Séance du mercredi 26 mars 2014

PROGRÈS RÉCENTS DE LA CHIRURGIE AMBULATOIRE EN CHIRURGIE DIGESTIVE ET SENOLOGIE
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Modérateurs : Corinne VONS (Paris) et Jean Pierre TRIBOULET (Lille)

 

 

Introduction de la séance

 

Compte rendu de la séance précédente

 

Introduction

VONS C (Paris)

Résumé
La chirurgie ambulatoire, dont le taux est actuellement à 41 % (2013) progresse, en France comme en témoignent encore les expériences rapportées au cours de cette séance et qui montrent le dynamisme et le professionnalisme des équipes dans tous les domaines de la chirurgie ambulatoire, à la fois pour les indications qui concernent des interventions de plus en plus complexes (chirurgie de l’obésité, cancer du sein), et pour les organisations (soins à domicile, circuits court et long).

A l’occasion de la communication du professeur Pablo Sonzini sur sa série de plus de 2500 cholécystectomies par laparoscopie réalisées en ambulatoire en Argentine, l’augmentation de plus 100%, deux années de suite, du nombre de cholécystectomies par laparoscopie réalisées en ambulatoire en France, passant de moins de 500 à 6 000 en 2012 puis 12 000 en 2013, est signalée.

 

Cholécystectomie par laparoscopie en ambulatoire : « Cholécystectomie laparoscopique en ambulatoire : 10 ans d’expérience, 2.542 cas »

SONZINI P (Cordoba)

Résumé
La Cholecystectomie Laparoscopique (CL) est débarquée en Argentine en Octobre 1990, emportée à notre équipe par Jacques Marescaux. Nous avons aussi démarré une expérience pionnière en Argentine en CL Ambulatoire (CLA) en Mars 1998.
Entre le 4 Mars 1998 et la fin Novembre 2013, nous avons performé 2542 CLA dans l’Unité de Chirurgie Ambulatoire de la Fondation Oulton, dont 1601 femmes et 941 hommes, l’âge moyen de 46 ans (4-92). La sélection de malades tenant en compte seul le risque chirurgical, les malades ASA IV ne sont pas acceptés. Le stade évolutif de la maladie lithiasique, l’obésité morbide et la lithiase de la voie biliaire principale sont discutées, pourtant la plupart de ces malades sont acceptés au programme.
Ils sont hospitalisés à 10h, opérés à 13h, la sortie est prévue pour 21h. L’abbord chirurgical se fait sous la technique française, la cholangiographie opératoire est systématique, le contrôle du pédicule cystique se fait au Prolène, l’hémostase est assurée à la pince bipolaire, on ne s’en sert plus des “clips”. Toutes les interventions sont enrégistrées. Si l’on trouve un calcul dans la VBP, le choix se fait entre l’exploration par laparoscopie et la pose d’un drain d’Escat. La suivie postopératoire à la Fondation es basée sur la prise en charge de la douleur par l’administration de morphine réglée, ainsi que par la déambulation et alimentation précoces. Seule une dose de Ceftriaxone est administrée avant d’endormir le patient. Les indications de “conversion” à hospitalisation classique, c’est à dire que le malade passe la nuit à l’Unité, se basent de manière prioritaire sur le souhait du malade et sur le geste de conversion à chirurgie ouverte. On en discute aussi face à la présence de douleur ou vomissements dans le postopératoire, et quand la pose d’une sonde urinaire, d’un drainage péritonéal ou d’un drain d’Escat est indiquée. Les patients qui doivent rester hospitalisés pour plus de 24 heures doivent être transférés à une Clinique associée. Quant aux résultats, la durée moyenne de l’intervention a été de 32’ (11-67). La Cholangiographie systématique a eu un taux de succès de 79%, 2008 examens. On a diagnostiqué la lithiase du cholédoque 96 fois (3.8%). On a aussi décrit 39 cas de variations anatomiques d’importance (1.5%). Quant aux conversions à chirurgie ouverte, on a eu 3 cas, l’un pour découverte d’un cancer de côlon, l’autre par hémorrhagie de l’artère cystique, et la troisième par l’impossibilité d’avancer en la dissection chez une femme qu’avait subi un “by-pass” gastrique pour obésité morbide. 18 fois (0.7%) on a posé l’indication de “conversion” à hospitalisation classique: les 3 conversions, 9 drains d’Escat, 4 drainages de cavité péritonéale, et 2 fois pour le choix du malade. On a du re-hospitaliser et reprendre 3 malades: une occlusion intestinale due aux brides au J21, traitée par exploration laparoscopique convertie, une péritonite biliaire au J5, prise en charge par re-laparoscopie, et une fistule de colôn transverse chez un malade opéré 20 ans auparavant d’un éclatement de foie par accident de moto, celui qu’on avait laparotomisé par hémorrhagie de l’artère cystique, qu’on a du re-opérer et mettre sous colostomie. Les radiologues ont dû résoudre par prise en charge en percutannée 2 colections biliaires sous-hépatiques, et les endoscopistes ont été ménés à faire des Sphincterotomies Endoscopiques sur 6 des 9 malades auxquels on avait posé un drain d’Escat pour découverte de lithiase de la VBP. Parmi les bénéfices de la chirurgie ambulatoire, sont à rémarquer la réduction des coûts d’hospitalisation, la maîtrise de l’infection nosocomiale et la satisfaction des malades. Reste encore à résoudre et discuter au sujet de la responsabilité civile du chirurgien en cas de complications, l’atteinte à la privacité du “team” chirurgical, ainsi que la prise en charge de la morbidité et la campagne pour maîtriser une résistence au programme toujours présente, en rapport à préventions d’origine culturelle, souvent alimentés par les propres médecins.

Intervenant : Pr Dominique Franco

 

Chirurgie bariatrique complexe en ambulatoire ?
Complex Bariatric Procedures in an Ambulatory Setting

TOPART P, HAMARD F, PHOCAS C (Angers)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2014, vol. 13 (3), 086-089

Résumé
Objectifs.  Les interventions bariatriques, bypass gastrique et sleeve gastrectomy, sont les plus pratiquées. Ce sont des procédures très standardisées bien que comportant des anastomoses digestives. Plusieurs large séries avec 90 % de séjours <24 heures peuvent ouvrir la voie à l’ambulatoire.
Méthodes. Un protocole de récupération rapide a été développé afin que tout patient âge <60 ans, avec un indice de masse corporelle (IMC) <50 kg/m² et une opération <2 heures puisse se réalimenter et déambuler le soir de l’intervention. L’ambulatoire a été proposé à des patients éligibles et en l’absence de comorbidité majeure (diabète de type 2 compliqué, apnées du sommeil). A domicile le suivi est assuré par les diététiciennes, l’infirmière qui assure la prévention du risque thromboembolique (deux fois par jour) contrôle sur trois jours le pouls et la température. Une consultation chirurgicale avec numération globulaire est programmée à J2.
Résultats. Depuis juillet 2013, cinq patients avec un IMC entre 36 et 45 kg/m² (dont deux avec hypertension artérielle) ont eu un bypass gastrique en ambulatoire. Trois d’entre eux ont rejoint leur domicile le soir même. Une patiente a dû rester hospitalisée une nuit. Les suites ont été simples.
Discussion. Bien que des séries de 2 000 patients rapportent moins de 1,2 % d’hémorragies et 0,25 % de fistules, la survenue de ces complications à domicile préoccupe. La mise en place d’une surveillance rapprochée surtout de la fréquence cardiaque s’avère indispensable.
Conclusion. L’ambulatoire est faisable mais vraisemblablement pour un nombre limité de patients (éloignement, comorbidités). Un séjour <24 heures peut concerner la majorité des bypass gastriques et des sleeves gastrectomies.

Abstract
Objectives. Gastric bypass and sleeve gastrectomy are highly standardized and the most frequent bariatric procedures. Published series with 90% of patients discharged within 24 hours can pave the way towards ambulatory care accounting for less than 1% of the laparoscopic gastric bypasses according to the US BOLD database.
Methods. We developed a <24 hour stay protocol for every gastric bypass or sleeve on patients aged <60 years, body mass index <50 and surgery duration <2 hours aimed at ambulation and feeding 6 hours after surgery. For eligible patients without major comorbidities (type 2 diabetes on insulin, sleep apnea) ambulatory surgery is offered. At home, prevention of deep venous thrombosis allows for twice daily monitoring of heartbeat and temperature. Dietary support is provided and outpatient clinic with blood check are scheduled on day 2.
Results. Since July 2013, 5 patients 36 <BMI<45 kg/m² (2 with blood hypertension) were scheduled for ambulatory gastric bypass. 3 were discharged as expected but 1 patient had to stay overnight. There was no complication or readmission.
Discussion. Although large 24 hour stay laparoscopic gastric bypass series report no more than 1.2% bleeding and 0.25% leaks, there is a concern about severe complications occurring at home. The BOLD database found a 13 fold death risk increase for ambulatory compared to 2 day surgery.
Conclusion. Ambulatory bariatric surgery other than gastric banding is feasible but requires close monitoring. Distant homes and comorbidities may limit eligibility. Less than 24 hour stay may be more suited for complex procedures.

 

Faut-il une organisation des soins à domicile ?

BEAUSSIER M (Paris)

Résumé
La chirurgie ambulatoire correspond à des actes maitrisés chez des patients sélectionnés. Ainsi, la grande majorité des actes réalisés en ambulatoire ne nécessitent aucun suivi particulier au domicile du patient. Tous les patients sont recontactés par téléphone (appel J+1) afin de pouvoir évaluer le vécu postopératoire à domicile, la satisfaction et le cas échéant pouvoir donner des conseils d’ordres médicaux. Toutefois, il reste un certain nombre d’actes pour lesquels la justification d’une nuit d’hospitalisation au seul motif qu’il faut rassurer le patient sur des symptômes ressentis, contrôler un dispositif d’analgésie, revoir le lendemain l’aspect d’une cicatrice ou encore retirer un drain, est discutable. De plus, l’évolution de la prise en charge en ambulatoire vers des actes plus lourds et chez des patients plus fragiles pourrait justifier dans certains cas un suivi adapté au domicile du patient, ne serait-ce qu’à la phase initiale de cette prise en charge . Le relais hôpital-ville peut s’envisager sous plusieurs formes. L’implication des réseaux infirmiers, ainsi que la télémédecine sont des pistes à explorer. L’organisation des soins à domicile ne doit pas correspondre à un transfert de responsabilité sur la médecine de ville. Elle ne doit pas non plus freiner l’innovation médicale vers des actes de moins en moins invasifs. Le développement de la prise en charge chirurgicale et anesthésique vers des procédures de moins en moins invasives ne justifiant pas de suivi à domicile, ainsi que l’information aux patients restent les enjeux majeurs qui contribueront à l’essor de la chirurgie ambulatoire.

Intervenant: Jean Patrick Sales (HAS)

 

Cancer du sein et chirurgie ambulatoire
Breast Cancer and Ambulatory Surgery

GIARD S (CLCC Lille)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2014, vol. 13 (3), 083-085

Résumé
La chirurgie conservatrice du cancer du sein (60 à 70 % des interventions) semble une bonne indication pour une prise en charge ambulatoire avec des patientes le plus souvent asymptomatiques et des interventions de courte durée, à faible risque de complications « suraigües », relativement peu douloureuses et peu invalidantes. Mais en France, 5 % seulement de cette chirurgie serait effectivement réalisée en ambulatoire. Les freins étaient d’abord économiques pour les établissements (mais suppression des bornes basses au 1er mars 2014). Le nombre d’intervenants (repérages préopératoires, examen extemporané) peuvent également rendre l’organisation difficile sur une période courte. Enfin la symbolique lourde du mot cancer peut heurter soignants et patients, qui peuvent considérer cette hospitalisation courte comme un risque de défaut d’attention de la détresse psychologique. Le développement de l’ambulatoire dans cette chirurgie passe par une organisation rigoureuse de toutes les étapes : avant et après l’hospitalisation pour assurer l’information tant matérielle que psychologique, l’organisation du geste pour une fluidité de tous les intervenants, enfin par un changement de mentalités de tous, soignants et patients, afin de dissocier dans le temps le geste technique des mesures de soutien et d’accompagnement (information, soutien psychologique…) sans pour autant négliger ces dernières.

Abstract
Ambulatory breast cancer surgery is not well developed in France. Only 5 per cent of breast cancer patients undergoing surgery were offered surgery as an ambulatory procedure. However, breast conserving surgery seems a good indication for this procedure with short operative time, few morbidity, few pain and many asymptomatic patients. The principal limiting factors were the non-motivating reimbursement policy (before March 2014), the complexity of patient’s management for small breast tumors (several practitioners involved) and the psychological environment inferred by cancer diagnosis. A strong organization before, during and after operative procedure, but also a large public advertisement are necessary to improve ambulatory in breast cancer surgery.

 

Organisation : le concept de circuit court et circuit court long

DEVYS JM (Fondation Rothschild,Paris)

Résumé
Le développement de l’ambulatoire depuis 1992 conduit les structures hospitalières à modifier leur architecture pour accueillir quelques heures des patients pour leur prise en charge. Les réflexions sur la construction d’unité de chirurgie ambulatoire sont souvent centrées sur les questions de bloc opératoire dédié ou partagé, de zone d’hospitalisation dédiée ou partagée, le partage des locaux entre spécialités chirurgicales étant acquis. L’homogénéisation des procédures et leur regroupement sont des facteurs d’efficacité et de qualité. En ambulatoire, ceci concerne les actes médicaux (regroupement de chirurgies identiques dans le programme) mais aussi les procédures de soins paramédicaux, les procédures d’accueil ainsi que les actes administratifs.
La Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild est un établissement de santé « tête et cou » réalisant 63% de ses actes de chirurgie en ambulatoire, soit 8 500 en 2013. Ces actes ambulatoires concernent des enfants dans 16% des cas, et sont très majoritairement des actes d’ophtalmologie (93%) (cataracte, rétine, strabisme, oculo-palpébral), d’ORL (3%) et d’imagerie (4%) (artériographie cérébrale, imagerie pédiatrique). L’établissement a fait en 2010 le choix de scinder en 2 les parcours des patients, en fonction de la durée prévue pour être apte à la rue, afin d’homogénéiser les prises en charge. Ce partage s’est traduit par la construction de 2 structures distinctes d’accueil - aptitude à la rue, situées chacune aux 2 extrémités d’un bloc commun de 12 salles (4 ambulatoires + 8). La structure « Ambulatoire Court », (accueil administratif, salle d’attente pré et postopératoire, 6 places) est accolée à une SSPI alimentée par 5 salles d’opération quasi-dédiées à l’ambulatoire, la structure « Ambulatoire Long » (accueil administratif, salle d’attente, 10 box, salle de soins, salle de jeu, salle de collation) a été aménagée dans une aile d’hospitalisation traditionnelle, située au même étage que le bloc opératoire. Le choix de la structure d’accueil est lié à la durée prévisionnelle de séjour et est décidée en consultation d’anesthésie en fonction de la chirurgie, du type d’anesthésie prévue, de l’âge du patient (enfant/adulte) et des complications attendues dans les 1ères heures postopératoires.
En 2013, 6 220 patients ont été pris en charge en Ambu Court, et 2 280 patients en Ambu Long, avec une moyenne respectivement de 30 et 13 patients/jour (max : 56 et 34). Les durées moyennes de séjour (arrivée-départ, temps de bloc inclus) étaient de 1h42 et 6h15. Les durées moyennes - sortie de salle d’opération- sortie de la structure ambulatoire étaient de 20 min et 3,5 h. Le taux d’échec d’ambulatoire était <1%. La satisfaction des patients était meilleure en Ambu Long (95/100 vs 80/100), 3 critères étant mal notés en Ambu Court (bruit, information de sortie, collation insuffisante).
Notre expérience confirme que concernant le circuit ambulatoire, les chirurgies à faible impact, réalisées sous anesthésie locale ou loco-régionale doivent être dissociées des autres car elles peuvent être réalisées sur des espaces restreints, permettant de diminuer considérablement les durées de séjour, et d’optimiser le nombre de patients pris en charge par place d’ambulatoire (maximum atteint : 10 patients par places en Ambu Court vs 3,4 par box en Ambu Long). Il faut tout de même rester vigilant sur le confort offert au patient lors de ce séjour de courte durée.

Intervenant : Antoine Brezin (Paris)