Séance du mercredi 26 novembre 2014

INNOVATIONS EN CHIRURGIE DU RACHIS
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Gérard SAILLANT (Paris)

 

 

Introduction de la séance

 

Nouvelles techniques en neuroradiologie interventionnelle

GANGI A (Strasbourg)

Résumé
Les progrès d’imagerie dans le domaine diagnostique ont révolutionné la prise en charge des pathologies du rachis. De la même manière, ces outils ont permis de pratiquer des gestes moins invasifs par voie percutanée dans ce même domaine. Toutes les modalités d’imagerie sont impliquées avec l’échographie, la scopie télévisée, le scanner, l’IRM et même le PET scan. De plus pour les gestes les plus complexe, plusieurs modalités sont utilises conjointement ainsi que plusieurs spécialisés, le radiologue interventionnel et le chirurgiens interviennent conjointement dans ces salles pour traiter le patient.
Au cours de notre exposé, nous allons parcourir les pathologies dégénératives et bénignes sans oublier les pathologies tumorales. En effet, la prise en charge des tumeurs rachidiennes a profité très largement des progrès de l’imagerie interventionnelle. Les tumeurs bénignes tel que les ostéomes ostéoides, ostéoblastomes, kystes anévrysmaux, les hémangiomes agressifs, sont très largement prises en charges par ces techniques.
En ce qui concerne les tumeurs malignes en particulier les métastases rachidiennes, l’imagerie interventionnelle est de plus en plus impliquée dans le traitement palliatif et parfois dans les contrôles focaux de la tumeur chez des patients oligo-métastatiques. Les ablations thermiques par le froid ou le chaud sont les plus employées sans oublier les techniques de consolidation percutanées et les embolisations
Toutes ces techniques n’ont un sens qu’après une discussion multidisciplinaire dans l’intérêt du patient.
Les outils d’imagerie et les salles multimodales sont de plus en plus sophistiquées et couteuses. L’implication multidisciplinaire est obligatoire pour rendre ces outils productifs et efficaces.

 

Monitoring neurophysiologique de la moelle épinière

PEREON Y (Nantes)

Résumé
Le monitoring neurophysiologique per-opératoire permet de réduire la fréquence des complications neurologiques au cours de la chirurgie du rachis, qu’il s’agisse d’atteintes médullaires ou radiculaires. Ces complications sont rares mais avec des conséquences désastreuses pour les patients. Les techniques de monitoring sont développées depuis plus d’une vingtaine d’années, elles sont maintenant devenues routinières dans de nombreux services spécialisés dans ce type de chirurgie.
Les 4 conditions pour la réalisation correcte d’un monitoring neurophysiologique du rachis sont (i) l’adéquation entre les structures à risque et les structures testées par la technique ; (ii) la sensibilité de la technique au processus physiopathologique ; (iii) la réactivité possible du chirurgien en cas de diagnostic d’une souffrance neurologique; (iv) d’étroites interactions entre chirurgien, anesthésiste et neurophysiologiste. Ces 4 conditions sont critiques et représentent le contrat de départ entre les intervenants.
Les principales techniques utilisées sont les potentiels évoqués somesthésiques ou moteurs mais il peut aussi s’agir d’électromyographie. Elles associent selon les cas stimulation électrique corticale, médullaire, radiculaire ou d’un nerf périphérique et enregistrement d’activités musculaires ou nerveuses, médullaires ou cérébrales. Elles nécessitent parfois la pose d’électrodes dans le champ opératoire. Elles sont très sensibles aux artéfacts extérieurs en particulier électriques et leur réalisation est par nature difficile en salle d’opération en raison de l’environnement. Elles sont aussi affectées par les drogues anesthésiques utilisées, ce qui explique l’importance de la collaboration des anesthésistes. La combinaison de ces différentes techniques doit permettre de recueillir des informations parfois redondantes mais qui améliorent la sensibilité du diagnostic, sous la forme optimale d’un monitoring neurophysiologique ‘multimodalités’.
L’intérêt majeur de ce monitoring est de permettre l’alerte en temps réel sans attendre le réveil à l’issue de la chirurgie ou la réalisation d’un test de réveil per-opératoire dont la pratique peut parfois être difficile. Il permet aussi fréquemment la détermination de la localisation lésionnelle, facilitant la réactivité du chirurgien. De nombreux exemples permettent d’illustrer l’importance et l’efficacité de ce monitoring.
Le monitoring neurophysiologique fait maintenant partie des règles de l’art, son absence au cours des chirurgies du rachis ‘à risque’ représente une authentique perte de chance pour le patient et son application dans les centres de chirurgie du rachis est devenue une nécessité.

 

Innovations en chirurgie du Rachis. Chirurgie guidée par l’image
Innovation in Spine Surgery Image Guided Surgery

MERLOZ P, TONETTI J, RUATTI S (Grenoble)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (1), 058-062

Résumé
Les premiers systèmes de navigation pour le rachis ont été introduits au milieu des années 90 pour optimiser le positionnement des vis pédiculaires. Deux technologies sont encore utilisées : La navigation à base TDM et la fluoronavigation 2D. Depuis la fin des années 2000, trois nouveaux systèmes sont utilisés de façon plus ou moins spécifique en chirurgie rachidienne.
Les amplificateurs de brillance tridimensionnels (3D), se comportent comme de véritables scanner de bloc, avec effet « CT like » et une imagerie 3D immédiatement disponible.
Les gabarits individuels servent d’aide au positionnement d’outils à condition de disposer d’un examen TDM et d’un système de prototypage rapide. Un planning informatisé permet de prévoir un trou orienté dans l’axe du pédicule autorisant alors, le passage d’un outil de forage.
Les mini robots sont du type « robot à fixation osseuse » et apparaissent comme des systèmes d’aide au positionnement d’outils. Ils fonctionnent à base TDM.
La littérature montre que les systèmes de navigation à base fluoroscopique 3D sont plus précis que les systèmes de navigation à base TDM et les systèmes de fluoronavigation 2D. En matière d’irradiation, la fluoronavigation 3D semble moins irradiante que la fluoroscopie conventionnelle. Les résultats à grande échelle pour l’utilisation du robot et des gabarits individuels ne sont pas encore connus et leur domaine d’utilisation est en cours d’étude.

Abstract
The first navigation systems for spine surgery were introduced in the mid 90’s to optimize pedicle screws insertion. Both technologies are still used: CT-based navigation and 2D fluoronavigation systems. Three new technologies were introduced in the late 2000’s and can be added to the orthopaedic intra-operative arsenal for spine surgery.
The 3D isocentric fluoroscope is a new type of fluoroscope, able to provide intra-operative CT-like images without the need of registration process. With templating technology, patient’s CT data are used to simulate and plan preoperatively the pedicle screw trajectory on a computer workstation. A rapid prototyping technology provides templates that are intra-operatively attached to the back side of the spine at their appropriate position, thanks to the precise representation of the bony surface. Then, each drill can be carried out accurately, exactly where it has been planned. The small robots such as "Bone Mounted Robots" can be fixed directly within the operating field. With CT-based navigation technology, and a 3D – 2D registration process, they demonstrated their ability to help the surgeon to perform pedicle drilling with a high degree of accuracy in open or per cutaneous procedures.
Meta-analyzes showed that 3D fluoroscopic navigation systems are more accurate than CT based and 2D fluoroscopic systems. In terms of radiation dose, 3D fluoroscopic navigation seems less radiating than conventional fluoroscopy, but this remains to be proven formally. The results for a large-scale clinical use of the bone-mounted robot and templates are not yet known and their clinical application field is being to be considered.

 

Les biomatériaux de substitution osseuse. Quel avenir ?

PASCAL MOUSSELARD H (Paris)

Résumé
La recherche concernant les substituts osseux s'est développée au cours des précédentes décades, avec des résultats mitigés. Les progrès de l'ingénierie tissulaire a permis des avancées récentes des traitements de régénération osseuse liées à l'utilisation des cellules souches, des facteurs de croissances ou de l'amélioration des matrices. Le substitut osseux idéal devrait associer les propriétés d'ostéogénicité, ostéoconduction et ostéoinduction, tout en apportant des propriétés biomécaniques suffisantes
L'utilisation des facteurs de croissance, et tout particulièrement des Bmp (c’est-à-dire essentiellement la Bmp2), ont fait la preuve de leur efficacité dans l'obtention de la fusion osseuse. Actuellement commercialisée dans l'indication des arthrodèses lombaires par voie antérieure, la Bmp2 laisse néanmoins certaines questions sans réponse (effet dose, stimulation de la voie ostéoclastique avec resorption osseuse initiale massive ...).
Les biomatériaux de substitution osseuse, habituellement classifiés en • inorganique • et • organiques •, laissent entrevoir des possibilités d'avenir particulièrement intéressantes. Parmi eux, les céramiques biphasées poreuses et les ciments phosphocalciques (associant à des degrés divers Hydroxyapatite et phosphates tricalciques), constituent des matrices ostéoconductrices ayant des propriétés mécaniques variables.
Les céramiques biphasiques, HA/ B-TCP, ont été mise au point afin de conjuguer les propriétés des deux phases, c'est-à-dire la bioactivité favorisant la précipitation d'apatite biologique à la surface (dû à la phase HA) et la résorption (contrôlé par le pourcentage de beta- TCP qui est plus soluble que la phase HA). Les principaux avantages des céramiques sont la biocompatibilité, l'ostéoconduction et la porosité. Toutefois, elles présentent de faibles propriétés mécaniques initiales limitant leur utilisation à des applications non porteuses. Dans les années 80, des substituts osseux injectables, tels que les ciments phosphocalciques (CPC), ont été proposés et plusieurs formulations de ciments commerciaux ont déjà été approuvées pour une application clinique. Toutefois, de nombreuses recherches sont menées afin d'en améliorer les propriétés pour se rapprocher d'un ciment idéal.
Les phosphates de calcium, de par leurs propriétés ostéoconductrices et de résorption, semblent être de bons candidats comme vecteurs de médicament
Ne constituant initialement qu’une "matrice " ayant pour objectif de guider la régénération osseuse, les phosphates de calcium évoluent actuellement vers des matériaux « chargés" en molécule active (biphosphonates, antibiotiques ... ) dont l'utilisation pourra être adaptée à l'indication (defect osseux sur terrain porotique ou en milieu infecté ...). Ainsi, l’utilisation des CPC non seulement comme substitut osseux mais aussi comme transporteur pour la libération locale et contrôlée de médicament pourrait servir dans le traitement de maladies osseuses telles que les tumeurs osseuses, l'ostéoporose, l'ostéomyélite.Dans le cadre de l'ostéoporose, l’injection de CPC permet de renforcer mécaniquement le site osseux, mais également de transporter le médicament tel que les bisphosphonates. Cette technologie a également été appliquée pour le transport d’antibiotiques. les CPC pourraient être candidats pour l'incorporation d'anti-inflammatoires, d'analgésiques ou anticancéreux.
En conclusion, le substitut osseux « idéal », associant l’ensemble des propriétés biologiques et mécaniques, n’est pas encore disponible. Cependant, de grands progrès ont été accomplis, qui devraient permettre l’utilisation dans les années à venir, en pratique clinique, de matériaux de substitution osseuse ciblés en fonction de l’indication opératoire.

 

Orientations thérapeutiques modernes dans le traitement des lésions traumatiques médullaires récentes

CHAZAL J, SAKKA L (Clermont-Ferrand) - Laboratoire d’Anatomie, Service de Neurochirurgie Clermont-Ferrand – Université d’Auvergne.

Résumé
La moelle épinière est la partie la plus fragile du système nerveux central. Elle est protégée par un contenant, la colonne vertébrale, qui peut devenir agressif en cas de traumatisme.
Les voies et les centres sensitifs et moteurs, pour la vie relationnelle et la vie intérieure, sont concentrés dans un cordon de 1,5 cm de diamètre. La physiopathologie des lésions traumatiques repose sur des mécanismes complexes interférents et évolutifs, d’où une extrême disparité des moyens thérapeutiques potentiels, offrant chacun une fenêtre d’action spécifique. L’approche chirurgicale est parfaitement codifiée, avec une recommandation de haut niveau de certitude, l’intervention décompressive et réparatrice précoce (dans les six à huit premières heures post-traumatiques) de la colonne vertébrale. Le taux de récupération post-chirurgicale reste cependant faible et la chirurgie doit être complétée de deux types d’approches :
1) Les approches pharmacologiques ou moléculaires, modulant la réaction inflammatoire, apportant des facteurs de croissance, ou bloquant les inhibiteurs endogènes.
La neuroprotection a pour objectif de limiter les dommages cellulaires liés aux lésions secondaires par l’utilisation d’agents anti-apoptotiques, par les inhibiteurs de l’excitotoxicité et de l’inflammation.
La neurorégénération, pour faciliter l’axonogenèse et la synaptogenèse, fait appel au blocage des inhibiteurs associés à la myéline, et à la cicatrice gliale, et utilise les facteurs de croissance.
2) Les approches cellulaires avec des thérapies visant à restituer les neurones et les oligodendrocytes détruits, soit par le remplacement direct des cellules perdues, soit en rendant favorable le milieu cellulaire pour la reconstitution des réseaux neuronaux.
Une autre approche thérapeutique est la création d’interfaces système nerveux central/machine, et l’utilisation de neuroprothèses dont la technologie est en constante progression, le résultat attendu étant celui de la restauration de la fonction motrice. Des recherches sont également menées sur les pontages de la lésion médullaire par des prothèses capables de reproduire la fonction de conduction neuronale, type microfibre optique. L’expérimentation animale donne des résultats prometteurs. Leur transfert chez l’homme est pour le moment décevant.