Séance du mardi 3 novembre 2015

SÉANCE COMMUNE ANM / ANC : CHIRURGIE DU SUJET ÂGÉ
14h30-17h00, Académie de Médecine - 16, rue Bonaparte 75006 Paris
Co Présidence : Georges MANTION (ANC) et Jean-Yves LE GALL (ANM) - Organisation : Daniel COUTURIER (ANM), Philippe MARRE (ANC)

 

 

Introduction de la séance par les présidents ANM / ANC

LE GALL JY, MANTION G, COUTURIER D, MARRE P

 

Apport de l’évaluation gériatrique standardisée dans l’opérabilité des sujets âgés : Point de vue du gériatre, Point de vue du chirurgien

CHASSAGNE P, GONTHIER R

Résumé
Philippe CHASSAGNE (Rouen), Apport de l’évaluation gériatrique standardisée dans l’opérabilité des sujets âgés
La définition consensuelle d’un sujet âgé associe les notions d’âge (≥ à 75 ans), de polypathologie, de risque de perte fonctionnelle, de dépendance ou de fragilité. Ces sujets, dont l’espérance de vie ne cesse de croitre, s’ils sont référés pour une intervention chirurgicale programmée bénéficient toujours d’un bilan d’opérabilité. Ce bilan dépend, entre autre, de la pathologie concernée, de la spécialité chirurgicale, et de l’interactivité entre chirurgiens et médecins anesthésistes.
Il demeure que ces évaluations, lorsqu’elles s’adressent aux sujets âgés voire très âgés, n’appréhendent pas toujours leur hétérogénéité et inconstamment leur potentielle fragilité. Depuis 30 ans, le concept d’évaluation gérontologique standardisé (EGS) a été développé. Dans cette approche il s’agit d’évaluer dans une dimension médico-psycho-sociale les multiples composants de santé d’un sénior. Ces paramètres comme la dénutrition, la cognition ou encore la fragilité, s’ils sont négligés et si leur prise en charge n’est pas anticipée impactent significativement sur la morbi-mortalité post opératoire.
De multiples exemples dans le domaine de la chirurgie cardio vasculaire ou oncologique illustrent cette multidisciplinarité où le gériatre participe au processus de décision pré opératoire. Les modalités et les résultats de l’EGS appliquée à la chirurgie programmée font l ‘objet de cette présentation.

 

Anesthésie et réhabilitation post-opératoire du sujet âgé : Point de vue de l’anesthésiste, Point de vue du chirurgien

LIENHART A, SLIM K

Résumé
André Lienhart, Marc Beaussier Hôpital Saint-Antoine et Université Pierre et Marie Curie, Paris : Anesthésie-réanimation et réhabilitation postopératoire du sujet âgé : le point de vue de l'anesthésiste
Le sujet âgé est parfaitement éligible à la réhabilitation précoce et peut particulièrement bénéficier du raccourcissement de son séjour hospitalier raccourci. L’âge n’est pas en lui-même un critère d'exclusion, mais, d’une part, le niveau d’activité et d’autonomie, d’autre part la sévérité des comorbidités (classe ASA). En per-opératoire, la prévention l’hypothermie doit être prévenue et le remplissage vasculaire réduit au strict nécessaire. En post-opératoire, les opiacés sont évités et la méthode de référence est l’anesthésie péridurale. Sa surveillance particulière en ayant limité la diffusion, différentes techniques d’infiltration et de blocs nerveux périphériques ont été développées. Ces méthodes ne contribuent à la réduction de la morbidité postopératoire que si elles sont associées au lever précoce, à la kinésithérapie, l’ablation précoce de la sonde gastrique, puis la reprise de l’alimentation orale.
Les deux principaux facteurs associés au succès sont l’ancienneté de l’expérience du centre et son organisation. Le facteur le plus sensible à la durée d’hospitalisation n’est pas la nécessité de traitement chirurgical ou médical, mais concerne les raisons sociales. La stratégie, multimodale et multiprofessionnelle, implique anesthésistes-réanimateurs et chirurgiens, mais aussi infirmières, kinésithérapeutes, nutritionnistes.

Anesthésie-réanimation et réhabilitation postopératoire du sujet âgé : le point de vue du chirurgien
Karem Slim La réhabilitation améliorée après chirurgie du patient âgé - CHU Estaing et Groupe francophone de Réhabilitation Améliorée après Chirurgie (GRACE)
La réhabilitation améliorée après chirurgie est un concept qui ne cesse de s’imposer dans la pratique quotidienne, il s’agit d’un ensemble d’éléments de soins périopératoires dont le but est de réduire l’agression de tout acte chirurgical. Cette approche est pluridisciplinaire et multimodale. D’un point de vue purement chirurgical, ce véritable chemin clinique implique une chirurgie mini-invasive (recours préférentiel à la voie endoscopique), la chasse aux sondes et aux drains, et une alimentation postopératoire précoce. Ce concept est-il faisable, bénéfique chez les patients âgés ?
La réponse à la question est donnée dans 3 essais randomisés récents et une revue systématique de la littérature en chirurgie colorectale majeure. Un essai asiatique (Wang et al 2011) a clairement suggéré la faisabilité et surtout les bénéfices de la réhabilitation améliorée en termes de reprise du transit et de l’alimentation, de morbidité, et de durée d’hospitalisation. Les résultats de cet essai étaient confirmés par ceux d’un deuxième essai (Jia et al 2014) qui a montré que la réhabilitation améliorée réduirait aussi les troubles cognitifs postopératoires. Un essai suisse (Ostermann et al. 2015) est venu confirmé sur une population européenne les résultats obtenus en Asie. Il a surtout montré que l’implémentation chez les patients âgés des différents éléments de la réhabilitation était similaire à celle observée chez les patients plus jeunes. De plus, dans les programmes de réhabilitation, le patient, même âgé, devient un acteur essentiel de ses soins. Le raccourcissement du séjour postopératoire, peut se heurter dans ce contexte à des freins organisationnels, mais même si ce raccourcissement n’est pas significatif dans certaines situations, la réduction de la morbidité postopératoire et l’amélioration de la qualité de vie sont des avantages importants chez cette population.

 

Influence de l’âge sur les indications chirurgicales en oncologie : Point de vue de l’oncologue, Point de vue du chirurgien

BLAY JY, NORDLINGER B

Résumé
Jean-Yves BLAY (Centre Léon Bérard, Lyon), Influence de l’âge sur les indications chirurgicales en oncologie : Point de vue de l’oncologue, L’évaluation gériatrique est indispensable à la prise en charge du sujet âgé de plus de 70 ans. Elle va guider le choix du traitement, notamment permettre d’apprécier le risques opératoire, post opératoire, ceux liés aux traitements adjuvants, et ceux liés aux traitements alternatifs. L’oncologue participe à la prise de décision multidisciplinaire qui prévaut dans la prise en charge du cancer survenant chez le sujet âgé. Il va pouvoir intervenir à plusieurs niveaux. Tout d’abord dans l’évaluation de la fragilité du patient, et ses conséquences thérapeutiques. Dans la prise en charge du traitement médical, pré et post opératoire, adjuvant toujours adapté au contexte clinique (pathologies associées, traitements, dénutrition, G8…) mais également pondéré dans le recommandations de pratiques, par apport aux sujets plus jeunes. L’oncologue va également apprécier la faisabilité des alternatives thérapeutiques, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapies, adaptées à l’âge et à l’évaluation gériatrique du sujet. Dans cet exposé nous résumerons les données sur la fragilité et son impact sur la prise en charge du cancer survenant chez le sujet âgé, et sur l’adaptation des stratégies thérapeutiques imposée chez 70% des patients par le contexte gériatrique.

Bernard NORDLINGER, Tristan CUDENNEC : Les indications chirurgicales en oncologie et l’âge : le rôle de la prise en charge oncogériatrique (Services de Chirurgie digestive et de Médecine Gériatrique) Ambroise Paré, AP-HP, UVSQ
La prise en charge chirurgicale d’un patient âgé porteur d’un cancer nécessite la coordination des différents intervenants afin de proposer un traitement optimal et limiter le risque de complications opératoires et post-opératoires. Les risques sont autant de sous traiter un patient simplement en raison de son âge d’ou une perte de chance que de le surtraiter si ses comorbidités ne lui permettent pas de supporter une intervention chirurgicale majeure.
En matière de cancérologie digestive par exemple le traitement souhaitable en fonction de la pathologie, est déterminé en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) puis finalisé après les consultations d’anesthésie et d’oncogériatrie. Différent scores permettent d’évaluer objectivement le risque opératoire et post-opératoire.
La prise en charge oncogériatrique a pour but de réduire le risque de complications péri-opératoires et notamment le syndrome confusionnel qui peut survenir quelques heures ou jours après l’intervention. De même, la gestion de la douleur, la réhabilitation précoce, la connaissance et, le cas échéant l’amélioration du statut nutritionnel sont des paramètres indispensables à connaître pour assurer une prise en charge de qualité.

 

Orthopédie et Traumatologie du sujet âgé : Point de vue du chirurgien, Point de vue du rhumatologue

ARGENSON JN, KAHAN A

Résumé
L’Orthopédie Traumatologie du sujet âgé : Le point de vue du chirurgien
Jean-Noël ARGENSON 1,2, Matthieu OLLIVIER 1,2, Odile REYNAUD-LEVY 1, 2, Anne AMRANI 2,3, Sébastien PARRATTE 1, 2, Patrick VILLANI 2, 3
(1.Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologie, Hôpitaux Sud, CHU Marseille 2.Unité d’Ortho-gériatrie, Hôpitaux Sud, CHU Marseille 3.Service de Médecine Interne et Gériatrie, Unité de SSR Gériatrie, Hôpitaux Sud, CHU Marseille)

Les fractures chez les sujets âgés et la perte d’autonomie liée à l’arthrose sont des événements très fréquents qui conduisent à une prise en charge en chirurgie orthopédique et traumatologie. L’augmentation de l’âge moyen des patients opérés en chirurgie orthopédique impose une réflexion gériatrique.
Les fractures, le plus souvent secondaires à une chute, représentent une des principales causes d’hospitalisation et de chirurgie. La chute et la fracture peuvent être l’occasion de réaliser une évaluation gériatrique permettant de dépister des critères de fragilité, souvent préexistants. La plus grave d’entre elles, la fracture du col fémoral, est la cause de modifications majeures psychiques, physiques et fonctionnelles entrainant un risque de perte d’autonomie impactant les capacités de retour à domicile. Ces fractures chez le sujet âgé comportent un taux important de mortalité à un an (30%) ainsi que de nombreuses comorbidités mais la chirurgie est néanmoins nécessaire chez la majorité d’entre eux afin de réduire ces taux importants de complications.
L’arthrose touche également de manière fréquente ces patients, « nouveaux » pour le chirurgien orthopédiste puisque auparavant contre-indiqués pour une chirurgie fonctionnelle, ou simplement en raison d’une espérance de vie plus courte que l’usure de leur cartilage. Cette nouvelle demande de prise en charge chirurgicale orthopédique doit faire appel aux techniques modernes d’anesthésie et de prise en charge multimodale de l’analgésie post-opératoire.
Cette prise en charge des sujets âgés en chirurgie orthopédique et traumatologie s’effectue au mieux au sein d’un environnement médico-chirurgical spécialisé réunissant l’ensemble du plateau technique et humain de la chaîne de spécialités médicales réunissant chirurgien orthopédiste, anesthésiste, gériatre, rééducateur et rhumatologue.

L’Orthopédie Traumatologie du sujet âgé : Le point de vue du rhumatologue : André KAHAN (Université Paris Descartes, Hôpitaux Universitaires Paris Centre – Cochin)
Les fractures ostéoporotiques et les arthroses des personnes âgées sont à l’origine de douleurs et risque d’invalidité, de perte d’autonomie et de mortalité, nécessitant la prise en charge par des équipes multi-disciplinaires. Un des principaux rôles du rhumatologue est d’assurer la prévention, primaire ou secondaire. Les fractures liées à l’ostéoporose ont des maximum de fréquence à des âges différents ; les plus précoces (poignet, vertèbres) sont des éléments majeurs, devant déclencher la prévention des autres fractures. Avant la première fracture, il existe des moyens de dépistage, dont l’ostéodensitométrie. Parmi les nombreux facteurs de risque connus, certains sont accessibles à une prévention, comme certaines maladies et leurs traitements, les carences en calcium et vitamine D, le tabac, l’alcool, l’inactivité physique ; cette prévention rejoint celle de la sarcopénie et s’associe à la prévention des chutes ; si le risque de fracture lié à l’ostéoporose est avéré, plusieurs classes pharmacologiques sont disponibles en prévention primaire des fractures ; ces traitements peuvent être également efficaces en prévention secondaire, avec des adaptations nécessaires chez les personnes âgées, en tenant compte des pathologies associées. Les arthroses, sont à l’origine de douleurs, de perte de fonction, de handicap et chez le sujet âgé peuvent aboutir à une perte d’autonomie. Parmi les facteurs de risque connus, certains peuvent être traités, comme le dysfonctionnement métabolique, les excès de contraintes mécaniques, les atteintes anatomiques congénitales ou acquises, certaines maladies rhumatologiques. Parmi les traitements disponibles certains ont une action symptomatique ; d’autres, faisant l’objet de débats, pourraient avoir une action de prévention ; de nombreuses recherches sont en cours pour évaluer de nouveaux médicaments pouvant agir sur les différentes composantes physio-pathogéniques des arthroses, cartilage, os et membrane synoviale, afin d’aboutir à des traitements plus efficaces sur les symptômes et l’évolution structurale.

 

Chirurgie cardio-vasculaire du sujet âgé : Point de vue du chirurgien, Point de vue du cardiologue

LANGANAY T, VAHANIAN A

Résumé
Thierry LANGANAY, Yves LOGEAIS, Alain LEGUERRIER (Rennes) La chirurgie cardio-vasculaire du sujet âgé, le point de vue du chirurgien : Le rétrécissement valvulaire aortique

L’incidence du rétrécissement valvulaire aortique augmente avec l’âge, aussi un nombre croissant de patients âgés sont proposés pour un remplacement valvulaire aortique compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie dans les pays industrialisés.
Entre 1978 et 2011, 2005 patients, âgés de 80 ans ou plus, ont eu un remplacement valvulaire aortique (1988 bioprothèses et 17 valves mécaniques). 54% étaient en stade NYHA 2 et 37% en stade 3. Une fibrillation auriculaire était présente chez 13% (263/2005), 650 patients (32%) avaient des lésions coronaires associées. Un opéré sur deux présentait une ou plusieurs comorbidités extracardiaques associées. 1515 patients (76%) ont eu un RVA isole et 396(19%) un pontage(s) coronaire(s) complémentaire.
La mortalité hospitalière globale récente (années 2000-11) est de 6,9% (83/1193), 5,5% en cas de RVA isolé. Les principaux facteurs de risque opératoire sont une bronchopathie chronique, une insuffisance rénale préopératoire, une cardiopathie évoluée (insuffisance cardiaque droite ou gauche, fibrillation auriculaire, NYHA4..) ou une coronaropathie associée.
La survie actuarielle est respectivement de 91% ,69% et 27,5% à 2,5 et 10 ans avec un total de 8849 années-patient et une médiane de survie à 7,1 ans. Cette survie se compare favorablement avec celle d’une population appariée ne présentant pas de valvulopathie. Plus de 96% des opérés se disent améliorés ou très améliorés par l’intervention.
Le RVA conventionnel reste la technique de référence, elle permet d’offrir aux patients une survie prolongée avec une excellente qualité de vie. L’indication opératoire doit reposer sur une évaluation précise et individualisée de chaque patient, en tenant compte de l’âge physiologique plus que de l’âge civil