Séance du mercredi 17 avril 2013

COMMUNICATIONS LIBRES
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Sous la Présidence d’honneur de Monsieur François Richard

 

 

Introduction de la séance

 

Du rachis à la colonne vertébrale : la nécessaire évolution d'une singularité terminologique française

LE MINOR JM (Strasbourg)

Résumé
Le terme "rachis" n'est pratiquement utilisé (et compris) qu'en France. Alors qu'il a une connotation archaïsante, il paraît même paradoxalement connaître une nouvelle vogue. Il est une nécessité pour toute discipline scientifique d'avoir une terminologie unique, claire, et rigoureuse afin de faciliter échanges et apprentissage. Une terminologie anatomique internationale (latine) a été adoptée dès 1895 et a connu des confirmations et révisions régulières. Le terme retenu, et utilisé dans tous les pays depuis plus d'un siècle, est celui de "colonne vertébrale" (= columna vertebralis) ; il n'a que des avantages puisque les unités élémentaires en sont les vertèbres (le terme grec de spondulos n'est plus utilisé qu'en pathologie par le préfixe "spondylo-"). Les vertèbres sont, de plus, une caractéristique évolutive commune caractérisant un taxon monophylétique du vivant (Embranchement) : les Vertébrés (= Vertebrata). Le terme "vertébral" a par ailleurs l'avantage d'être compris du grand public. Parmi les autres synonymes anciens tels "épine" ou "échine", celui d'épine se trouve conservé dans la nomenclature actuelle sous la forme de l'adjectif "spinal" dérivé de sa forme latine (= spina) ; la moelle spinale (= medulla spinalis) est l'ancienne moelle épinière. L'adjectif dérivé "rachidien" et le préfixe "rachi-" n'ont ainsi également plus de sens ; le nerf spinal (= nervus spinalis) est l'ancien nerf rachidien ; le muscle érecteur spinal (= musculus erector spinae) correspond aux anciens muscles érecteurs du rachis (au singulier et non plus au pluriel), et le liquide cérébro-spinal (LCS = liquor cerebrospinalis) au classique liquide céphalo-rachidien (LCR). Alors que les enseignants d'anatomie français utilisent la nomenclature internationale depuis de nombreuses années, il paraît à présent essentiel qu'elle soit aussi adoptée en pratique clinique. Les allemands utilisent la terminologie anatomique latine non traduite ; l'anglais, est quant à lui, devenu la langue scientifique internationale. Les termes français de "vertébral" et de "spinal" ont l'avantage d'être à la fois similaires à ceux en latins (vertebralis et spinalis) et identiques aux termes anglais (vertebral et spinal) et donc en augmentant la lisibilité et la visibilité (en particulier par des mots-clés utilisés lors de recherches sur internet), de valoriser les travaux français et les échanges internationaux.

 

Méningoencéphalocèle fronto-éthmoidal au Cambodge : projet de chirurgie solidaire
Frontoethmoidal Meningoencephalocele in Cambodia: A Humanitarian Program

ROUX FE (Toulouse)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2013, vol. 12 (4), 018-027

Résumé
Objectifs. A la demande de nos collègues cambodgiens, nous avons pensé et développé depuis 2004 un programme de formation, de traitement à bas coût du méningoencéphalocèle fronto-ethmoidal et d’évaluation des résultats. C’est une pathologie fréquente chez l’enfant en Asie du sud-est, d’étiologie discutée, socialement très invalidante chez des individus par ailleurs normaux. Il touche préférentiellement les populations pauvres.
Méthode. Ce programme a associé une équipe (« opération sourire ») de neurochirurgie et de chirurgie maxillo-faciale, deux fois par an sur 10 jours, accueillie à Phnom Penh dans un centre chirurgical (« Children Surgical Center ») dont le but est d’offrir différents traitements chirurgicaux gratuits pour des populations défavorisées.
Résultats. Consultations conjointes, choix des indications chirurgicales, transfert de techniques, de matériel, de savoirs (revues, vidéos) et aide aux publications ont permis d’opérer 289 enfants et, à terme, de permettre leur traitement par des chirurgiens cambodgiens. Le challenge représenté par le suivi post chirurgical de ces patients a été résolu par la mise en place d’une base de données spécifique ; 93 % des enfants opérés ont été revus au moins une fois.
Conclusions. Le succès de ce programme a permis qu’il soit sélectionné et financé totalement depuis 2010 par la Fondation L’Oréal. Il a fait l’objet de quatre publications internationales conjointes Khmers-Français, a fait la couverture du Journal of Neurosurgery en 2007 et a permis un partenariat CHU de Toulouse/Hôpital Calmette pour la formation de neurochirurgiens et chirurgiens maxillo-faciaux cambodgiens à Toulouse.

Abstract
Objective. We developed since 2004 a humanitarian teaching program based on a low cost treatment of frontoethmoidal meningoencephalocele and including an evaluation of our results. This craniofacial malformation is frequent in south East Asia with devastating aesthetic and social consequences for affected children. No cause has been detected to date.
Methods. This program was facilitated by two nongovernmental organizations: «Children Surgical Center» at Phnom Penh provided the facilities, patients, and local staff and «Médecins du Monde–Opération sourire» provided visiting surgeons twice a year. All operations were free of charge for all patients.
Results. Overall, 289 patients were operated (9 years) and 93% of them were seen during follow-up. This follow up remained a challenge because of the local conditions but its strict organization allowed us to show that 77% of the patients were satisfied by the aesthetic results. The most common postoperative issue was a temporary CSF leak. At the end of this program Khmer surgeons were able to treat standard cases without the help of foreigners.
Conclusions. This program was selected and totally funded by the «L’Oreal Foundation» and four international papers associating Khmer and French surgeons were published. The development of this humanitarian program allowed several Khmer surgeons to come in France for a complementary teaching program in the fields of Neurosurgery and Facial surgery by a partnership between the Calmette Hospital in Phnom Penh and the CHU of Toulouse.

 

Revascularisation coronaire avec l’utilisation exclusive des deux artères mammaires internes chez les coronariens tritronculaires

NOTTIN R (Paris)

Résumé
L’artère mammaire interne (AMI) est le meilleur greffon pour la chirurgie de revascularisation coronaire. Nous avons développé des techniques qui permettent d’effectuer chez tous les patients une revascularisation coronaire complète exclusivement avec les deux AMI.

L’AMI gauche pédiculée est destinée au réseau coronaire antérieur. L’AMI droite est dans la majorité des cas utilisée en greffon libre, le plus souvent raccordée en « Y » sur l’AMI gauche pour revasculariser le réseau coronaire latéral et postérieur. Chaque AMI peut alimenter 2 à 4 artères coronaires grâce à des anastomoses séquentielles. Les pontages coronaro-coronariens ou intercoronariens, en raccourcissant le trajet d’un pontage, permettent d’optimiser l’utilisation des 2 AMI.

Depuis 1987, nous avons effectué chez 3500 malades tritronculaires une revascularisation coronaire avec 2 AMI. Une moyenne de 4.2 anastomoses coronaires (3 à 7) par patient a été faite. La mortalité hospitalière et le taux d’infarctus myocardiques postopératoires ont été de 1.5%, le taux de médiastinites de 2% et de complications neurologiques de 0.3%. En 2002, nous avons effectué des contrôles angiographiques postopératoires chez 92 patients consécutifs. Toutes les anastomoses étaient perméables.

La revascularisation coronaire complète avec les deux AMI est une technique fiable qui évite les occlusions précoces de greffons. Elle permet de revasculariser les réseaux artériels grêles tels que l’on en observe chez les diabétiques. Une évaluation des résultats à très long terme reste à faire.

 

Coelio-appendicectomie (CA) : indications et intérêt des trois procédés. À propos d’une série exclusive et continue de 1 041 patients
Cœlioscopic appendectomy (CA): indication and interest of the three procedures. A personal, continuous, exclusive series of 1041 cases

ESTOUR E (Valence)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2013, vol. 12 (3), 050-055

Résumé
Nous avons en 1990 proposé la classification des cœlio-appendicectomies en trois procédés, retenue par Ph. Mouret et adoptée par G. Bégin dans « Techniques - Encyclopédie Médico Chirurgicale ».
Objectif.  Préciser les indications et l’intérêt de chacun des trois procédés.
Cette série est personnelle, continue, exclusive, avec :
-512 (50 %) CA « out », extra-abdominale : exploration abdominale, repérage de l’appendice, traité par micro Mac Burney « loco optimo » avec suture transfixiante du moignon.
-182 (17 %) CA « in » intra-abdominale avec extraction la plus favorable.
-347 (33 %) CA « mixte » : libération de l’appendice, hémostase du méso intra-abdominal, et traitement du moignon à la peau.
Résultats. Indications préférentielles : La CA « out » s’adresse aux parois minces, petits-enfants et sujets jeunes avec un appendice souple, CA « mixte » aux appendices adhérents ou à méso gras, CA « in » à tous les cas mais surtout aux obèses, aux parois épaisses.
Complications importantes. Les abcès (AIS) intra-abdominaux secondaires (0,19/1 041) n’apparaissent que dans les CA « in ». Taux 1,09/182 mais 2 % en soustrayant les CA « in » utilisant l’endo-agrafage. Les moignons traités à la peau des 860 CA « out » et CA « mixte » n’ont donné aucun AIS.
Conclusion. Pour 1 041 interventions, le taux satisfaisant de 0,19 % d’AIS est lié au 0 % des moignons traités à la peau avec point transfixiant des 860 CA « out » et CA « mixtes », malgré les 1,09 % des 182 CA « in », et les 2 % des sutures par nœuds poussés. Il faut privilégier si possible les CA « out » et « mixte ».

Abstract
In 1990, we suggested the classification of the CA in three procedures, used by Ph. Mouret and adopted by GF. Begin in «Techniques – Encyclopédie Médico chirurgicale».
Objective. To clarify the indications and interest of each of the three procedures.
This series is personal, continuous, and exclusive, with:
-512 (50%) CA «out», extra-abdominal: full abdominal exploration, location of the appendix treated by micro Mac Burney «loco optimo» with a perforating stitch;
-182 (17%) CA «in» intra-abdominal with the most convenient extraction;
-347 (33%) CA «mixed»: mobilization of the appendix, intra-abdominal hemostasis of the meso, and extra-abdominal suture of the stump.
Results. Preferential indications: CA «out» is the best procedure for thin abdominal walls, little children, children and young patients with a supple appendix, CA «mixte» for appendix with adhesions or with a fat meso, CA «in» for all cases but especially for obese, thick abdominal walls, and complicated cases.
Main complications. Intra-abdominal postoperative abscess (AIS) only occurred (0,19/1041) in CA «in» with 1,09% / 182 but 2% if deducting the CA «in» with endo stapler. The stumps treated extra-abdominally for 860 CA «out» and CA «mixte» gave no AIS.
Conclusion. In 1041 cases, the satisfying rate of 0,19% AIS is linked to 0% of the stumps treated on the skin with a perforating stitch for 860 CA «out» et CA «mixed», in spite of 1,09% for 182 CA «in», and 2% for sutures with endo-abdominal loop.
The CA « out » and « mixed » procedures must be privileged, when feasible.

 

Mise en place d’implants au contact d’un tissu autre qu’osseux. L’intégration minérale, esquisse d’une possible évolution de paradigme en implantologie

DAVARPANAH M (Paris)

Résumé
L’objet de cette présentation est de faire le point sur un projet que nous avons intitulé en anglais ‘Unconventional implant placement’. Il s’agit là d’un protocole original, une première mondiale, qui a été l’objet en 2009 de 2 publications internationales et d’un abstract. Ce type de protocole esquisse une remise en question d’un des paradigmes les plus intouchables en Implantologie dentaire.

Le protocole consiste à poser des implants au contact de tissus autres que le tissu osseux (ligament alvéolo-dentaire, cément, dentine, pulpe) quand ce geste peut permettre d’éviter de recourir à des interventions invasives et répétées. Trois indications ont été identifiées. Il s’agit de la pose d’un implant au travers : 1) de dents ankylosées, 2) de dents incluses échappant à la pertinence d’un traitement orthodontique, 3) de racines résiduelles asymptomatiques et recouvertes de tissu osseux. Dans tous ces cas, retirer tout le tissu dentaire se trouvant sur le trajet implantaire est synonyme d’ablation d’un tissu osseux abondant et qui nécessite souvent une chirurgie réparatrice ultérieure. En revanche, poser un implant au contact de fragments de tissus dentaires permet un acte chirurgical, simple, classique, non invasif, qui respecte le capital osseux et esthétique.

Le nombre de cas traités est actuellement supérieur à 30 et le recul le plus important est à présent entré dans sa dixième année. Un seul échec a été enregistré sur la première patiente. La raison en a été identifiée, elle était liée à des craintes initiales qui se sont avérées infondées.

Quelques cas cliniques seront illustrés. De même, nous montrerons à l’aide de coupes histologiques provenant du chien, du singe ou du porc que nous avons une interface implant-tissu dentaire dynamique avec absence de réactions inflammatoires. Cette interface aboutit à un ancrage biologique de l’implant en regard du tissu dentaire, il ne reste pas exclusivement mécanique ainsi qu’on aurait pu le craindre. La pose d’un implant au travers d’une dent ne peut donc en aucun cas être comparée à la pose d’un clou dans un morceau de bois inerte.

Il semble donc que les limites de la simplification du traitement implantaire ne sont pas encore atteintes. Nos travaux suggèrent qu’il est encore possible d’envisager de remettre en question un des postulats les plus implicites en implantologie, celui du bannissement absolu d’interfaces biologiques autres que l’interface os-surface implantaire connu sous le terme d’ostéointégration. Le terme d’intégration minérale s’appliquerait alors à ces nouvelles interfaces.