique du stent apporte une solution au rappel élastique immédiat et au remodelage constrictif observé plus tardivement. Cependant, les résultats sont encore limités par les fractures de stent et surtout par la survenue de la resténose intra-stent. Parallèlement aux développements observés en cardiologie interventionnelle, les recherches se sont orientées vers des stratégies de prévention in situ de la resténose intra-stent tels que les stents actifs avec des plateformes spécifiques dédiées à l’artère fémorale superficielle.
De nombreuses études sont actuellement en cours afin d’améliorer les résultats du traitement endovasculaire de la fémorale superficielle et d’en élargir les indications.

 

Assistance Circulatoire Monoventriculaire Gauche Définitive : Mythe ou réalité ? Expérience monocentrique

ROUSSEL JC, SENAGE T, PIRIOU N, PATTIER S, MICHEL M, GUEFFET JP, DESPINS P, TROCHU JN, DUVEAU D

Résumé
Objectif : Evaluer les résultats à moyen terme de l’assistance monoventriculaire gauche définitive en alternative à la transplantation cardiaque.
Méthode : Entre décembre 2006 et décembre 2009, une assistance monoventriculaire gauche a été implantée chez 7 consécutifs patients en alternative à la transplantation cardiaque en raison d’un âge supérieur à limite choisie dans notre centre (> 65 ans). La cause de la cardiopathie terminale étaient une cardiomyopathie dilatée primitive dans 71% des cas (n=5) ou ischémique dans 29 % des cas (n=2). L’âge moyen était de 68,2 2,8 ans [65,5 – 74]. La FEVG moyenne était de 18,5  5% pour une FEVD moyenne de 32  17%. Les pompes utilisées étaient : Ventrassist (n=4), Heartmate II (n=1) Jarvick 2000 (n=1) et Heartware (n=1).
Résultats : Tous les patients ont été implantés avec succès et la mortalité à 30 jours a été nulle. Les suites post-opératoires ont été marquée par : sepsis (n=2), défaillance ventriculaire droite (n=1), reprise pour tamponnade (n=2), insuffisance rénale aiguë avec dialyse (n=1). Un patient est décédé au 41ème jour postopératoire d’un orage rythmique. Les autres patients (n=6) ont tous regagné leur domicile et étaient tous en vie à la fin de cette étude. Le suivi moyen a été de 1,6 1,2 ans [0,5- 3,2 ans] et la survie actuarielle à 2 ans était de 87,5% (n=3). Tous les patients (n=6) ont retrouvé une autonomie et une qualité de vie satisfaisantes avec une dyspnée chiffrée stade I de la NYHA pour 3 patients, stade II pour 2 patients et stade III pour 1 patient. Les principales causes de ré hospitalisations secondaires ont été : troubles du rythme ventriculaire (n=3), hémorragie digestive (n=1), poussées d’insuffisance ventriculaire droite (n=1), anémie hémolytique (n=1), accident ischémique transitoire (n=1). Aucun patient n’a présenté d’infection au niveau du câble percutané ou au niveau de la sternotomie. Excepté pour le patient en dyspnée stade III, tous les patients ont repris leurs activités de loisir antérieures (jardinage, voyage…).
Conclusion : L’assistance mono ventriculaire gauche définitive en alternative à la transplantation cardiaque est possible chez des patients sélectionnés et est marquée par une faible morbi-mortalité permettant aux patients de retrouver une qualité de vie satisfaisante.