Séance du mercredi 2 avril 2014

TRAUMATISMES DU FOIE ET DE L'ABDOMEN : Traumatologie Viscérale
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Christian LÉTOUBLON (Grenoble)

 

 

Introduction de la séance

 

Compte-rendu de la séance précédente

 

Traumatismes du foie et de l'abdomen. Introduction

LETOUBLON C

 

La laparotomie écourtée ou damage control : intérêt de cette technique dans la gestion des traumatismes sévères de l’abdomen et en chirurgie digestive d’urgence

ARVIEUX C, GIRARD E, ABBA J, LETOUBLON C (Grenoble, PUPH, département de chirurgie digestive et de l'urgence, CHU de Grenoble, Université Grenoble1)

Résumé
INTRODUCTION
Le concept de chirurgie de « damage control » ou laparotomie écourtée (LAPEC) est désormais bien établi dans la gestion des traumatismes abdominaux sévères 1,2,3]. La même approche s’est développée en cas de choc hémorragique non traumatique [4,5] et dans la prise en charge des urgences viscérales non traumatiques, principalement pour des pathologies septiques et/ou ischémiques. L’objectif est le contrôle de l’hémorragie et/ou de la contamination fécale : résection limitée aux zones nécrotiques, résections intestinales sans rétablissement de continuité et sans stomie, fermeture pariétale temporaire atraumatique ou laparostomie aspirative, réintervention systématique après réanimation optimale.
OBJECTIF : Le but de ce travail était d’analyser une série des patients ayant eu une stratégie damage control pour une urgence viscérale non traumatique et de comparer la mortalité réelle à la mortalité prédite calculée à partir du score IGS II 
MATERIEL & METHODES
Les dossiers des patients ayant bénéficié d’une laparotomie damage control (LAPEC) réalisée au CHU de Grenoble de 2005 à 2012 ont été revus de façon rétrospective La mortalité observée était comparé à la mortalité prédite par le score IGSII.
RESULTATS
Il y avait 152 LAPEC pour des indications non traumatiques sur un total de 200. La série comportait 59% d’hommes d’âge moyen de 65 ans. La LAPEC était réalisée dans 66 cas pour une ischémie mésentérique (43%), dans 36 cas pour une péritonite aiguë (24%), dans 14 cas pour une occlusion intestinale (9%), dans 20 cas pour un choc hémorragique non traumatique (13%), et dans 16 cas pour une pancréatite aiguë (11%). Trente-quatre patients (22,4%), toutes étiologies confondues présentaient un syndrome du compartiment abdominal (SCA). Le nombre moyen de ré-interventions était de 1.7 (0-11). La mortalité globale à 28 jours était significativement moins élevée que la mortalité prédite par le score IGS II, respectivement 35% (53 décès) vs 54% (p<0,0001).
CONCLUSION
Le principe du damage control pour les urgences viscérales non traumatiques abouti à une stratégie chirurgicale qui sacrifie la « perfection anatomique » de la réparation immédiate au profit de mesures temporaires, strictement nécessaires à la survie du malade et prévenant le SCA, afin d’éviter l’évolution vers un état physiologique irrécupérable.
BIBLIOGRAPHIE
1. Loveland JA, Boffard KD. Damage control in the abdomen and beyond. Br J Surg 2004;91: 1095 – 1101.
2. Arvieux C, Létoublon C, Reche F. Le damage control en traumatologie abdominale sévère. Réanimation 2007;16:678-86
3. Burch JM, Denton JR, Noble RD: Physiologic rationale for abbreviated laparotomy. Surg Clin North Am 1997, 77(4):779-82.
4. Jansen JO, Loudon MA: Damage control surgery in a non-trauma setting. Br J Surg 2007, 94(7):789-90.
5. Stawicki SP, Brooks A, Bilski T, Scaff D, Gupta R, Schwab CW, Gracias VH: The concept of damage control: extending the paradigm to emergency general surgery. Injury 2008, 39(1):93-101.
Discussant : Fabrice MENEGAUX (Paris)

 

Place de la radiologie interventionnelle vasculaire dans la prise en charge des traumatismes abdominaux
The Place of Vascular Interventional Radiology in the Management of Abdominal Traumas

THONY F, VENDRELL A, ARVIEUX C, BOUZAT P, FRANDON G, BRICAULT I, SENGEL C, LETOUBLON C, FERRETTI G, RODIERE M Clinique Universitaire de radiologie et imagerie médicale - CHU de Grenoble (1, 2, 5, 6, 7, 9 et 10) Clinique Universitaire de chirurgie digestive et de l'urgence - CHU de Grenoble (3 et 8) Pôle d'anesthésie réanimation - CHU de Grenoble (4)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (2), 023-030

Résumé
La place de la radiologie interventionnelle des traumatisés de l'abdomen et du pelvis est actuellement incontournable, essentiellement grâce à l'embolisation qui permet une hémostase endovasculaire rapide, efficace et peu morbide. Parmi les principales indications on retiendra l'hémostase des hémorragies artérielles hépatiques, spléniques, rénales ou de toute autres localisations détectées par scanner chez un patient hémodynamiquement stable, l'embolisation artérielle splénique préventive des grades traumatiques élevés (selon la classification de l'American Association for Surgery of Trauma) et l'embolisation de toute hémorragie pelvienne quel que soit l'état hémodynamique du patient. La mise en place d'un ballon d'occlusion aortique est une autre technique efficace qui permet le sauvetage de patients présentant une hémorragie pelvienne gravissime. Cette place de la radiologie interventionnelle en pathologie traumatique ne se conçoit qu'au sein d'une équipe multidisciplinaire et d'un réseau de traumatologie où les stratégies de prise en charge doivent être bien établies, revues et adaptées pour être en accord avec les recommandations professionnelles et les spécificités locales de chaque centre de traumatologie.

Abstract
Interventional radiology is a key factor in the management of abdominal traumas, thanks to embolization which allows rapid and efficient endovascular haemostasis, with a low morbidity rate. The main indications for endovascular treatment are hepatic, splenic, renal or other site of ongoing bleeding detected on CT scans of patients with stable hemodynamic condition, prophylactic embolization of high grade splenic traumas and embolization of any haemorrhagic pelvic traumas regardless of the patient's hemodynamic status. Endo-aortic balloon occlusion is another efficient technique for lifesaving treatment of catastrophic pelvic haemorrhages. The place of interventional radiology in the management of pelvic and abdominal traumas should only be considered within a multidisciplinary trauma team and a trauma network where flowcharts for patient care are established, reviewed and adapted according to professional guidelines and depending on the specific local conditions of each trauma centre.

 

Traumatismes pénétrants abdominaux complexes par projectile en chirurgie de guerre. Expérience de l’armée française lors des conflits modernes

HORNEZ E, MOCELLIN N, GONZALEZ F, BONNET S, BALANDRAUD P, PONS F (Afghanistan, Afrique) - Service de chirurgie viscérale - Hôpital d'Instruction des Armées Percy Clamart (1, 2, 3 et 4) Hôpital d'Instruction des Armées Laveran – Marseille (5) Ecole du Val de Grâce Paris (6)

Résumé
Les traumatismes pénétrants abdominaux concernent 8 à 10% des soldats blessés dans les conflits modernes. La multitude des agents vulnérants ne permet pas de systématiser les lésions. L’association lésionnelle est la règle avec une fréquence élevée des traumatismes complexes qui concernent souvent plusieurs compartiments anatomiques : thoraco-abdominales, abdomino-pelviennes, abdomino-pelvi-fessières. Leur spécificité, qui en fait toute leur gravité, réside dans l’association quasi-systématique de plaies septiques d’organes creux et de plaies hémorragiques d’organes pleins et des gros vaisseaux. A cela s’ajoutent le délai important de prise en charge, l’environnement hostile et les ressources chirurgicales limitées. Dans ce contexte, la prise en charge dans les antennes chirurgicales françaises repose sur le principe de damage control ressucitation, associant chirurgie d’hémostase et réanimation hémostatique agressive d’emblée. Le premier temps chirurgical a pour objectif l’obtention rapide de l’hémostase : le recours aux packing péri-hépatique et pelvien est recommandé aidés par l’usage d’éponges à visée hémostatique. La coprostase est obtenue par le simple agrafage des plaies digestives. La fermeture primaire de l’abdomen est différée au profit d’une laparostomie avec un procédé d’expansion de la paroi de type pansement à pression négative. Un temps opératoire inférieur à 60 minutes est recommandé. A l’issue de la chirurgie, le rapatriement du patient vers les hôpitaux militaires de métropole est systématique dans des délais courts, habituellement inférieurs à 24 heures. La chirurgie de second look est réalisée à la 48ème heure suivant le traumatisme initial pour réaliser l’ablation du packing et le traitement analytique des lésions. Les suites post opératoires et la morbidité spécifique sont similaires à celles décrites dans les séries de traumatologie civiles. La durée totale de la prise en charge est dépendante du traitement des lésions associées.

Discussant : François PONS (directeur du Val de Grace), Sylvain RIGAL (directeur département chirurgie orthopédique)

 

La résection hépatique dans le traitement des traumatismes fermés du foie

LETOUBLON C, AMARIUTTEI A, BRUN J, SENGEL C, LAVAGNE P, RISSE O, ARVIEUX C, FERRETTI G (Grenoble, Christian Létoublon, PUPH, departement de chirurgie digestive et de l'urgence, CHU de Grenoble, Université Grenoble1 )

Résumé
Après une période « d’agressivité chirurgicale » dans les années 60-70 , avec l’hépatectomie pour les lésions sévères, et une mortalité qui atteignait 65%, la prise en charge des trauma fermés du foie TFF a été marquée par des attitudes « conservatrices », avec le traitement non opératoire (et le concept d’opération différée OD), le développement de l’embolisation artérielle EA, la maîtrise du tamponnement péri-hépatique (TPH) , ce qui a fait diminuer de moitié la mortalité des lésions les plus sévères.
Pour autant, la résection hépatique a une place que nous aimerions préciser. Dans notre expérience de dix années d’application de standards de prise en charge au sein de notre « Alpes Trauma Centre », 174 TFF ont été soit opérés en urgence (37 OP) soit initialement non opérés (137 NONOP). Dans le groupe OP (dont 27 TPH et 11 EA post-opératoires) aucune hépatectomie n’a été faite en urgence, avec néanmoins deux résections secondaires, anatomiques. Dans le groupe NONOP (137 cas dont 24 EA) 44 patients ont subi une operation différée, concept indispensable à la stratégie nonopératoire initiale. Au cours de ces OD on compte trois hépatectomies. On souligne que, au total, quatre des cinq résections ainsi pratiquées étaient motivées par une ischémie hépatique probablement aggravée par l’embolisation qui avait été faite.
En conclusion, l’hépatectomie garde une petite place dans l’arsenal chirurgical des TFF :
Le moins possible en urgence car le TPH, l’embolisation et le transfert sont à privilégier, mais plutôt en secondaire (entre J4 et J7) pour les suites ischémiques de l’option conservatrice (TPH+ embolisation ou NONOP+embolisation).
Privilégier alors la résection anatomique, large, faite dans un centre expert.
Les patients les plus graves peuvent être sauvés initialement par le TPH, secondé dans certains cas par l’EA. L’hépatectomie secondaire est parfois nécessaire pour les guérir définitivement.

Discussant : Renato Lupinacci (Paris)