Séance du mercredi 11 avril 2012

INGENIERIE TISSULAIRE
14h30-17h00 - ADICARE, Institut de cardiologie - Groupe Pitié-Salpêtrière

 

 

Stratégies de l’ingénierie tissulaire
Tissue Engineering Strategies

ATALA A (Winston-Salem, N.C.)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2012, vol. 11 (4), 001-011

Résumé
Les applications de la technologie en médecine régénérative peuvent offrir de nouvelles thérapeutiques aux patients porteurs de lésions, de défaillances terminales d'organes ou d'autres problèmes cliniques.
Actuellement, les patients souffrant d'organes malades ou lésés peuvent être traités par transplantation d'organes. Cependant il y a une grande pénurie de donneurs qui va en s'aggravant chaque année, car la population vieillit et les nouveaux cas de défaillance d'organes augmentent. Les scientifiques dans le domaine de la médecine régénérative et l'ingénierie tissulaire appliquent maintenant les principes de transplantation cellulaire, de la science des matériaux et de la bio-ingénierie pour construire des substituts biologiques qui restaureront et maintiendront une fonction normale à des tissus malades ou atteints. Le domaine de la cellule souche est en train d'avancer rapidement, ouvrant de nouvelles avenues pour ce type de thérapeutique.
Par exemple, le clonage thérapeutique et la reprogrammation cellulaire peuvent un jour fournir une source potentielle illimitée aux cellules pour des applications en ingénierie tissulaire. Bien que les cellules souches soient encore au stade de la recherche, certaines thérapeutiques issues de l'ingénierie tissulaire sont déjà entrées avec succès dans un cadre clinique, annonçant la promesse que la médecine régénérative tient pour l'avenir.

Abstract
Applications of regenerative medicine technology may offer novel therapies for patients with injuries, end-stage organ failure, or other clinical problems. Currently, patients suffering from diseased and injured organs can be treated with transplanted organs. However, there is a severe shortage of donor organs that is worsening yearly as the population ages and new cases of organ failure increase. Scientists in the field of regenerative medicine and tissue engineering are now applying the principles of cell transplantation, material science, and bioengineering to construct biological substitutes that will restore and maintain normal function in diseased and injured tissues. The stem cell field is also advancing rapidly, opening new avenues for this type of therapy. For example, therapeutic cloning and cellular reprogramming may one day provide a potentially limitless source of cells for tissue engineering applications. While stem cells are still in the research phase, some therapies arising from tissue engineering endeavors have already entered the clinical setting successfully, indicating the promise regenerative medicine holds for the future.

 

Autogreffe d'un film épithélial provenant de la culture de cellules épithéliales de la muqueuse buccale chez des patients présentant un déficit bilatéral en cellules souches limbiques cornéennes. 3 ans de recul pour 25 patients

BURILLON C, JUSTIN V, CHAPUIS F, DAMOUR O (Lyon)

Résumé
Introduction : Présentation des résultats au long terme de la greffe d'un épithélium issu de la culture des cellules épithéliales autologues provenant de la muqueuse buccale, chez des patients présentant un déficit en cellules souches limbiques cornéennes.
Matériels et Méthodes : Après obtention de l'autorisation de l'AFSSAPS en 2007, 26 patients présentant un déficit bilatéral en cellules souches limbiques ont été inclus dans cette étude. 25 présentent trois ans de recul. Les prélèvements de muqueuse buccale ont été mis en culture afin d'extraire et promouvoir les cellules épithéliales aux caractéristiques cornéennes. Le support de la culture épithéliale est un polymère thermolabile qui permet la libération du feuillet épithélial sans procédé enzymatique avec respect de la membrane basale. Les résultats sont évalués en fonction d'un critère principal qui est la reconstruction d'un épithélium de bonne qualité et de critères secondaires, les signes fonctionnels et niveau de l'acuité visuelle.
Résultats : 16/25 patients ont eu une amélioration des cinq critères de jugement principal, ce qui correspond à un pourcentage de succès de 64%. Un patient est sorti d'étude prématurément. 2/25 ont présenté un SAE: un syndrome de Lyell et une aniridie congénitale ont présenté une inflammation gravissime, considérée comme un échec.
Au niveau de l’acuité visuelle, 74% des patients ont été améliorés : dans le groupe 1 où le stroma cornéen était opaque (9 cas), une greffe de cornée a été réalisée dans un deuxième temps thérapeutique et 6/9 ont eu une amélioration de l’acuité visuelle. Dans le groupe 2 où le stroma cornéen était encore clair (14 cas), 11/14 ont eu l’acuité visuelle améliorée.
Au niveau des signes fonctionnels et de la qualité de vie, l’amélioration existe dans 94%.
Discussion : Ces résultats montrent qu'une restitution de la surface oculaire est possible chez ces patients et nous ont permis la réalisation d'une greffe de cornée chez 9 patients à ce jour sans rejet. L'analyse du bouton cornéen nous prouve que l'épithélium est de bonne qualité.
Conclusion : Cette greffe est actuellement la seule alternative thérapeutique pouvant être proposée aux patients présentant un déficit bilatéral en cellules souches cornéennes limbiques. Une étude multicentrique européenne encadrée par l'EMA va débuter prochainement.

 

Trachée et bronches : régénération in vivo et in vitro

MARTINOD E (Paris)

Résumé
A l’heure de la transplantation d’organes, la greffe trachéo-bronchique reste un véritable défi chirurgical et biologique. En effet, plus de cinquante années de recherche n’ont pas permis de trouver un substitut idéal aux voies aériennes. Des échecs successifs ont été observés avec les prothèses synthétiques, les bioprothèses, les allogreffes trachéales, les autogreffes et plus récemment l’ingénierie tissulaire ex vivo. Nous avons proposé, à partir de 1997, l’évaluation du greffon aortique dans cette indication. Dans plusieurs études expérimentales, nous avons démontré que l’autogreffe aortique, l’allogreffe fraîche puis cryopréservée apportaient des résultats encourageants. Nous avons, en effet, observé une régénération tissulaire non seulement épithéliale mais aussi cartilagineuse au niveau du segment greffé. Nous tentons actuellement de démontrer que la régénération d’un tissu trachéal à partir d’une matrice aortique se fait à partir de cellules souches issues de la moelle osseuse. Ces travaux illustrant les nouvelles possibilités offertes par l’ingénierie tissulaire in vivo ont conduit, chez l’homme, aux premières applications cliniques avec succès dans le cadre des cancers étendus de la trachée et de la chirurgie conservatrice du cancer pulmonaire.

 

Réparation du cartilage articulaire par ingénierie tissulaire
Cell therapy for the treatment of cartilage defects

HANNOUCHE D (Paris)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2013, vol. 12 (3), 001-004

Résumé
La chirurgie orthopédique a bénéficié au cours des dix dernières années de progrès fulgurants dans le domaine technologique, qu’il s’agisse de l’amélioration des matériaux prothétiques, du développement de systèmes de navigation, ou des progrès de la biotechnologie. Le domaine de la réparation des lésions cartilagineuses focales est un exemple de bouleversement de nos pratiques chirurgicales survenu au cours des dix dernières années, avec l’apparition de plusieurs stratégies thérapeutiques dans cette indication. Certaines visent à stimuler la réparation naturelle du cartilage par le recrutement de cellules progénitrices contenues dans la moelle (microfractures), d’autres ont pour objectif la réparation du défect par une greffe (mosaicplasty). Enfin, les techniques de thérapie cellulaire ont pour ambition la régénération complète de la lésion par l’implantation de cellules chondrogéniques ou de véritables tissus fonctionnels fabriqués au laboratoire à partir de cellules autologues et de matériaux supports résorbables. Cette dernière approche s’intègre dans un domaine plus vaste, celui de l’ingénierie tissulaire, qui fait appel à des compétences pluridisciplinaires dans les sciences physiques (biomécanique), les sciences chimiques (biopolymères), les sciences pour l’ingénieur, les sciences du vivant (biologie cellulaire et moléculaire) et la médecine.

Abstract
In the last decades, orthopedic surgery has advanced considerably with improvements in prosthetic designs, quality of materials, navigation systems, and biotechnology. The treatment of large cartilage defects in the knee remains a clinical challenge and is an example of how new technologies have fundamentally changed the way we treat these lesions today.
Current methods include the perforation of the subchondral bone to recruit repairing cells locally (microfractures), autologous osteochondral grafting (mosaicplasty), and the implantation of competent cells within the defect. Three major strategies are currently being studied to repair cartilage lesions using cell therapy: (i) the implantation of culture expanded cells seeded onto biodegradable scaffolds; (ii) the implantation of a more or less pre-shaped and structured tissue, obtained in vitro by the assembly and three-dimensional culture of cells and a resorbable matrix; (iii) the stimulation of in situ tissue repair by different means, including growth factors or genetically modified cells.
Surgeons treating cartilage defects will have an increasing variety of treatment options available, some of which will probably supersede current procedures in the near future. Although very promising, these techniques are invasive and expensive, and several issues should be overcome before they can be adapted for widespread clinical use.

 

Ingénierie des conduits vasculaires
Engineering of vascular conduits

MENASCHE P (Paris)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2012, vol. 11 (3), 037-041

Résumé
Les meilleurs substituts vasculaires restent les matériaux autologues, mais leur indisponibilité ou leur mauvaise qualité ne sont pas rares et contraignent alors à l’utilisation d’une prothèse. Si ces prothèses donnent d’excellents résultats lorsque les vaisseaux à traiter sont de gros calibre, il n’en est plus de même pour les petits diamètres et c’est dans ce contexte que les techniques d’ingéniérie vasculaire trouvent leur place élective. Fondées sur la combinaison variable de cellules et de matériaux, naturels ou synthétiques, ces techniques font appel à des stratégies diverses : ensemencement de prothèses synthétiques ; utilisation des séreuses comme bioréacteurs naturels ; ensemencement de biomatériaux dégradables ; tubes cellularisés autologues autoassemblés ; matrices acellulaires. Chacune de ces techniques a ses avantages et ses limites, mais une observation commune à tous ces travaux est la disparition rapide des cellules greffées in vitro de leur support. Aussi les cellules greffées ne sont-elles plus aujourd’hui considérées comme les constituants présumés d’un néo-tissu, mais plutôt comme des médiateurs permettant un remodelage vasculaire à travers le recrutement des cellules de l’hôte. L’identification des facteurs-clés de ce recrutement ouvre un nouveau champ de l’ingéniérie vasculaire fondé sur l’exploitation des capacités endogènes de néo-vascularisation. La traduction concrète en est la fonctionnalisation de matrices biodégradables acellulaires par des motifs capables d’induire une réhabitation du greffon par les cellules du receveur, permettant ainsi de minimiser les effets délétères de l’interface sangmatériau (thrombose, hyperplasie intimale) sans compromettre l’élasticité et la compliance du néo-vaisseau.

Abstract
The best vascular substitutes are autologous materials but their unavailability or their poor quality are not uncommon, which then requires the use of synthetic prostheses. If these prostheses yield an excellent efficacy record in large diameters, such is not longer the case when small-caliber vessels have to be grafted and it is in this setting that vascular engineering techniques are electively indicated. Based on the variable combination of cells and natural or synthetic scaffolds, these techniques rely on diverse strategies: seeding of synthetic grafts; use of serosal cavities as natural bioreactors; seeding of degradable biomaterials; autologous self-assembled cellularized tubes; cell-free scaffolds. Each of these techniques has advantages and drawbacks but all share in common the observation that the grafted cells are rapidly cleared from their supportive scaffold. The paradigm has then shifted from the use of cells as presumed constituents of a neo-tissue to that of cells considered as mediators of vascular remodeling through the recruitment of host cells. The identification of the key factors involved in this recruitment opens a new field in vascular engineering based on the harnessing of the endogenous neovascularization capacity. This concept technically translates into the development of acellular degradable scaffolds functionalized with motifs that can induce the repopulation of the graft by the recipient cells, thereby minimizing the deleterious effects at the blood-material interface (thrombosis, intimal hyperplasia) without compromising the elasticity and compliance of the neo-vessel.