Séance du mercredi 16 janvier 2013

NEUROCHIRURGIE : NOUVEAUTES EN CHIRURGIE CEREBRALE
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Hugues Duffau

 

 

Introduction générale de la séance

GERMAIN A

Résumé

 

Chirurgie des mouvements anormaux

BENABID AL (Grenoble)

Résumé
La maladie de Parkinson (MP) est emblématique des maladies neurodégénératives et des mouvements anormaux. Elle est due à la di-minution de la sécrétion de dopamine par perte des cellules dopaminergiques de la substance noire compacta. Le traitement substi-tutif par la lévodopa, précurseur de la dopamine, ou d’agonistes dopaminergiques, devient rapidement mal toléré, accompagné de fluctuations motrices et de dyskinésies. Les alternatives chirurgicales, par infusion locale d’agonistes, ou de facteurs de croissance ( GDNF), ou par greffes neurales dans le striatum sont peu efficaces. Plus prometteuses mais encore, sont les perspectives expérimen-tales de la thérapie génique qui vise à recréer dans le striatum des cellules capables de secréter de la dopamine. Les méthodes sté-réotaxiques (thalamotomie puis pallidotomie), ont été utilisées depuis les années 50 pour supprimer respectivement les tremblements (Ohye et al, 1965) et les dyskinésies (Laitinen et al, 1992). Néanmoins, les effets peuvent s’estomper, nécessitant une réin-tervention, ou des complications déficitaires survenir. La découverte des effets paradoxaux de la stimulation électrique à haute fré-quence (supérieure à 100 Hz) mimant les effets d’une lésion destructrice à permis de développer la technique de stimulation céré-brale profonde à haute fréquence (SCP-HF), peu invasive, réversible, adaptable, à faible morbidité, même quand elle est bilatérale. Ainsi la SCP-HF du thalamus (Benabid et al, Lancet, 1991) et du Pallidum ont-elles remplacé la thalamotomie et la pallidotomie, dans la MP et dans les dystonies, et la maladie des Tics de Gille de la Tourette. La faible morbidité a permis de l’appliquer au noyau sub-thalamique (NST) (Limousin et al, Lancet 1995), dont les effets majeurs sur la triade parkinsonienne (tremblement, akinésie, rigidité) en ont fait la thérapeutique de premier choix dans les formes sévères de la MP, ainsi qu’au Noyau pédunculopontin (PPN), qui lui nécessite d’être excité à basse fréquence (25Hz), dans les troubles de la marche. Les perspectives sont au niveau de la miniaturisation, et du développement de nouveaux paradigmes et électrodes.
Intervenant: E CUNY (Bordeaux)

 

Chirurgie de l'épilepsie

CHABARDES S (Grenoble)

Résumé
Selon un rapport très récent de l’OMS, l'épilepsie est en 2010 la maladie neurologique handicapante la plus répandue en Europe, avec 6 millions de patients dont 30% pharmaco-résistants. Parmi ces épilepsies, certaines naissent dans une région bien délimitée du cerveau. Reconnaître ces épilepsie focales et delimiter la région « épileptogène » pour en faire l’exerése chirurgicale sont les condi-tions permettant de garantir au patient les plus grandes chances de guérison. La chirurgie peut ainsi alors guerir 8 fois sur 10 ces pa-tients, notamment lorsque les crises naissent du lobe temporal, situation la plus fréquente. Le développement de nouvelles imageries, non invasives, à la fois anatomique (IRM de haut champs), fonctionnelle (IRM fonctionnelle, MEG) et métabolique (Tomographie par emmision de positons) permet actuellement de mieux définir chez un patient donné la zone épileptogène y compris lorsqu’aucune lésion cérébrale n’est visible. Parfois, des techniques d’exploration électro-encephalo-graphique par électrodes intracérébrales implantées (SEEG) sont nécessaires et permettent la aussi de proposer un geste chirurgical d’exerese sur mesure. Cependant, les enjeux actuels de la chirurgie de l’épilepsie sont doubles : 1) se donner les moyens de dépister et traiter les enfants souffrant de telles épilepsies graves et prévenir ainsi les conséquences neurologiques et cognitives mais aussi sociales de leur maladie avant qu il ne soit trop tard. 2)développer la recherche de thérapeutiques innovantes permettant de traiter les patients pour lesquels les médicaments ne sont pas efficaces et chez qui la chirurgie d’exerese n’est pas possible.
Intervenant: M GUENOT (Lyon)

 

Nouveautés dans la chirurgie des gliomes cérébraux : vers un acte personnalisé
New insights into surgery for brain gliomas: towards a personalized act

DUFFAU H (Montpellier)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2013, vol. 12 (1), 019-024

Résumé
L'exérèse chirurgicale représente désormais la première option thérapeutique dans les tumeurs gliales cérébrales, notamment dans les gliomes diffus de bas grade - en accord avec les recommandations européennes en vigueur, prônant une attitude interventionniste et non plus attentiste. Toutefois, vu qu'il s'agit d'une pathologie chronique infiltrante du système nerveux central (et non d'une masse tumorale, comme cela a trop souvent été clamé par le passé), l'intervention expose à un risque fonctionnel, surtout pour les gliomes situés en zones « éloquentes ». De fait, les exérèses doivent être effectuées selon des limites fonctionnelles (et non plus strictement oncologiques) à la fois corticales et sous-corticales, grâce à l'utilisation de techniques de cartographie peropératoire chez les patients opérés éveillés. Effectivement, une méta-analyse récente de la littérature portant sur plus de 8 000 patients opérés de gliomes (de bas et de haut grades), sans versus avec stimulations électriques per-chirurgicales, a démontré que l'utilisation d'une cartographie fonctionnelle permettait (i) d'ouvrir les indications chirurgicales en régions classiquement jugées comme « inopérables » (ii) de majorer l'étendue des résections tumorales, avec un impact accru sur les médianes de survie (iii) tout en diminuant significativement le risque de déficits neurologiques permanents. Une telle stratégie chirurgicale n'est toutefois possible que grâce à la meilleure compréhension des bases neurales individuelles des fonctions sensorimotrice, langagière, cognitives et comportementale, via une étude approfondie de la connectivité anatomo-fonctionnelle (« hodotopie ») et des mécanismes de plasticité cérébrale. Cette vision hodotopique et dynamique (et non plus localisationniste et rigide) de l'organisation cérébrale permet ainsi d'évoluer vers un acte opératoire personnalisé.

Abstract
Surgical resection is now the first therapeutic option in glial tumors of the brain, especially in diffuse low-grade gliomas - according to the recent European guidelines which support an active strategy and not a « wait and see » attitude anymore. However, because glioma is a chronic and diffuse disease of the central nervous system (and not a tumoral mass, as claimed for a long time), surgery may generate neurological deficit, in particular for lesions located within eloquent areas. Therefore, resection should be performed according to functional (and not only oncological) boundaries, both at cortical and subcortical levels, thanks to the use of intraoperative mapping techniques in awake patients. Indeed, a recent meta-analysis of the literature investigating more than 8 000 patients who underwent surgery for low-grade and high-grade gliomas, without versus with intraoperative electrostimulation, has demonstrated that cerebral mapping enabled (i) the opening of surgical indications to regions classically considered as « inoperable » (ii) an increase of the extent of tumor resection, with a significant impact on overall survival (iii) while minimizing significantly the risk of permanent neurological morbidity. Such a surgical strategy is possible owing to the better understanding of individual neural basis underlying sensorimotor, language, cognitive and behavioral functions, through a rigorous study of the anatomo-functional connectivity (« hodotopy ») and mechanisms of brain plasticity. This hodotopical and dynamic view (and not localizationist and rigid view) of cerebral organization opens the door to a personalized surgical management.

 

Chirurgie de la douleur : agir chirurgicalement sur le système nerveux contre la douleur, mythe ou réalité ? Le traitement neurochirurgical des douleurs

MERTENS P (Lyon)

Résumé
Modifier le message nociceptif est une quête ancienne des thérapeutes qui font face à des patients victimes de douleurs réfractaires. Dans les premiers temps, il a semblé logique de chercher à interrompre les voies ou les relais connus de ce message par des tech-niques lésionnelles. De nombreuses structures ont été ciblées par ces techniques ce qui a permis de collecter de nombreuses données anatomo-cliniques qui ont enrichi le champ scientifique. Néanmoins, les résultats décevants sur le plan antalgique de ces interven-tions lésionnelles ont laissé le champ libre au développement ultérieur de techniques cherchant plutôt à moduler ce message et son traitement central et non plus à le supprimer. Cette approche dite de neuromodulation des douleurs, qui possède l’avantage d’être réversible et adaptable, s’est développée en parallèle aux progrès des connaissances en Neurosciences et aux développements tech-nologiques permettant l’implantation de stimulations spinale, cérébrale profonde et corticale et également d’infusion de molécules antalgiques au plus près de leurs récepteurs intracérébraux.
Ainsi la possibilité d’agir chirurgicalement sur le système nerveux pour tenter de contrôler une douleur n’est plus un mythe depuis longtemps mais une réalité qui comporte des limites. En effet, ces approches ne peuvent encore revendiquer d’apporter un soulage-ment face à toutes les douleurs réfractaires échappant aux traitements médicaux. Cependant, la caractérisation d’une véritable «si-gnature» des phénomènes douloureux neurogènes jusqu’ici difficile semble de plus en plus proche grâce à l’utilisation combinée de l’électrophysiologie et de l’imagerie fonctionnelle et peut faire espérer dans un futur proche la possibilité de moduler à titre antal-gique des cibles jouant un rôle non seulement sur le traitement du message nociceptif mais également sur sa transformation en dou-leur.
Intervenant: S BLOND (Lille)

 

Neuromodulation chirurgicale des comportements
Surgical modulation of behaviors and affects by deep brain stimulation

FONTAINE D (Nice)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2013, vol. 12 (1), 005-008

Résumé
La stimulation cérébrale profonde (SCP) est utilisée depuis 25 ans pour moduler les circuits neuronaux moteurs cortico-sous corticaux. La neuroimagerie fonctionnelle a montré que certaines affections psychiatriques comme la dépression, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et la maladie de Gilles de la Tourette (MGT) résultaient de dysfonctionnements de circuits neuronaux similaires. La neuromodulation de ces circuits par SCP a permis dans des études pilotes ou comparatives d’améliorer des patients atteints de formes sévères et pharmaco-résistantes de ces affections. Plusieurs cibles anatomiques, appartenant au même circuit, ont été proposées pour l’implantation neurochirurgicale stéréotaxique des électrodes de stimulation électrique chronique.
Dans la dépression, la SCP du cingulum antérieur (aire Cg25) a amélioré de plus de 50 % la moitié des 30 patients traités dans une série prospective. D’autres cibles comme le nucleus accumbens (NAcc), le striatum ventral (VS), la capsule interne sont en cours d’évaluation. Dans une étude randomisée, la SCP du noyau sous thalamique (NST) les TOC sévères des patients stimulés diminuaient >30 % par rapport à la stimulation placebo. Les cibles VS et NAcc sont aujourd’hui évaluées de manière comparative dans le TOC. Dans la MGT, la SCP du thalamus ou du globus pallidum interne diminue de 60-90 % les tics sévères de la centaine de patients rapportés dans des séries prospectives.
Ces résultats encourageants restent à confirmer dans des études à plus large échelle. Les mécanismes d’action, les facteurs théranostiques et la place de la SCP dans le traitement de ces affections restent à préciser. Les aspects éthiques doivent aussi être considérés.

Abstract
Deep brain stimulation (DBS) has been proposed for 25 years to modulate motor cortico-basal neural networks to treat movements disorders. Functional neuroimaging studies have showed that some psychiatric disorders as Tourette’s syndrome (TS), obsessive compulsive disorders (OCD) and major depression (MD) probably result from the dysfunction of similar neural networks. Neuromodulation of these networks using DBS has been shown to successfully improve patients suffering from severe and refractory forms of these diseases, in several pilot and/or comparative studies. Several brain structures, belonging to these networks, have been proposed as potential efficient DBS targets.
Several prospective open studies have shown that 50-60 % of the patients suffering from MD respond (depression score decrease >50%) to DBS targeting the subgenual portion of the cingulum (Cg25) or the nucleus accumbens (NAcc). In OCD several DBS targets have been proposed, including the NAcc, the subthalamic nucleus (STN), the anterior limb of the internal capsule, and the ventral striatum. Efficacy of STN-DBS and NAcc-DBS has been confirmed in comparative blinded studies. In TS, tics may be dramatically improved by DBS of the thalamus (centro-median and parafascicular nuclei) or the limbic part of the globus pallidus internus (GPi).
These results are encouraging but need to be confirmed in large comparative studies before to discuss the place of surgery in the management of these affections. The mechanisms of action and the predictive factors of DBS efficacy have not been identified yet. The ethical aspects of this approach have to be discussed too.