Séance du mercredi 24 mai 2017

LES NOUVELLES TECHNOLOGIES AU SECOURS DE L’ANATOMIE ET DE LA CHIRURGIE
14h30-17h00, Les Cordeliers
Modérateur : Jean-François UHL (Paris)

 

 

Introduction générale de la séance

FRANCO D, MARRE P, LE FLOC PRIGENT P, JOHANET H (Paris)

 

Les liens entre anatomie et chirurgie : un double 500e anniversaire à Strasbourg (1517-2017)

LE MINOR JM (Strasbourg)

Résumé
En 1497, parut à Strasbourg le plus ancien traité de chirurgie imprimé en langue allemande, "Dis ist das buch der Cirurgia", rédigé par le chirurgien strasbourgeois Hieronymus Brunschwig († 1534) et imprimé par Johann Grüninger.
En 1517, soit vingt années plus tard, avait lieu la première dissection humaine officielle à Strasbourg. Cet événement, exceptionnel pour l'époque, correspondait à l'une des toutes premières dissections réalisées en pays germanique. Elle fut pratiquée, en présence de nombreux spectateurs, dont des chirurgiens et barbiers de la ville, sous la direction de Wendelin Hock von Brackenaw, docteur en médecine diplômé de Bologne. Le corps était celui d'un condamné à mort par pendaison, accordé pour la circonstance par le Magistrat de la ville. Des dessins furent réalisés par Hans Wechtlin, élève de Hans Holbein le Vieux. Une feuille volante, avec une illustration gravée sur bois reproduisant les observations de cette dissection, fut éditée la même année par le strasbourgeois Johann Schott. Il paraît s'agir de la plus ancienne figure anatomique imprimée ayant été dessinée directement d'après nature. Elle représente le cadavre allongé d’un sujet masculin après une grande ouverture thoraco-abdominale. Au pourtour, sont disposées sept petites figures : six d'entre elles, démontrant des étapes successives de la dissection du cerveau et du cervelet, semblent constituer les premières représentations de l'encéphale imprimées au monde ; la dernière concerne la langue isolée. Cette feuille volante connut un grand succès et son illustration fut maintes fois reproduite.
La même année 1517, paraissait à Strasbourg le célèbre ouvrage de chirurgie de Hans von Gersdorff (c.1450-1530), "Feldtbuch der Wundtartzney", édité par Johann Schott. Contenant de nombreuses notions d'anatomie, il offre le plus ancien lexique anatomique publié en allemand. Illustré de 24 figures gravées sur bois, il reprend, en particulier, l'illustration de la feuille volante de la récente dissection strasbourgeoise. Cet ouvrage connut également un important succès et de multiples rééditions.
Ce double 500e anniversaire est l'occasion de souligner les liens essentiels, dès l'origine, entre anatomie et chirurgie. À l'heure actuelle, malgré les extraordinaires possibilités offertes par l'évolution des techniques d'imagerie, la dissection du corps humain reste incontournable pour l'étude et le perfectionnement des connaissances anatomiques et, notamment, celles nécessaires à la pratique chirurgicale.

 

Introduction thématique de la séance

UHL JF (Paris-Descartes)

 

La modélisation en morphologie

UHL JF (Paris-Descartes)

Résumé
Une bonne connaissance de l’anatomie humaine est à la base de l’enseignement et de la pratique médicale, et bien sûr la clé de voûte de la chirurgie : La pratique de la dissection est le gold standard pour l’apprentissage de l’anatomie, mais le nombre de sujets disponibles pour l’entrainement décroit, tandis que le nombre d’étudiants en médecine et paramédical ne cesse d’augmenter.
C’est la raison pour laquelle les nouveaux outils numériques (anatomie computationnelle) vont se développer dans le futur : grâce à une modélisation 3D très réaliste du corps humain, on peut faire des dissections virtuelles. L’élaboration de ces modèles vectoriels 3D à titre pédagogique est également un formidable moyen pour l’apprentissage de la morphologie du corps humain et de ses nombreuses variations.
Nous avons créé à l’Université Descartes avec le Pr Vincent Delmas une Chaire d’Anatomie Numérique sous l’égide de l’Unesco, qui a pour but de développer des partenariats inter-Universitaires en Anatomie afin de faciliter le développement et l’usage de ces nouveaux outils numériques.

 

La réalité virtuelle immersive

ROS M (Montpellier)

Résumé
La société Revinax produit du contenu et développe des applications mobiles de réalité virtuelle (VR). Nous avons mis au point un moyen de filmer en 3D le point de vue subjectif d'un chirurgien. L'application consiste en un lecteur de VR dans lequel l'utilisateur est central. Nous ajoutons dans le reste de l'espace virtuel des données pertinentes (cas clinique, scanner, IRM, ECG...). Plongés dans la peau de l’intervenant, les usagers de nos outils de formation acquièrent rapidement les connaissances et spécificités des différents temps d’une technique médico-chirurgicale.
Accessible, notre application fonctionne sur les systèmes d’exploitation mobile : L’expérience immersive est alors possible en connectant son smartphone sur un masque de réalité virtuelle (technologie sans fil). La 3D immersive en réalité virtuelle représente une évolution dans la transmission du savoir-faire. Utiliser cette technique améliore l’efficacité d’apprentissage par des mesures cognitives connues (telles que les neurones miroirs et l’implication émotionnelle) tout en diminuant les contraintes géographiques.
Notre projet est de créer une plateforme regroupant ces tutoriels immersifs pour les diffuser facilement au plus grand nombre. L’accès sera libre pour les gestes définis comme essentiels par l’OMS.

 

Le patient numérique personnalisé

AYACHE N (INRIA et Académie des Sciences)

Résumé
A la croisée de l’informatique, des mathématiques et de la médecine, le patient numérique personnalisé est un ensemble de données numériques et d’algorithmes permettant de reproduire à diverses échelles la forme et la fonction dynamique des tissus et organes d’un patient singulier. C’est aussi le cadre unifié qui permet d’intégrer les informations provenant des images anatomiques et fonctionnelles du patient, ainsi que les informations qui décrivent l’histoire de sa maladie.
Le modèle numérique du patient personnalisé grâce aux images médicales permet d’assister le diagnostic en quantifiant l’information cliniquement utile, d’assister le pronostic en simulant l’évolution d’une pathologie, et d’assister la thérapie en planifiant, simulant et contrôlant une intervention. Voilà ce qui préfigure la médecine et la chirurgie computationnelles de demain, deux composantes informatiques de la médecine et de la chirurgie destinées à assister le praticien pour le bénéfice du patient.
Mon exposé exposera certains des enjeux de la recherche dans ce domaine, et illustrera certains des algorithmes et des modèles mathématiques, biologiques et physico-chimiques mis en œuvre dans divers contextes médicaux et chirurgicaux.

 

La simulation en médecine : présent et futur

COTIN S (Inria Strasbourg)

Résumé
L'imagerie médicale a connu une progression formidable à partir des années 1970, avec le développement du scanner CT, l'émergence de la médecine nucléaire, puis l'imagerie par résonance magnétique. Cette évolution majeure pour la médecine a été accompagnée du développement de la chirurgie mini-invasive, apportant de nombreux bénéfices au patient : douleurs post-opératoires et temps d’hospitalisation réduits, et retour à la vie active plus rapide. Aujourd'hui, il est raisonnable de penser qu'une nouvelle révolution dans le domaine médical est en marche, et ce par le biais de techniques de simulation numérique, de modélisation 3D, de caractérisation biomécanique, de réalités virtuelles ou augmentées. Ces nouveaux développements tissent des liens forts avec l'imagerie médicale, la chirurgie et la robotique, augmentant ainsi leurs champs d'applications.
Au cours de cette présentation, nous verrons comment les résultats récents dans ce domaine ont le potentiel de changer la manière dont les médecins se forment, planifient des opérations complexes ou encore réalisent des interventions. Dans le domaine de l’apprentissage, je présenterai les enjeux auxquels sont confrontés de plus en plus de cliniciens, en raison de difficultés croissantes de formation et de l’introduction beaucoup plus rapide de nouvelles technologies nécessitant un apprentissage régulier. Mais surtout, le rôle des simulations numériques en médecine peut s’étendre au domaine de l’aide en salle d’opération. Un domaine particulièrement important est celui de la réalité augmentée, dont le principe général consiste à combiner, en temps-réel, un modèle virtuel à la perception que nous avons naturellement du patient ou du champ opératoire. Ceci permet par exemple de visualiser les structures internes d’un organe, normalement invisibles pour le chirurgien. Ainsi, il est possible de mieux maitriser le geste chirurgical, voire de planifier l’intervention. Pour parvenir à ces objectifs, de nombreux défis doivent être relevés. En particulier, des modèles numériques du patient anatomiquement et biomécaniquement réalistes doivent être développés, tout en restant compatibles avec des contraintes de calcul temps-réel. Je mettrai également l’accent sur l’importance du transfert des résultats de recherche vers des entreprises innovantes, capables de mettre ces nouveaux outils à la disposition des cliniciens.

 

Du patient virtuel au guidage opératoire par réalité augmentée

SOLER L (IRCAD et IHU, Strasbourg)

Résumé
La chirurgie mini-invasive représente une évolution majeure des techniques chirurgicales apportant au patient de nombreux bénéfices : moins de douleur post-opératoire, un temps d’hospitalisation réduit et un retour plus rapide à l’activité. Cependant, cette chirurgie ajoute de nouvelles difficultés au chirurgien parmi lesquelles la perte de sensibilité du geste et la perte de la vision directe sont les principales. Ce sont ces limites que l’informatique et la robotique proposent de dépasser en ajoutant aux gestes une assistance fondée sur l’utilisation de l’imagerie médicale. En couplant les disciplines de radiologie et de chirurgie, la chirurgie devient hybride. Avant l’opération, il est alors possible de connaitre précisément l’anatomie propre de chaque patient grâce à la modélisation 3D personnalisée.
Ce clone numérique du patient peut alors être utilisé pour suivre l’évolution d’une pathologie ou pour définir une stratégie thérapeutique optimale. Le chirurgien pourra ainsi s’entrainer sans risque pour le patient. Durant l’intervention, cette modélisation 3D peut être utilisée pour guider le chirurgien par le biais de la réalité augmentée. Cette technique consiste à superposer à la vidéo opératoire du patient la modélisation 3D de ses organes et pathologies, le patient devient alors virtuellement transparent (voir figure). Grâce à l’imagerie médicale per-opératoire, les nouveaux blocs opératoires hybrides, comparables aux avions les plus modernes, vont rendre ces techniques de plus en plus fiables. Cette révolution en marche est illustrée par les nombreux résultats obtenus par les équipes de l’IRCAD, de l’hôpital et de l’Université de Strasbourg regroupées au sein de l’IHU de Strasbourg. (Directeur scientifique de l’IRCAD et de l’IHU de Strasbourg, Professeur associé à l’équipe de chirurgie digestive et endocrine du Prof. Didier Mutter )
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