Séance du mercredi 9 octobre 2013

LA CHIRURGIE ASSISTEE PAR ROBOT ET LA CHIRURGIE MINIMALE INVASIVE EN ORL
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Olivier Sterkers (Paris)

 

 

Chirurgie transorale assistée par robot dans les cancers des voies aérodigestives supérieures. Résultats à propos des 100 premiers cas.

HANS S, HOFFMANN C, MENARD M, CORGNOL AC de, BRASNU D (Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, Hôpital Européen Georges Pompidou, Université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité)

Résumé
Objectif : Rapporter nos résultats sur les 100 premiers patients atteints d’un cancer des voies aéro-digestives supérieures et traités par chirurgie transorale assistée par robot (CTAR).

Matériel et Méthodes : Tous les patients atteints d’un cancer de l’oropharynx, de l’hypopharynx et du larynx traités par CTAR ont été inclus. Nous avons évalué systématiquement : la faisabilité de la CMIR, la durée d’installation du robot et la durée d’intervention chirurgicale, les marges de résection, la nécessité ou pas de réaliser une trachéotomie et une sonde d’alimentation, la durée du séjour à l’hôpital, la survenue de complications et les évènements oncologiques.

Résultats : La résection par CTAR a été un succès chez 98 patients (98%). Une conversion par voie chirurgicale externe a été nécessaire chez deux patients : i/ survenue d’une hémorragie importante pendant la procédure, ii/ défaut d’exposition de la partie inférieure de la tumeur.

La durée moyenne d’installation du robot a été de 25 minutes (extrêmes: 15 à 100 minutes) et la durée moyenne d’intervention chirurgicale a été de 70 minutes (extrêmes: 20 à 150 minutes). Les limites de résection avec recoupes étaient saines chez 96% des patients.

Une trachéotomie transitoire a été réalisée chez 12 patients. Une sonde nasogastrique ou de gastrostomie a été nécessaire chez respectivement 28 et 3 patients. Un patient a une gastrostomie à long-terme (14 mois). Les complications dans la période des 30 jours post-opératoires ont été les suivantes : une pneumopathie par aspiration, un sevrage de l'alcool, un hématome du cou, une fistule du cou et deux décès lié à une hémorragie post-opératoire soudaine survenue la deuxième semaine postopératoire. La durée moyenne d'hospitalisation était de 8,4 jours (3-29 jours).

Le suivi moyen était de 21 mois (6-48 mois). Aucun patient n’a été perdu de vu. Un échec local, ganglionnaire et métastatique est survenu respectivement chez 5, 2 et 4 patients. Quatre décès sont survenus : post-opératoire (n = 2 ; 2%), lié à un événement carcinologique (n = 6 ; 6%).

Conclusion : Les cancers sélectionnés des voies aéro-digestives supérieures peuvent être traités par chirurgie transorale assistée par robot. Cette chirurgie permet de diminuer le taux de la trachéotomie, permet une récupération fonctionnelle de la déglutition plus rapide avec une durée d’hospitalisation plus courte. Des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer ces résultats préliminaires sur le plan oncologique.

 

Contrôle de l’insertion d’un implant cochléaire à l’aide d’un outil mécatronique
Cochlear Implant Insertion with a Mechatronic Tool

NGUYEN Y, MIROIR M, KAZMITCHEFF G, BERNARDESCHI D, STERKERS O UMR-S 867 Inserm / Université Denis Diderot, Paris, France. Service d’ORL de la Pitié Salpêtrière, unité d’otologie, implantologie et chirurgie de la base du crâne, AP-HP, Paris, France
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2014, vol. 13 (3), 005-011

Résumé
Les implants cochléaires sont aujourd’hui insérés manuellement avec un contrôle limité des forces d’insertions. Garantir la qualité d’insertion lors de l’implantation cochléaire pourrait avoir un intérêt dans la diminution du traumatisme lors de l’acte chirurgical afin d’améliorer la préservation de l’audition résiduelle et les structures de l’oreille interne. Il sera ainsi possible d’améliorer les résultats de la réhabilitation de l’audition à l’aide des implants cochléaires.
Nous avons mis au point un banc d’essai expérimental comprenant des modèles artificiels et anatomiques de scala tympani ainsi que des méthodes de mesure des forces d’insertion des implants cochléaires. Trois sites de lésions intra cochléaires ont été identifiés : le point d’entrée dans la cochlée, la région de 180° correspondant au virage dans le tour basal et la fin du premier tour. Nous avons pu mettre en évidence qu’une insertion manuelle génère des à-coups et pics d’effort contrairement à une insertion motorisée dont le profil est continu et prédictible d’une insertion à une autre. L’analyse des forces d’insertions permet aussi de différencier des insertions normales d’insertions traumatiques. En cas de blocage de la progression de l’implant ou de repliement en épingle, un changement, en début d’insertion, (<10 mm) de l’élévation de la force d’insertion et de sa valeur maximale (0,3 à 0,6 N vs 0.15 N pour une insertion normale) sont observés. L’ensemble de ces résultats ont conduit à la conception d’un outil d’insertion mécatronique capable d’insérer un implant cochléaire avec une maîtrise de la force d’insertion à la limite du domaine de perception haptique de la main humaine. Cet outil embarque un capteur d’effort et un actionneur linéaire alignés en série. Il devrait être un outil supplémentaire dans le but d’améliorer la réhabilitation des surdités de perception par l’implant cochléaire.

Abstract
Cochlear implants are routinely manually inserted, with limited control of insertion forces. Controlling the quality of insertion during cochlear implantation, should reduce trauma to inner ear structures to enhance preoperative residual hearing preservation. This could participate to improvement of speech performances of implanted patients.
We have set up a test bench comprising, artificial and anatomical models of scala tympani with cochlear implant insertion force measurements. Three intracochlear lesion sites have been identified: entry point into cochlea, 180° region corresponding to first turn, and the end of the first turn. We have shown that manual insertion could generate peaks and jolts, contrary to motorized insertion which has smoother and a more predictable insertion profile. Insertion force analysis allows detecting abnormal insertions. In case of array progression blocking, or tip fold-over, a sudden rise of insertion forces is observed at the beginning of the insertion (<10 mm) and its final peak is higher (0,3 to 0,6 N vs 0.15 N for a normal insertion).
These results have led to the conception of a mechatronic tool allowing a force controlled cochlear array insertion. This tool embeds a linear actuator and a force sensor in serial. It could be an additional tool to help the surgeon to perform a less traumatic surgical procedure to enhance rehabilitation of neurosensory deafness with cochlear implants.

 

Chirurgie de la base latérale du crâne assistée par ordinateur, associée au monitorage du nerf facial en continu.

BERNARDESCHI D, NGUYEN Y, KALAMARIDES M, STERKERS O (UMR-S 867 Inserm Univ Denis Diderot. Service d’ORL de la Pitié Salpêtrière, unité d’otologie, implantologie et chirurgie de la base du crâne)

Résumé
En oto-rhino-laryngologie, la chirurgie assistée par ordinateur (CAO) a longtemps été limitée à la chirurgie fonctionnelle des sinus en raison du manque de précision au niveau de la base latérale du crâne. Pour obtenir une précision infra millimétrique, compatible avec les contraintes induites par l’absence de repères superficiels et profonds du champs opératoire, il a été développé au laboratoire puis transféré en clinique des solutions techniques dont le recalage sur marqueurs fiduciaires et l’ancrage osseux de l’émetteur de navigation. La CAO Digipointeur® (Collin, Bagneux, France) est utilisée quotidiennement dans la base latérale du crâne pour les abords du conduit auditif interne (voie sus-pétreuse ou rétro-sigmoïde) et pour la chirurgie de la pointe du rocher. Dans ces indications, la navigation identifie les zones à risque (artère carotide interne, cochlée) et recentre l’abord sur la région cible intra pétreuse (schwannome vestibulaire, kyste épidermoïde, etc).

De plus, la navigation est couplée au monitorage en continu du nerf facial lors du fraisage de l’os temporal. Les fraises sont connectées au monitorage du nerf facial qui permet d’affiner de manière reproductible en toute sécurité et sans effraction le canal du nerf facial. On obtient ainsi un gain de temps par une exposition rapide dans les voies d’abord translabyrinthiques car la progression vers le canal du nerf facial est constante et non plus réalisée à vitesse décroissante lorsque l’on s’en approche. Ce système qui a modifié notre gestuelle au contact du canal du nerf facial, permet aussi d’améliorer la courbe d’apprentissage des chirurgiens en formation et, avec la navigation, représente la première étape vers une robotisation de la chirurgie otologique et de la base du crâne.

 

Chirurgie laryngée minimale invasive chez l’enfant

LEBOULANGER N, GARABEDIAN N

Résumé
Les pathologies laryngées et trachéales de l’enfant sont complexes : congénitales, acquises, mixtes, et leurs caractéristiques cli-niques sont très variables.
Leur prise en charge implique de restaurer une fonction de respiration, d’alimentation, et de phonation compatible avec une vie aussi normale que possible, et réduisant autant que possible le nombre et la durée de port d’une trachéotomie, dont la morbidité et la mortalité sont notablement plus élevées que chez l’adulte.
La chirurgie endoscopique de ces pathologies laryngées obstructives a bénéficié ces dernières années de nombreux progrès tech-niques, ainsi que du développement de stratégie chirurgicales permettant de réduire la charge de soin.
Le développement de la chirurgie robotisée, encore expérimentale dans ce domaine, est également porteur de nombreux espoir.
Nous ferons le point sur les récents développements médicaux et techniques dans le domaine de la chirurgie mini-invasive en laryngologie pédiatrique.

 

Implantation cochléaire pédiatrique , nouvelles indications

LOUNDON N, ROUILLON I, PARODI M, THIERRY B, BLANCHARD M, GARABEDIAN N

Résumé
Les indications d’implant cochléaire pédiatriques sont en constante évolution. En 2007 et 2012, les rapports de la Haute autorité de santé (www.has-sante.fr) ont précisé les indications de l’implantation pédiatrique
En unilatéral
-Surdité bilatérale sévère ou profonde bilatérale
- Intelligibilité de la parole faible malgré l’appareillage, avec reconnaissance de mots en liste ouverte < 50%
En bilatéral
- Surdité profonde bilatérale

Il existe en marge de ces recommandations, des cas particuliers qui ont émergés récemment. Il s’agit de candidats ayant
- une pluri pathologie
- une neuropathie auditive
- un âge inférieur à 12 mois
- une audition résiduelle

Pathologies complexes

Dans le cadre du suivi des enfants implantés cochléaires, deux cas de figure :
- Les pathologies associées sont déjà connues : dans le cadre d’un projet d’implantation, les enfants arrivent parfois avec des pa-thologies déjà diagnostiquées et documentées, comme lorsqu’existe une anomalie cérébrale ou des antécédents de souffrance fœtale sévères. Ces difficultés sont prises en compte dans le cadre du projet et lors de l’établissement du bilan pré implantation.
- Les pathologies ne sont pas connues : c’est la majorité des cas. Les enfants n’ont pas de contexte médical particulier et sont le plus souvent trop jeunes pour que leur profil développemental ait permis de mettre en évidence les troubles associés. Dans ce cas, les difficultés se démasquent avec le temps, plusieurs mois après l’implantation.

La question est de savoir quoi attendre après implantation (ajustement des attentes) et quelles adaptations seront nécessaires (ajus-tement du projet), et savoir évaluer les non -indications L’exploration cognitive pourrait être utile, dès que l’âge le permet (4-5 ans) puisqu’elle semble être un facteur majeur ayant un impact sur le développement du langage oral.

IMPLANTATION COCHLEAIRE AVANT 12 MOIS
L’implantation dite « précoce » est celle réalisée avant 12 mois. Pourquoi ces indications se développent-t-elles? Les raisons princi-pales sont celles liées à la connaissance de la neuroplasticité, de la période critique et du développement voies auditives centrales. L’implantation précoce permet dans la théorie d’optimiser l’utilisation de l’implant en limitant la durée de privation auditive pour les enfants sourds profonds congénitaux.

Les études disponibles rapportent un développement et une utilisation plus spontanés de la communication orale. Les étapes du dé-veloppement du proto-langage puis du langage tendent à être identiques à celles des enfants normo-entendants.

Il existe quelques études comparatives entre cette population implantées avant 12 mois et entre 12 et 18 mois. Les comparaisons sont difficiles à réaliser car il faut y inclure beaucoup d’enfants pour mettre en évidence des différences initiales qui soient significatives et pour faire le tri avec les différences interindividuelles. Ainsi, pour le moment, le « niveau de preuve » reste limité mais toutes les études vont dans le même sens, vers une implantation plus précoce.

Une implantation très précoce est en théorie positive d’un point de vue neurophysiologique mais il existe des spécificités chez le tout-petit qu’il faut connaître.
- Lorsqu’il existe une audition résiduelle, il est difficile d’affirmer avec précision le degré de surdité. Les tests auditifs utilisés (PEA / ASSR / audiométrie subjective) ont tous une limite de fiabilité à cet âge.
- L’accompagnement de la famille : c’est un point très important. Il faut rester prudent quant aux attentes de la famille qui est sou-vent dans une démarche de « réparation auditive». En effet 25 à 30% des nourrissons auront des difficultés à entrer dans le langage oral, même ayant été implantés précocement en raison de troubles intrinsèques associés à la surdité.

NEUROPATHIES AUDITIVES
Ce terme désigne un type de surdité qui correspond à la dissociation entre les résultats électro-physiologiques et la clinique. Les neuropathies auditives concernent environ 10% des patients suivis pour surdité.
Trois niveaux d’atteinte peuvent être en cause dans l’origine de ces neuropathies
- Cérébral / Nerf auditif / Intracochléaire (interface entre cellules et synapse)

L’appareillage des neuropathies auditives est réputé difficile et les résultats de l’amplification sont souvent partiels. Dans les cas de neuropathie avec intelligibilité de la parole effondrée, l’implant cochléaire peut être proposé car il est souvent plus efficace que l’appareillage conventionnel. Le bilan étiologique qui permet de mieux cerner le compartiment à l’origine de cette surdité, a aussi une grande importance pour guider les choix de réhabilitation. Une origine intra-cochléaire est de meilleur pronostic pour l’implant cochléaire. Quand l’origine de la surdité est une anomalie anatomique du nerf auditif, le pronostic perceptif sur la reconnaissance de la parole est faible.

AUDITION RESIDUELLE, SURDITE SEVERE
L’extension des indications d’implant cochléaire pour des patients ayant une « audition résiduelle »ou une surdité sévère s’est déve-loppé avec les nouvelles possibilités techniques de chirurgie cochléaire : ouverture a-traumatique de la cochlée, électrodes souples et fines, stimulation cochléaire mixte (acoustique et électrique).

La conservation de l’audition résiduelle permet éventuellement une réhabilitation mixte par amplification acoustique des fréquences résiduelles et une stimulation électrique des autres fréquences, et apporte alors un confort auditif supplémentaire. En effet, l’implant électrique code mal les fréquences graves, pas du tout la structure fine de la parole, et transcrit la musique de façon limi-tée.
Une étude récente a montré qu’en cas de surdité sévère bilatérale, les enfants sourds congénitaux avaient 75% de chance d’avoir des résultats meilleurs que leurs pairs appareillés et équivalents au groupe des enfants ayant une surdité moyenne.

L’implantation bilatérale
Le bénéfice attendu d’une implantation cochléaire bilatérale est celui lié à un certain degré de réhabilitation de la perception sté-réophonique. Celle-ci apporte un confort auditif dans le bruit et la possibilité de localisation spatiale du son. Les résultats dépendent de facteurs multiples comme l’âge à l’implantation, l’histoire de la surdité, le délai de mise en place des deux implants... Le plus important semble tout de même la précocité de la réhabilitation. Les indications d’implantation bilatérale sont les surdités bilatérales profondes.
Conclusion : Il existe des extensions d’indications actuelles de l’implantation cochléaire de l’enfant, principalement vers les surdités sévères/asymétriques, avec une meilleure prise en compte des difficultés quotidiennes d’audition dans le bruit. Les cas particuliers et complexes sont plus fréquents mais doivent être évalués prudemment.
Pour tous, une implantation plus précoce permet en théorie d’optimiser les résultats de la réhabilitation perceptive.