Marcantonio Contarini[605], un homme très célèbre dans le monde entier à cause de son exceptionnelle connaissance de la philosophie et des langues, et à cause des nombreuses missions qu’il a exécutées avec succès ; aujourd'hui, en tant que préteur de la ville de Padoue, il met tous ses soins à nous procurer une grande quantité de corps pour les exercices d'anatomie, étant lui-même un spectateur très studieux et très attentif de la fabrique du corps humain, un nouveau Boëthus[606] ou Sergius[607] chez les Romains.Comment ouvrir le crâne en vue de l'anatomie du cerveau. Donc, quelle que soit la tête qui vous échoie, il faut toujours scier l'os pour le séparer en deux partiesa:a comme la fig. 7 du chap. 6 du livre I à partir de la fig. 6 du même chap. et comme a été préparée la fig. 1 de ce livre-ci. faites d'abord une incision autour de la tête avec un rasoir ou un scalpel en coupant dans la peau jusqu’à l’os ; le mieux sera de commencer à une distance d’un pouce au-dessus des sourcils, de continuer par les tempes vers la partie la plus proéminente et la plus postérieure de l’occiput, et de revenir vers le front par les [autres] tempes[608]. Lorsque cette ligne sera tracée, prenez une plus petite scie, comme celle que nous utilisons habituellement pour amputer les membres gangrénés, ou comme celle dont se servent les fabricants de peignes d’ivoire, et séparez le crâne selon cette ligne, en prenant grand soin que la scie ne pénètre pas plus loin que l’os[609]. Dans ce travail, il sera utile que les cheveux de la tête n’aient pas encore été rasés ni les oreilles coupées, vous pourrez alors plus facilement maintenir la tête d'une main, ou avec les deux mains d’un assistant, afin qu’elle reste en place sous la scie. Lorsque vous aurez séparé le crâne par cette incision circulaire, passez la pointe émoussée d’un scalpel[610] le long de cette incision, et examinez s’il reste quelque partie de l’os qui doive encore être séparé, afin de la scier également. Ensuite, afin de ne pas terminer l’incision plus haut ou plus bas que son début, du moins si vous croyez ne pas y réussir sans aide (bien que ce soit extrêmement facile à faire), rien ne s'opposera à ce que vous entouriez le crâne nu d’une cordelette mouillée d'une couleur quelconque, en la pressant fortement, comme le font ceux qui débitent à la scie les troncs d'arbres en planches, de telle sorte que cette cordelette teigne le crâne d'une ligne circulaire colorée, qui guidera la scie. Et cette cordelette doit être mise autour de l’os, après que vous aurez fait l'incision circulaire de la peau. Cette dernière seule ne vous guiderait pas suffisamment : en effet pendant que la tête est solidement maintenue, les bords [berges] s’écartent de part et d'autre de l'endroit où la peau a été incisée. Après avoir séparé le crâne de cette manière, si vous avez détaché la tête de la nuque et de la mandibule[611], posez-la sur sa base sur une table, en plaçant de chaque côté une pierre ou quelque chose de semblable, si vous le jugez utile, afin qu’elle ne retombe pas latéralement. Mais si la tête est encore fixée au reste du corps dans cet état de la dissection, placez quelques pierres de taille ou un morceau de bois sous la nuque et sous l’occiput de telle sorte que la tête se présente à vous dressée, tournée vers l’avant et vers le haut, comme si elle reposait sur sa base[612]. Placez d'abord sur le front le dos d’une solide lame, transversalement dans l’incision faite autour du crâne, et par de menus déplacements vers le haut et le bas, élargissez l’incision à un endroit. Faites la même chose sur l’occiput et sur les tempes, jusqu'à ce que vous jugiez que le crâne est détaché de la dure-membrane [dure-mère] du cerveau [encéphale] ; saisissez alors les cheveux au vertex avec votre main et tirez, l'os suivra[613].Examen de la peau, de la graisse et de la membrane charnue, et enfin de l'enveloppe du crâne et de la membrane placée par-dessous elle. Quand l'os aura été détaché, vous pourrez facilement enlever, uniquement avec vos mains, la peau avec la graisse et la membrane charnue (que vous aurez cependant détachée ici et là), et examiner ensuite, avec la pointe du scalpel, ce que les Grecs nomment pericranion et periosteon, et les petites veinesbb F,F, fig. 1. qui s’avancent dans le crâne depuis la peau du vertex vers la dure-membrane du cerveau, ou qui partent de la dure-membrane vers la peau.Comment examiner la cavité de la dure-membrane du cerveau ? Perforez alors la dure-membrane du cerveau en un endroit quelconque avec un scapel et après avoir introduit dans le trou un roseau, une fistule ou un siphon comme celui que nous utilisons pour évacuer l’urine[614], comprimez avec les doigts les berges de l’incision autour de cet objet, et soufflez dans le siphon, vous saurez alors de combien la dure-membrane est plus ample que la masse du cerveau lui-même[615]. Il suffira de faire un trou de ce genre sur un seul côté seulement, car la quantité d'air insufflée en n’importe quel endroit suffit à distendre et à gonfler la dure-membrane du cerveau. Mais si par accident, vous avez coupé la dure-membrane à un endroit pendant que vous sciiez le crâne, il vous faut également comprimer cette incision, pendant que la membrane se gonfle, pour empêcher l’air de sortir. Ensuite, après avoir incisé cette membranec,c vous préparerez la fig. 2 d'après la première. introduisez la pointe du scalpel dans le troisième sinus de la dure-membrane [sinus sagittal supérieur], qui s’étend sur la partie la plus élevée de cette membrane, sur toute la longueur de la tête, et coupez-le en faisant une incision aussi grande que possible sur toute sa longueur, de l’occiput au front ou du front à l’occiput. Et si ce sinus vous apparaît plein de sang, parce que l’homme sera mort par pendaison[616] ou par tout supplice autre que la décapitation, il conviendra de l’essuyer, de le distendre puis d'examiner sa forme ainsi que les orifices des très nombreuses branchesdd C,C et D,D, fig.2. [des vaisseaux] qui partent de chaque côté de ce sinus et de sa partie inférieure.Comment mettre la fine membrane à découvert. Ensuite, pour découvrir le cerveau libéré de la dure-membrane, perforez cette dernière près de l’os frontal sur les côtés de ce troisième sinus, et ensuite, après avoir introduit un stylet[617] dans l'ouverture, faites avec un scalpel une incision continue le long de ce stylet jusqu’à l’os occipital, de chaque côté de de ce sinus. Lorsque cette incision a été faite de chaque côté du sinus [sinus sagittal supérieur], perforez à nouveau la dure-membrane avec la pointe d’un scalpel à proximité de chaque oreille, à l’endroit où elle est en contact avec l’os, et de là, faites à nouveau un trait rectiligne, vers l’avant, ou en longeant la longueur de la tête, en coupant l’incision précédente. Enfin, soulevez avec vos ongles les quatre angles adjacents formés par ces incisions au sommet de la tête, et retournez-les vers le bas, en les détachant du cerveau, après avoir examiné comment les branches s’étendent dans la fine membrane du cerveau, en provenance des côtés du troisième sinus de la dure-membrane [sinus sagittal supérieur] et des vaisseauxee G,G, fig. 2. avec lesquels elles s'entrelacent dans les côtés de la dure-membrane. Ensuite, écartez légèrement l'hémisphère cérébral droit du gauche à l’aide des mains, en soulevant le plus possible le septumff D,D entre A,A et B,B, fig. 3. [faux du cerveau], qui est saillant à partir de la dure-membrane entre les deux hémisphères cérébraux, et les ramifications [veines] qui se diffusent de chaque côté du troisième sinus de la dure-membrane [sinus sagittal supérieur] dans la fine membrane, afin d'examiner comment ces organes soutiennent le cerveau chez les vivants.