Séance du mercredi 7 décembre 2016

INCONTINENCE URINAIRE FÉMININE D’EFFORT
14h30-17h00, Les Cordeliers
Organisateurs : Emmanuel CHARTIER-KASTLER et Richard VILLET (Paris) - Présidence : Henri JUDET

 

 

Introduction générale de la séance

JUDET H, MARRE P, CATON J, MASSIN P

 

Introduction thématique de la séance

CHARTIER KASTLER E, VILLET R

 

Histoire de la cure de l’incontinence urinaire d’effort de la femme

VILLET R

Résumé
L’incontinence urinaire de la femme (IUE) est la perte involontaire d’urine lors d’une augmentation de pression abdominale. Elle concerne 10 à 53 % des femmes selon les sources et l’importance des fuites retenues. Les traitements médico-rééducatifs ne sont proposés que dans les formes peu sévères et seule la chirurgie est susceptible de traiter efficacement les formes sévères. Les premières techniques de cure chirurgicale de l’IUE remontent à la fin du XIXème et pendant longtemps, elles se pratiquaient par voie vaginale accompagnant souvent la cure d’un prolapsus. C’est ainsi que furent décrits plusieurs types de plicatures sous urétrales directes (Marion Kelly 1913) ou plus tard avec l’utilisation du faisceau pubococcygien du muscle élévateur de l’anus (pubococcygioplastie d’Ingelman-Sundberg 1947). C’est en 1910 que R. Goebell, chirurgien allemand, propose la mise en place d’une fronde sous le col vésical et en 1917 que la technique de fronde sous urétro-cervicale aponévrotique sera définitivement décrite (Goebell-Stoekell 1917). Dans la deuxième moitié du XXème la chirurgie abdominale se développe et imaginant que les fuites urinaires sont largement liées à la chute de la vessie on propose de suspendre le col de la vessie à la symphyse pubienne (cervicocystopexie de Marshall-Marchetti-Krantz 1949). Ces techniques de suspensions vésicales seront plus ou moins modifiées mais c’est J.C. Burch en 1961 qui proposera de suspendre le col vésical non plus à la symphyse mais au ligament de Cooper et non plus directement mais indirectement par l’intermédiaire du vagin transformant ainsi la cervicocystopexie directe en une cervicocystopexie indirecte ou colpopexie. (colpopexie rétro-pubienne : CPRP de BURCH 1961). Cette intervention s’appuyait sur la théorie de l’enceinte manométrique abdominale décrite par Enhörning (1961) et fût très largement pratiquée. De nombreuses méthodes simplifiées furent décrites (Pereyra 1959, Stamey 1973, Raz 1979) mais leurs résultats à long terme furent médiocres. Etant l’intervention de référence, la CPRP fût même réalisée par Retziuscopie après l’avènement de la laparoscopie. C’est en 1990 et en 1993 que les travaux de l’équipe suédoise d’Ulf Ulmsten vont établir une nouvelle théorie de diagnostic et de traitement de l’IUE de la femme. Cette équipe va mettre au point une technique révolutionnaire de cure de l’IUE par mise en place d’un soutènement sous urétral sans tension à la partie moyenne de l’urètre (Tension free Vaginal Tape : TVT 1996). Cette technique va devenir le Gold Standard. Initialement la bandelette était mise par voie rétropubienne de Bas en Haut. Plusieurs autres voies vont être décrites (Retropubienne de haut en bas : Staskin 2000; Transobturatrice de dehors en dedans : Delorme 2001; Transobturatrice de dedans en dehors : de Leval 2003) Dans les bonnes indications, le taux de succès de ces interventions est élevé (> 85%). Afin de diminuer encore la morbidité de ces bandelettes, des nouvelles techniques de mise en place sans sortie cutanée sont en cours d’études…

 

Exploration indispensable avant la chirurgie de l’incontinence urinaire d’effort
Exploration Essential before Stress Urinary Incontinence Surgery

LENORMAND E (Président du CUROPF - Comité D’UROlogie et de Périnéologie de la Femme de l’AFU-Nantes)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2017, vol. 16 (1), 048-051

Résumé
Il s’agit d’un article de synthèse sur les explorations nécessaires avant de réaliser une cure chirurgicale d’une incontinence urinaire d’effort (IUE). Ces explorations doivent répondre à trois objectifs :
1. Affirmer le diagnostic d’IUE : Le diagnostic d’IUE peut être facile s’il est pur, mais la moitié des IUE s’accompagnent se signes d’hyperactivité vésicale. Les outils utiles et indispensables pour affirmer ce diagnostic, outre un interrogatoire bien conduit sont :
- les questionnaires symptômes (USP, MHU) et l’appréciation du degré de gêne (question 5 ICIQ) ;
- le catalogue mictionnel à effectuer sur trois jours ;
- un examen clinique effectué dans de bonnes conditions, permettant d’authentifier les fuites aux efforts (toux, poussée abdominale).
2. Vérifier l’absence de troubles urinaires associés qui pourraient modifier l’indication et/ou le pronostic :
La dysurie peut être très sous-estimée par la patiente ;
Un prolapsus associé peut être asymptomatique ;
Les outils indispensables pour évaluer les troubles associés sont :
- une débitmétrie associé à une mesure du résidu post mictionnel ;
- un examen clinique évaluant la statique périnéale ;
- un examen urodynamique en cas de troubles mictionnels associés à l’IUE ou situation complexe.
3. Préciser le mécanisme des fuites :
a. Hypermobilité de l’urètre : bascule de l’urètre à la toux et/ou à la poussée abdominale. Simulation de l’effet d’une bandelette sous urétrale par test de soutènement dite positive si elle fait disparaître les fuites.
b. Insuffisance sphinctérienne : l’absence de mobilité de l’urètre, les fuites à la poussée abdominale ou à la simple introduction d’un spéculum vaginal, un test de soutènement urétral négatif sont des signes d’insuffisance sphinctérienne.
Les outils indispensables pour préciser les mécanismes sont :
- l’examen clinique évaluant la mobilité de l’urètre ;
- un bilan urodynamique avec une sphinctérométrie en cas de doute sur l’existence d’une insuffisance sphinctérienne ou d’une hyperactivité détrusorienne associée.

Abstract
This is a review on the necessary explorations before performing a surgical procedure for stress urinary incontinence (SUI). These explorations must meet three objectives:
1. Affirm the diagnosis of SUI
The diagnosis of SUI can be easy if it is pure, but half of them are associated with overactive bladder symptoms. The useful and indispensable tools to affirm this diagnosis, besides a well conducted examination are:
- Symptom questionnaires (USP, MHU) and impact on quality of life (question 5 ICIQ);
- The voiding diary on 3 days;
- A clinical examination performed in good conditions, allowing to visualize the leaks related to stress test (cough, abdominal straining).
2. Checking the absence of others urinary disorders that may alter the indication and/or the prognosis
Low stream often underestimated by the patient. A genital prolapse that may be asymptomatic. The essential tools to evaluate these other disorders are:
- A uroflowmetry with a post-voiding residual measure;
- A clinical examination to check a possible génital prolapse;
- Urodynamic study in case of urinary disorders associated with SUI or complex situation.
3. Specify the mechanism of incontinence:
A. Urethral hypermobility: Urethral mobility to cough and/or abdominal straining. Simulation of the effect of a sub-urethral tape by support test witch is positive if it makes disappear the leaks.
B. Intrinsic sphincter deficiency: The absences of mobility of the urethra, leaks during abdominal staining or with the introduction of a vaginal speculum, a negative urethral support test are signs of intrinsic sphincter deficiency. The tools needed to clarify the mechanisms are:
- Clinical examination evaluating the mobility of the urethra;
- Urodynamic assessment with sphincterometry in case of doubt about the existence of intrinsic sphincter deficency or detrusor overactivity.

 

La rééducation a-t-elle sa place dans le traitement de l’incontinence urinaire d’effort de la femme ?

DENYS P (Garches)

 

Incontinence urinaire d’effort et prolapsus

DEFFIEUX X (Paris)

Résumé
Le prolapsus génital est fréquemment associé (15 à 30% des cas) à une incontinence urinaire à l’effort patente, c’est-à-dire que la femme se plaint à la fois de l’extériorisation du prolapsus et des fuites urinaires lors d’efforts de toux ou lors de ses activité sportives. Il existe également une prévalence élevée d’incontinence urinaire à l’effort « masquée » (encore appelée « occulte » ou « potentielle ») : 30 à 60% des femmes ayant une cystocèle de stade 3 ou 4 n’ont pas de fuites urinaires à l’effort dans leur vie quotidienne, mais c’est l’examen clinique vessie pleine prolapsus refoulé qui révèlera l’existence de fuites urinaires à la toux (prévalence variable selon la technique de refoulement employée).
Tout l’enjeu de cette incontinence urinaire à l’effort (patente ou masquée) associée au prolapsus est de savoir si l’on choisit de traiter chirurgicalement les deux problèmes de façon concomitante ou de façon asynchrone. Un des principaux arguments en faveur d’un traitement asynchrone est le taux de guérison observé après traitement isolé du prolapsus génital : l’incontinence urinaire à l’effort patente disparaitra dans 20 à 30 % des cas après une « simple » correction chirurgicale du prolapsus génital et l’incontinence urinaire « masquée » ne se concrétisera en véritable incontinence urinaire de novo post-opératoire que dans 30% de cas. La plupart des recommandations nationales et internationales évoluent actuellement vers une prise en charge en deux temps, avec un argument supplémentaire pour le traitement asynchrone qui est le caractère mini-invasif des bandelettes sous urétrales, majoritairement employées actuellement pour le traitement de l’incontinence urinaire à l’effort.

 

Cure d’incontinence urinaire d’effort : ambulatoire et anesthésie locale

CHARTIER KASTLER E (Paris)

Résumé
Les traitements de l’incontinence urinaire d’effort (IUE) féminine sont représentés par les bandelettes sous urétrales (BSU), le sphincter artificiel urinaire (SAU), les ballons péri-urétraux et les injections péri-urétrales. L’anesthésie locale (AL) faisait partie intégrante de la technique princeps de la BSU décrite par Ulmsten. Désormais son usage est variable selon les pays et n’est utilisée que chez 10 à 20% des patientes opérées en France de BSU. Les facteurs contribuant à son usage seront discutés à travers les données de la littérature médicale. L’AL reste l’anesthésie préférentielle pour les injections périurétrales et peut-être employée pour mettre en place des ballons alors qu’elle n’a pas sa place pour le SAU quelle que soit la voie d’abord utilisée. Tous ces traitements de l’IUE féminine sont peu invasifs et éligibles à l’ambulatoire. L’AL facilite le recours à l’ambulatoire mais n’est pas indispensable. La seule contrainte pour la patiente est le maintien pour quelques jours d’une sonde vésicale dont l’utilisation est de moins en moins systématique. La France devrait combler son retard dans ce domaine et l’urologie y contribuera largement avec ces différents traitements de l’IUE.

 

Le sphincter urinaire artificiel : quelle place et quels progrès en 40 ans ?

CHARTIER KASTLER E, DECHESNES-ROMPRE MP, MOZER P, PHE V (Paris)

Résumé
L’incontinence urinaire d’effort de la femme est anatomiquement liée à l’un ou l’autre, voire les deux des mécanismes suivants : hypermobilité urétrale (HMU) et insuffisance sphinctérienne (IS).
Le sphincter urinaire artificiel (SUA) s’est imposé comme le traitement de référence de l’IUE par IS depuis les premières implantations en France en 1984. Le seul modèle actuellement disponible au marché mondial, validé et pris en charge en France par l’assurance maladie est les sphincter AMS 800 (Boston Scientific, Boston, MA). Son principe est des plus simples : assurer la fermeture de l’urètre dans la période de continence du cycle mictionnel (manchon circulaire compressif hydraulique dit « manchette ») et permettre son ouverture pour assurer la miction sans résistance à l’écoulement après manipulation d’une pompe sous cutanée par le patient, laquelle se refermera seule.
Si les séries rapportées dans la littérature sont toutes rétrospectives ou des cohortes de patientes consécutives, il n’y a jamais eu d’étude de niveau de preuve (NP) 1 pour cette prothèse. Il n’en reste pas moins que les résultats et complications sont aujourd’hui bien connus et les 3 plus grosses cohortes publiées mondiales sont celles de Montpellier (P Costa), Nantes (L Lenormand et JM Buzelin) et La Pitié Salpêtrière (E Chartier-Kastler et F Richard). Le taux de continence sociale (pas de protection ou une de précaution) est de 92 à 95 % des patientes toujours porteuses de leur sphincter au dernier suivi. La durée de vie médiane de la prothèse est d’environ 14 ans et le problème majeur reste encore le taux de révision inhérent au caractère hydraulique de la prothèse de 25 à 30 % à plus de 10 ans et un taux d’infection de 1 à 10 % selon les séries. Ce dernier est très dépendant des populations incluses (neurologiques versus non neurologiques (autosondage), antécédents de chirurgies pelviennes pour IUE.
Notre centre a eu l’occasion de rapporter en 1996 le suivi des patientes ayant eu plus 4 ans de suivi démontrant que 59 femmes sur 89 avaient toujours la même prothèse active avec un suivi moyen de 50 mois (12 à 136, 15 autres ayant été révisées et toujours implantées. A 20 ans, 69 % des patientes avaient toujours une prothèse active et 11 restaient un succès total (/34, suivi moyen de 17 ans)
Il apparaît que le respect des indications est un élément de réussite à long
terme. Ceci a été rappelé lors de la conférence de consensus récente de l’ICS
(2015) et les recommandations européennes concluent à un NP 3 pour une
implantation de première intention chez la femme et suggèrent que cette
technique soit réservée à des centres experts après information complète de
la patiente.
L’avenir est de voir se développer de nouvelles prothèses réduisant la
morbidité liée à la prothèse et d’espérer que le PHRC SU-ACT
(clinicaltrialgovs.org # NCT02490917) qui compare le sphincter AMS 800 à
une autre technique moins invasive permette d’avoir pour la première fois
des données prospectives contrôlées concernant le groupe AMS 800 et
obtienne une étude chirurgicale randomisée aidant ultérieurement à la
sélection des patientes.
L’avenir est peut-être aussi d’améliorer l’approche chirurgicale et les
équipes ont actuellement débuté par coelioscopie robot assistée.
Références :
Costa P et al., Eur Urol 2013
Vaileux B et al., Eur Urol 2011
Benadiba S et al., EAU Milan 2013 et Phe V et al., Neurourol Urodyn 2016
Biardeau X et al., Neurourol Urodyn, 2016

Auteurs :
E Chartier-Kastler 1,2, MP Deschênes-Rompré2, P Mozer1,2, V Phe1,2
1 – Sorbonne Universités, UPMC, Paris 6
2 – Service d’urologie, Hôpital Universitaire Pitié Salpêtrière,

 

Conclusions

JUDET H