Séance du mercredi 17 octobre 2018

Chirurgie de la main et du membre supérieur
14h30-17h00, Les Cordeliers
Modérateur : Michel MERLE (Luxembourg)

 

 

Introduction de la séance

MARRE P, VILLET R, PASCAL G, FICHELLE JM

 

Introduction thématique de la séance

VILLET R, MERLE M

 

Titre Bases Anatomiques des syndromes compressifs  cervico-thoraco-axillaires

POITEVIN LA

Résumé
La communication entre le cou et le thorax, d'un côté, et la racine du membre supérieur, de l'autre, s'établie au moyen de défilés ou passages étroits ostéo-fibro-musculaires. Ces passages appartiennent aux régions: 1) Sus-claviculaire; 2) Du sommet du thorax; 3) Costo-claviculaire; 4) Axillaire.
De nombreuses structures nerveuses et vasculaires traversent ces défilés dans les deux sens. Depuis 40 ans nous étudions ces passages, du point de vue à la fois morphologique et dynamique, et chez le vivant (au cours des opérations) et chez le cadavre (par des dissections et des épreuves fonctionnelles).
Ces études nous ont permis de déterminer:
1) Que ces défilés sont extrêmement variables en nombre, disposition, forme et taille.
2) Que les descriptions classiques ne rendent pas compte de ces variations.
3) Que plusieurs constatations intra-opératoires sont interprétées à tort comme des anomalies, quand il s'agit, par contre, de simples variations anatomiques.
4) Que pour qu'une variation anatomique produise une vraie compression, il faut qu'elle rétrécisse un passage et, maintes fois, qu'elle s'associe à une position extrême de la ceinture scapulaire maintenue dans le temps.
5) Dans le cadre de ces recherches, nous avons identifié les passages suivants, qui peuvent être à l'origine de compressions neurovasculaires:
- Les défilés de la membrane sus-pleurale:
* Défilé ou boutonnière de T1
* Défilé de C8-T1.
- Les défilés Scaléniques:
* Défilé Interscalénique Postérieur, neural (C8-T1).
* Défilé Interscalénique Antérieur.
** Étage supérieur, neural (C5-C6).
** Étage moyen, neural (C7).
** Étage inférieur, vasculaire (Artère Subclavière).
* Défilé Préscalénique (Veine Subclavière).
- Les défilés costo-claviculaires
* Défilé costo-claviculaire latéral (Artère Subclavière + Troncs secondaires du Plexus Brachial).
* Défilé costo-claviculaire médial (Veine axillo-subclavière).
- Les défilés axillaires
* Défilé rétro-petit pectoral.
* Défilé antérieur à la tête humérale.
* Défilé du "Y" du nerf médian.
* Défilé du muscle axillaire de Langer.
6) Les principales structures et variations qui peuvent produire des compressions:
- Le ligament costo-septo costal dans la boutonnière de T1.
- Le ligament transverso-septo-costal dans le défilé de C8-T1.
- Le Petit Scalène en agissant sur C8-T1 (en arrière) ou sur l'artère subclavière (en avant).
- Le Scalène Intermédiaire Supérieur (contre C7).
- Un bord tranchant du Scalène Moyen comprimant le Tronc Inférieur du Plexus Brachial.
- Une côte cervicale (anomalie osseuse de développement non inclue dans cette étude).
7) Principales positions forcées qui peuvent produire des compressions:
- Hyperélevation du bras (par le ligament coraco-claviculaire médial ou de Caldani).

Commentaire : Alain GILBERT (Paris) 

 

Reconstruction du membre supérieur

LIM A

Résumé
L'appareil musculoskéletal est motorisé par un système de nerfs et de muscles.
Ces quatres études cadavériques descriptives et morphométriques démontrent qu’il y a un dessein dans l'organisation anatomique du membre supérieur. Ce dessein est basé sur une modularité, celle du compartiment neuromusculaire.
•Le premier travail, anatomique, utilise la méthode de Sihler, décrite pour la première fois en 1895. Cette méthode, par une série de bains de solutions macérantes et décalcifiantes, rend les muscles translucides. Les nerfs sont ensuite colorés à l’hematoxyline. On obtient des spécimens qui démontrent en grand détail la relation entre le nerf et le muscle.
150 muscles du membre supérieur ont été prélevés sur 10 cadavres et analysés. On observe que les muscles ont soit une forme trapézoïdale ou une forme en fuseau. Les muscles qui ont un vecteur de fonction perpendiculaire à l'axe du membre supérieur forment le premier groupe et ceux qui ont un vecteur parallèle, le deuxième. Un troisième groupe est formé de muscles à combinaisons : chefs multiples ou tendons multiples.
Les muscles à combinaisons sont composés de multiples compartiments neuromusculaires et sont donc modulaires. Cette modularité peut être exploité pour les reconstructions où il ne reste pas assez de muscles pour des transferts tendineux conventionnels. Les muscles à deux ou plusieurs compartiments peuvent être divisés et transférés avec indépendance de fonction.
Ce concept a été démontré par des transferts divisés du flexor carpi radialis, flexor carpi ulnaris, chef long du triceps et le grand dorsal.
•Les muscles à compartiments multiples ont également une innervation multiple. Le nombre de branches nerveuse est en général proportionnelle au nombre de compartiments. Ceci donne plus de possibilités pour les transferts de nerfs, des branches pouvant être prélevées sur des muscles à compartiments multiples tout en minimisant la morbidité du muscle donneur qui garde sa fonction intrinsèque.
•Les troncs nerveux donnent des branches primaires qui sont destinées pour les muscles. Ces branches sont données à leur intersection avec les origines musculaires comme les muscles fléchisseurs-pronateurs de l’avant-bras. Elles sont donc regroupées de façon logique et prévisible. Ces groupements sont présentés dans un schéma qui peut servir pour guider l’établissement d'un programme de reconstruction.
•Pour qu’un transfert nerveux réussisse, il faut un minimum d’axones donneurs. Les comptes d’axones dans la littérature ne sont pas homogènes, ni par leurs méthodes ni par leurs sources.
Une étude morphométrique sur dix membres supérieurs utilisant une méthode de compter manuelle est présentée. Cette méthode utilisant un programme java pour éviter de compter double est actuellement la référence, les autres méthodes étant basées sur échantillons. Ce schéma permet de comparer nerfs donneurs et nerfs destinataires.
Ces quatre études à partir d’observations anatomiques et morphométriques permettent d’établir des concepts qui sont utiles à la chirurgie reconstructive du membre supérieur.

Commentaire : Alain-Charles MASQUELET (Paris)

 

Implants en pyrocarbone à la main et au poignet : 10 ans d’expérience

BELLEMERE P

Résumé
Le pyrocarbone possède des propriétés remarquables (élasticité proche de l’os, rugosité infime, résistance à l’usure, biocompatibilité) qui en font un matériau de choix dans le domaine des arthroplasties de faible volume. Son utilisation pour des arthroplasties de la main et du poignet est maintenant validée et certains implants ont franchi les 10 ans de recul clinique. Nous avons été parmi les premiers à les avoir utilisé en France et avons été à la source de nouvelles arthroplasties en pyrocarbone en particulier au poignet et à la base du pouce.
Les différents types d’implant actuellement disponibles se répartissent en 2 familles : les prothèses totales ou les hémiprothèses qui reproduisent le concept d’arthroplastie classique, et les implants d’interposition qui répondent au concept d’espaceur (spacer) développé par Ollier puis par Swanson. Le pyrocarbone autorise avec une excellente tolérance, une interface de glissement direct entre l’implant et le cartilage ou l’os sous chondral. Le concept d’interposition conjugué à l’utilisation du pyrocarbone a permis ainsi le développement de nouveaux types d’arthroplasties.
Les résultats des différents implants sont analysés à la lumière des données de la littérature et de notre propre expérience en insistant plus particulièrement sur ceux dont le recul est le plus important.
Les implants en pyrocarbone à la main et au poignet ont permis de s’affranchir des complications liées aux matériaux des arthroplasties classiques des implants en silicone ou des prothèses articulaires en métal et polyéthylène (usure, débris, réactions inflammatoires, descellement mécanique, fracture d’implant, résorption osseuse massive sur réaction à corps étrangers…).
Cependant, l’absence de fixation directe du pyrocarbone à l’os rend difficile et aléatoire les possibilités d’ancrage des implants à tige centromédullaire des prothèses totales ou des hémiprothèses. La tendance à la migration et à la bascule de la tige sous l’influence des contraintes mécaniques répétées s’est rencontrée avec les prothèses des IPP et à une moindre degré des MP.
Les implants d’interposition, qui sont libres dans l’articulation, n’ont pas ce souci d’ancrage. Peu volumineux, ils offrent de nouvelles perspectives d’arthroplastie peu invasive de la base du pouce, du poignet ou de la MCP des doigts longs. Leur stabilisation va dépendre des indications qui doivent être ciblées et surtout de la technique d’implantation qui doit être rigoureuse et très précise. Ces implants ne coupent pas les ponts en cas d’un éventuel échec pour une reprise par une technique traditionnelle.
Plusieurs implants d’interposition en pyrocarbone atteignent maintenant des reculs à moyen ou long terme. Ils montrent une parfaite tolérance osseuse et fonctionnelle avec un délai de récupération raccourci par rapport à certaines solutions alternatives classiques. Au recul moyen de 10 ans, l’implant Pi2 mis en place dans une cavité de trapézectomie pour rhizarthrose, n’a fait l’objet d’aucune reprise chirurgicale dans notre série de 42 cas. L’implant APSI, qui remplace le pôle proximal du scaphoïde, a permis dans notre série de 33 cas revus en moyenne à 10 ans de recul, de retarder voire de stabiliser une arthrose radio et médiocarpienne tout en conservant un poignet mobile et fonctionnel.
Une fois acquis, dans des délais relativement court, le résultat ne semble pas se dégrader à moyen et long terme et tend même, sur certains critères fonctionnels, à continuer de s’améliorer avec le temps. C’est ce que nous avons constaté au recul minimal de 5 ans avec l’implant Pyrocardan (43 cas) pour le traitement de l’arthrose trapézométacarpienne et avec l’implant Amandys (38 cas) pour le traitement des destructions avancées du poignet d’origine traumatique, dégénérative ou rhumatismale. Dans ces 2 types d’arthroplastie, le taux de reprise chirurgicale et le taux de survie des implants sont meilleurs que ceux des arthroplasties classiques par prothèse totale.
Les résultats favorables des interpositions en pyrocarbone ont permis d’élargir les indications de certaines arthroplasties à des patients jeunes et actifs pour lesquels toutes prothèses étaient classiquement proscrites.
Des études expérimentales approfondies sur le comportement osseux et articulaire en regard des implants ainsi que sur les caractéristiques biochimiques et histologiques de l’état de surface sont indispensables à une meilleure compréhension de la biomécanique de ces implants.
Des études comparatives à long terme avec d’autres types d’arthroplastie ou de solutions alternatives permettront de définir la place réelle des implants en pyrocarbone dans l’arsenal thérapeutique. Leur bénéfice, leur risque ainsi que leur coût devant être pris en considération.

Commentaire : Guy RAIMBEAU (Angers)

 

Résection des 3 os de la première rangée du carpe : Résultats avec un recul minimal de 15 ans

SCHERNBERG F

Résumé
INTRODUCTION Dans les années1975, constatant le bon résultat d’une carpectomie réalisée en 1966 par un confère, nous avons progressivement privilégié cette intervention. En 1981, nous avons rapporté nos premiers résultats, certes encourageants mais avec un faible recul. Aujourd’hui avec notre expérience de plus de 35 ans, nous ne rapportons que les cas ayant un recul minimal de 15 ans.
MATERIEL Il s’agit d’une étude rétrospective comportant 44 patients, 36 hommes dont la moitié sont des travailleurs de force et 8 femmes. Un seul cas, le premier de la série, correspond à un traumatisme complexe du carpe. Dans les autres cas il s’agit de formes évoluées de : Maladie de Kienböck :10 cas. Traumatismes articulaires : subluxations et luxations invétérées : 14 cas. Pseudarthrose du scaphoïde (échec de greffe) : 1 cas. Implants de silicone du scaphoïde mal tolérés : 4 cas. Maladie de Preisser : 1 cas. Polyarthrite rhumatoïde : 2 cas. Et Cal vicieux du radius : 1 cas.
METHODES La voie d’abord : il s’agit essentiellement d’une voie postérieure chez 39 patients contre 5 voies antérieures. La résection comporte l’exérèse complète de 3 os, sans brochage temporaire ni interposition capsulaire. Le poignet est immobilisé pendant 1 mois. L’évaluation a été clinique (douleur et amplitudes articulaires) et radiographique.
RESULTATS L’analyse des résultats réalisée selon le système d’évaluation de Cooney permet de noter : 1 résultat classé très bon, 4 résultats classés bons, 28 ont un résultat assez bon et 11 ayant un mauvais résultat soient 25 % (11/44) de mauvais résultats.
Il faut rappeler que le système d’évaluation des résultats selon Cooney concerne l’analyse de lésions traumatiques sans antécédents. Or dans cette série il s’agit de poignets douloureux chroniques dont l’amélioration de l’état initial, même modeste, est largement appréciée par les patients. Ainsi dans le groupe des 11 mauvais résultats seuls 5 patients seront re opérés par arthrodèse radiocarpienne. Les 6 autres patients sont satisfaits car améliorés par rapport à leur situation initiale.
Ainsi on peut conclure qu’en fait 39 patients sont satisfaits soient 89 % et seuls 5 patients qui ne sont pas satisfaits soient 11 %.
DISCUSSION Cette série nous confirme l’efficacité au long court de cette technique mais aussi ses limites que nous avons progressivement pu constater dans note expérience. Il s’agit avant tout de la dégradation (au-delà de 10 ans) des bons résultats précoces pour la maladie de Kienböck. Il en est de même pour la polyarthrite rhumatoïde.
Les résultats pour les fractures de l’extrémité inférieure du radius, qu’il s’agisse de fractures articulaires ou de fractures extra articulaires associées à des lésions ligamentaires complexes, sont aussi très décevants.
Nous avions au début tendance à privilégier la carpectomie pour les lésions avec peu ou pas d’arthrose. En fait, progressivement, nous avons pu constater que l’existence d’arthrose ne constituait nullement une contre-indication à la résection. Nos résultats à distance sont formels ; les cas avec une arthrose importante évoluent favorablement au très long cours.
Parmi les autres techniques palliatives permettant de conserver la mobilité, l’arthrodèse intra carpienne est, au vu de la littérature, malgré la plus grande difficulté de réalisation et la nécessité d’une immobilisation plus longue, une bonne alternative. Plus récemment plusieurs études comparant les deux techniques soulignent une très légère supériorité de la carpectomie.
Actuellement, on peut noter un réel intérêt de cette technique dans la littérature ; outre l’introduction de la technique sous arthroscopie, divers travaux fondamentaux rapportent les études de biomécanique de cette néo articulation.
CONCLUSION  Notre étude confirme la bonne tolérance de la résection des 3 os du carpe au très long cours dont l’intérêt majeur, outre sa simplicité est, du fait de la résection, d’apporter une composante d’arthrolyse décompressive favorisant la conservation d’un bon secteur de mobilité.
Cette technique dont l’accueil a été très réservé initialement trouve ainsi, à juste titre, désormais sa place dans l’arsenal thérapeutique du poignet.

Commentaire : Dominique LE NEN (Brest)

 

Evolutions dans la prise en charge des pseudarthroses du scaphoïde carpien

JAGER T

Résumé
Les fractures du scaphoïde carpien sont très fréquentes en traumatologie (incidence 12 /100 000 hab /an) et affectent des jeunes hommes dans 80% des cas. En dépit des progrès dans leur détection et leur prise en charge initiale, elles aboutissent à une pseudarthrose dans environ 10% des fractures non déplacées traitées orthopédiquement. Les spécificités du type trait de fracture, de la vascularisation du scaphoïde, la méconnaissance de la lésion ou un suivi incomplet en sont le plus souvent la cause. L’ostéosynthèse primaire de ces fractures entre progressivement dans la pratique courante (multiplication par 3 des indications avec 18 / 1 000 000hab/an en Finlande), mais cette attitude invasive augmente les risques iatrogènes, et va compliquer le traitement en cas d’absence de consolidation, du fait du matériel implanté et de la lyse osseuse attenante. Les études biomécaniques ont affiné la compréhension des mécanismes de déformation du scaphoïde puis du poignet, observés depuis longtemps en pratique quotidienne. L’arthrose post-traumatique ou SNAC-Wrist (Scaphoid Non-union Advanced Collapse), qui en découle, reste un problème, avec des solutions thérapeutiques palliatives qui ne peuvent pas être qualifiées de satisfaisantes, notamment chez les patients actifs.
Les examens complémentaires nous permettent actuellement de préciser les facteurs mécaniques, comme la fragmentation osseuse, l’importance de la perte de substance, l’ampleur de la déformation, tout comme certains éléments biologiques (vascularisation et état cartilagineux, inflammation). Il nous est donc possible d’avoir un état des lieux assez précis de l’état du scaphoïde et du poignet afin de retenir la meilleure indication chirurgicale pour le patient.
Aux greffes ouvertes classiques se sont ajoutées au fil des années, des procédures supplémentaires, qui permettent d’obtenir des taux de consolidation de 80% environ toutes techniques confondues. Certaines visent à limiter l’agression tissulaire et vasculaire par l’arthroscopie, d’autres tentent de restaurer la vascularisation avec les lambeaux osseux pédiculés en cas d’ostéonécrose, ou de remplacer le cartilage du pôle proximal en cas de destruction prononcée. Enfin, au stade de pseudarthrose compliquée d’une arthrose débutante, des implants partiels disposant désormais d’un recul convenable, permettent de préserver les mobilités et la fonction pour plusieurs années.
Il en résulte un éventail de techniques possibles, dans lequel qu’il faudra sélectionner le traitement le plus adapté à la situation anatomique et au patient, ce qui aboutit à un arbre diagnostic que nous vous présenterons.
Il ne faut pas laisser évoluer une pseudarthrose du scaphoïde même lorsqu’elle est asymptomatique, car c’est prendre le risque de provoquer une dégradation progressive et inéluctable du poignet conduisant alors aux interventions palliatives, qui altèrent force et amplitudes de manière conséquente.

Commentaire : Christophe MATHOULIN (Paris)