Séance du mercredi 10 juin 2015

SÉANCE COMMUNE AVEC LA SOCIÉTÉ SUISSE DE CHIRURGIE VISCÉRALE
14h30-17h00, Les Cordeliers
Co-Présidence : Dieter HAHNLOSER et Georges MANTION. Modérateur : Nicolas DEMARTINES (Lausanne)

 

 

Introduction générale et présentation de la séance commune avec la société suisse de chirurgie viscérale

MANTION G, DEMARTINES N, HAHNLOSER D

 

Construction de tissus et d’organes par bio-ingénierie

FRANCO D (Paris)

Résumé
La construction de novo de tissus et d’organes est devenue fondamentale pour la reconstruction corporelle et pour pallier la diminution d’organes disponibles pour la transplantation. Elle fait appel aux cellules souches et à différentes technologies comme la recellularisation de scaffolds biologiques dévascularisés ou synthétiques, la récapitulation de l’organogenèse in vitro ou la bio-impression (impression 3D utilisant des bio-encres –matrice extracellulaire et cellules). Cette recherche est très interdisciplinaire et réunit autour des médecins les spécialistes de la biologie cellulaire mais aussi des physiciens et chimistes des biomatériaux, des ingénieurs et des informaticiens. La tendance actuelle est vers l’association des technologies et la construction par assemblage de briques élémentaires -réseaux vasculaires, tranches (sheets) de tissus pauci cellulaires maturés, sphéroides- pour aboutir à un organe complet maturé en bioréacteur avant d’être utilisé. Avant de parvenir à la production d’organes complexes disponibles pour une application clinique, des formes intermédiaires utiles pour la recherche et le diagnostic seront mis sur le marché : organoides de foie pour la toxicologie in vitro, organoides de peau pour la cosmétologie, organes-on-chips pour des études physiologiques. La recherche dans ce domaine se passe surtout dans un petit nombre d’universités américaines et asiatiques et de PMEs innovantes. Ce petit monde se retrouve plusieurs fois par an pour des workshops frénétiques. La France essaie de se faire une petite place dans ce nouveau monde. La société Poietis qui vient de lancer un procédé innovant d’impression par laser et la plateforme CellSpace de l’hôpital Paul-Brousse contribuent au développement de cette activité en France, dont les prévisions économique sont majeures.

 

Robot et Cancer du rectum : a-t-on encore besoin du chirurgien ?

HAHNLOSER D (Lausanne) - Président de la société suisse de chirurgie viscérale

Résumé
La chirurgie minimale invasive dans le traitement du cancer du rectum a démontré des avantages à court terme (récupération plus rapide, moins de douleurs,…) et une qualité de la TME (total mesorectal excision) meilleure comparée à la chirurgie ouverte et ceci surtout pour les cancers du bas rectum.
La qualité de la TME est jugée par un fascia mésorectal intact et par des marges circonférentielles libres. Actuellement, ceci est devenu le facteur pronostic le plus important pour nos patients. Une TME parfaite est surtout difficile chez les patients masculins et obèses avec un bassin étroit.
La chirurgie laparoscopique par le robot permet une dissection plus précise dans ces espaces restreints grâce aux articulations des bras de 360°, identique au poignet d’un chirurgien et grâce à une visualisation augmentée. Le chirurgien est assis à une console dans la salle d’opération et dirige les bras robotiques. De multiples études, dont une analyse de contrôle de notre service à l’hôpital universitaire de Lausanne a démontré une meilleure qualité de la pièce de résection (meilleure TME) avec plus de marges latérales libres. Si une meilleure pièce de résection se transpose dans une meilleure survie à long terme n’est pas encore confirmée.
Pour le moment, le chirurgien se trouve encore dans la salle d’opération, mais dans un futur proche, il pourrait se tenir n’importe où au monde et diriger les bras du robot à distance. En plus, le robot est un outil d’enseignement idéal car avec deux consoles l’apprenti a exactement la même vision que le maître et peut diriger tous les bras selon des instructions claires et précises comme un avion équipé de deux manches. À ce jour, le robot est encore sous utilisé pour l’enseignement de la nouvelle génération de chirurgiens.

Commentateurs : Alain VALVERDE (Paris)

 

Le traitement inversé des métastases colorectales synchrones. Mise à jour et leçons apprises après une étude pilote (S. Blaser, W. Cacheux, C. Toso, L. Rubbia Brandt, F. Ris, N. Buchs, S. Terraz, M. Ronot, Ph. Morel, A Roth, P. Majno : Departments of Oncology, Surgery, Pathology and Radiology, HPB Centre, Geneva)
Retrospective analysis of a prospective database of 49 patients treated with an oxaliplatin based chemotherapy and the reverse surgical approach from 1999 to 2014 (S. Blaser, W. Cacheux, C. Toso, L. Rubbia Brandt, F. Ris, N. Buchs, S. Terraz, M. Ronot, Ph. Morel, A Roth, P. Majno : Departments of Oncology, Surgery, Pathology and Radiology, HPB Centre, Geneva)

MAJNO P (Genève)

Abstract
Results: There were 26 males and 23 females (male: 53%). The median age was 65 years (range 38-83). OCFL was used in 20 pts and OCFL-B, in 29 pts. The primary tumour was in the rectum (n=23: 46%), distal colon (n=23: 46%) and proximal colon (n=3: 6%). The distribution of the CRLM was bilobar (n=31: 63%), 19 pts had more than 5 LM (38%) and 22 pts have at least one LM greater than 5 cm (44%). CEA was >=200 mcg/l in 24% of patients. After completion of neoadjuvant chemotherapy, >= 20% decrease in CEA (biologic response rate) and in greater diameter of the greater LM (radiologic RR) were 93% and 79%, respectively. Grade 3-4 toxicity was observed in 14% of patients. Surgical resection consisted in 40 major (>3 segments) and 16 minor hepatectomies, with 7 two-steps hepatectomies. There was no postoperative mortality. Major complications (Dindo-Clavien score >=2) occurred in 3 cases. The primary tumour could be operated in all patients. Local recurrences were observed in 5 patients so far, all with rectal primary tumour. After a median follow-up of 32.7 months, 3 and 5 year overall survival were 64% and 55%, respectively, with a median progression-free survival of 14.4 months.

Conclusion: Intensified pre-operative (OCFL-based) chemotherapy followed by a surgical reverse approach in patients with AS-CRLM was effective, safe, well tolerated and allowed more than half of patients to be alive at 5 years after diagnosis. These results confirm the clinical validity of this original multidisciplinary strategy in the treatment of advanced colorectal cancer.

Commentateurs : Daniel JAECK et François FAITOT (Strasbourg)

 

Résection du pancréas pour tumeur: auto-transplantation des îlots

BERNEY T (Genève)

Résumé
La pancréatectomie étendue est associée à un risque de diabète chirurgical. L’autotransplantation d’îlots de Langerhans est une modalité de prévention du diabète chirurgical qui a été utilisée principalement dans la prise en charge de la pancréatite chronique. Nous avons initié un programme d’autotransplantation d’îlots après pancréatectomie gauche élargie pour des tumeurs bénignes et non-énucléables de l’isthme pancréatique. Les tumeurs impliquées étaient soit des tumeurs neuroendocrines, soit des cystadénomes mucineux. Après résection de la tumeur et obtention d’un diagnostic de bénlgnité non-équivoque sur la pièce de résection, les îlots ont été isolés de la partie distale du pancréas et infusés dans le foie par voie intra-portale. Nous n’avons eu aucune mortalité et une faible morbidité dans cette série. En particulier, nous n’avons observé aucune fistule pancréatique. Après un follow-up médian de 8 ans, la survie est de100% et le taux d’insulino-indépendance de 94%. De façon intéressante, le nombre d’îlots isolés a été de 5400 par gramme de pancréas, contre 1450 pour la pancréatite chronique et 3700 pour les pancréas de donneurs décédés isolés pour allogreffe. Le faible rendement dans le cas de pancréatite chronique est bien connu, en raison de la texture défavorable du pancréas. Le rendement très élevé dans le cas des tumeurs bénignes (correspondant à une situation de donneur vivant) en comparaison à celui des donneurs décédés est une observation qui pourrait justifier le recours au don vivant en allogreffe d’îlots. Cette technique a depuis été élargie par certains centres à des situations choisies de résection large (pancréatectomie totale, totalisation) pour tumeur maligne du pancréas.

Commentateur : Christian PARTENSKY (Lyon)

 

PIPAC : Vaporisation de chimiothérapie intra-péritonéale mini invasive : Un traitement innovateur de la carcinose péritonéale

HUBNER M, DEMARTINES N (Lausanne)

Résumé
La carcinose péritonéale demeure un défi diagnostic avec des options thérapeutiques limitées. L’effet de la chimiothérapie systémique reste insuffisant au niveau du péritoine en raison d’une faible pénétration et d’une résistance relative des nodules péritonéaux. La chimiothérapie hyperthermique intra-péritonéale (CHIP) a été introduite pour fournir des concentrations élevées de chimiothérapie à l'intérieur de la cavité péritonéale; en association avec la chirurgie de cytoréduction (CRS), la CHIP prolonge la survie à long terme des patients avec carcinose péritonéale du cancer colorectal, du mésothéliome et du pseudomyxome. Cependant, la CHIP présente une haute incidence de complications. Par conséquent, seuls les patients en bon état général peuvent bénéficier de cette procédure.
La chimiothérapie intra-péritonéale vaporisée (PIPAC) permet de diffuser les agents actifs sous forme d'aérosol à l'intérieur de la cavité péritonéale par laparoscopie. La distribution et la pénétration dans les tissus de la chimiothérapie avec PIPAC est supérieure à la chimiothérapie systémique et à la CHIP avec de plus faibles doses administrées. Les effets secondaires systémiques sont atténués, le traumatisme chirurgical est limité et les complications graves sont rares. PIPAC peut donc être une option, également, pour les patients fragiles et âgés. Près de 1 000 procédures PIPAC ont été effectuées dans le monde entier, avec des taux de réponse histologiques et cliniques proches de 70% chez des patients résistant aux platines. De plus, la progression et la survie semblent être améliorées en comparaison aux standards thérapeutiques actuels.
PIPAC constitue donc une alternative thérapeutique prometteuse pour les patients atteints de carcinose péritonéale.

Commentateur : Marc POCARD (Paris)

 

Réhabilitation améliorée après chirurgie : la leçon des 1500 premiers patients

DEMARTINES N (Lausanne) - ERAS

Résumé
La réhabilitation améliorée après chirurgie est un concept de prise en charge péri-opératoire multimodale impliquant fortement le patient, les chirurgiens, les anesthésistes et le personnel infirmier.

En 2009 la Société ERAS (Enhanced Recovery After Surgery) a publié ses recommandations, et le CHUV les applique en chirurgie colorectale depuis 2011. Devant les excellents résultats, ERAS a été étendu à aux urgences colorectales, puis au pancréas, foie, estomac, œsophage, et en urologie et gynécologie. En 2015. ERAS a débuté en chirurgie thoracique et vasculaire.

Les éléments importants de cette prise en charge sont l’utilisation d’une base de données et d’un audit extrêmement performant. L’audit est un outil de recherche et de contrôle de qualité, utilisable par tous les hôpitaux.

ERAS est un cheminement clinique systématisé, avec des préparations préopératoires, avec des mesures intra-opératoires et un postopératoire particulier. L’ensemble des éléments ERAS vise à la diminution du stress chirurgical. La nutrition et la mobilisation précoce sont importantes. La normo-volémie intra-opératoire, la prévention des nausées et une analgésie parfaite son nécessaires et le omet les drainages et sondes prophylactiques. L’abord minimal invasif est aussi un avantage.

Plus de 1'500 patients ont été traités par ERAS au CHUV, et les résultats sont spectaculaires avec une diminution des complications variant de 30 et 50% selon les spécialités ainsi qu’une diminution des durées de séjours entre 20 et 40%. L’économie varie entre 2'500 Euros et 7'000 par patient.

ERAS offre des avantages significatifs pour le patient et pour l’hôpital mais n’est valable que si les techniques chirurgicales et les stratégies notamment oncologiques sont parfaitement maîtrisées.

Commentateur : Jean-Pierre TRIBOULET (Lille)