Tables anatomiques
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Au très éminent et très illustre Maître et Seigneur le Dr. Narcissus Parthenopeus, premier médecin de sa Majesté Impériale, à son Maître et Patron, André Wésale de Bruxelles adresse le salut[1].

Il n’y a pas si longtemps, très savant Narcisse, alors que, choisi à Padoue pour faire le cours de médecine chirurgicale, je dissertais sur le traitement de l’inflammation, en vue d’expliquer l’opinion du divin Hippocrate et de Galien sur la révulsion et la dérivation, j’ai, sur le champ, fait un tracé des veines sur une feuille, pensant de la sorte pouvoir démontrer plus facilement ce qu’Hippocrate entendait par l’expression kat’ixin. Et de fait, vous savez combien de dissensions et de controverses ce terme a suscité, à notre époque, même parmi les érudits, concernant la saignée : les uns affirment qu’Hippocrate a désigné l’unité et la connexion directe des fibres <avec la partie atteinte>, les autres <affirment> je ne sais quoi encore. En vérité ce dessin des veines plut tellement aux professeurs de médecine et à tous les étudiants qu’ils me demandèrent avec insistance un schéma des artères et aussi des nerfs. Puisque la direction <des séances> de dissection relevait de ma fonction, je ne pouvais les décevoir, surtout parce que je savais que les croquis de ce genre ne seraient pas d’un médiocre intérêt pour ceux qui assisteraient à mes dissections. D’ailleurs, s’il est vrai, comme je le crois, qu’il n’est pas seulement difficile, mais encore totalement vain et impossible de vouloir parvenir à la connaissance des parties du corps ou à celle de l’usage des simples à partir des seules images ou formules, personne ne niera qu’elles sont d’une extrême utilité pour fixer les choses dans la mémoire. Pour le reste, comme beaucoup se sont vainement efforcés de les copier, je les ai fait imprimer ; en outre, à ces planches, nous en avons adjoint d’autres où Jean-Etienne [Van Calcar], un éminent artiste de notre temps, a représenté très fidèlement, vu de trois côtés, mon skeleton récemment préparé pour le bénéfice de mes élèves. Elles sont assurément de grande utilité pour ceux qui jugent qu’il n’est pas seulement digne et beau, mais aussi utile et même essentiel de contempler l’habileté et l’adresse du Grand Architecte et d’examiner <l’intérieur de> cette demeure de l’âme (comme dit Platon). De plus, nous avons attribué à chacune des parties son nom, quoique dans le manque de loisir actuel, ceci n’ait pas pu être achevé, en conformité parfaite avec notre intention, et nous n’avons pas du tout rejeté les termes étrangers que, dans la plupart des livres, les plus avertis ont fréquemment l’habitude de retenir. Quant à ce qui concerne l’exactitude du contenu, croyez qu’il n’a été introduit ici aucun point qui -mes élèves padouans l’attesteront- n’ait fait l’objet d’une démonstration au cours de cette année ; je ne parle pas, cependant, de mes professeurs parisiens, de loin les plus savants, ni des médecins de Louvain, devant qui j’ai fait des séances d’Anatomie plus d’une fois. En outre, afin que notre nouvel effort, bien recommandé par le patronage de quelqu’un, vienne au jour sous de bons auspices et s’expose avec davantage de sécurité à la duplicité aléatoire des opinions, j’ai cru bon de le dédier à la célébrité de votre nom : en partie parce que, en plus d’une maîtrise incomparable de diverses langues, vous avez acquis une extraordinaire et singulière connaissance de l’Anatomie, ainsi que de la médecine et de la philosophie, au point que c’est à juste titre que dans toutes les nations, tous les plus célèbres érudits vous reconnaissent comme le premier nom et le plus beau fleuron des hommes de lettres et des médecins les plus habiles ; en partie parce que, parmi les hommes les plus renommés, vous prévalez par votre prudence d’esprit, votre intégrité, votre extraordinaire bonté naturelle et votre affabilité, de sorte que Charles Quint, l’Invincible et toujours Auguste Empereur des Romains, juge le plus perspicace des dispositions intellectuelles, ne s’est pas borné à vous confier cette fonction essentielle de veiller sur sa santé, ou de le guérir au cas où il la perdrait, mais en outre, il vous a établi, encore dans la fleur de l’âge, comme le censeur le plus fiable de tous les médecins et pharmaciens du Royaume d’Espagne et de Naples, et en vous comblant d’honneurs et de dons, il vous a assuré la plus large célébrité parmi les hommes éminents. Acceptez donc, très honoré Seigneur, cet insignifiant présent de papier avec cette courtoisie avec laquelle vous m’avez reçu un jour, quand vous avez déclaré vous-même, avec maintes marques de bienveillance, que vous étiez particulièrement bien disposé envers moi. Si je sens que ce travail est bien accueilli de vous et des étudiants, j’y apporterai un jour un développement plus ample.
Adieu.
Padoue, le premier avril, en l’an de Grâce M.D.XXXVIII.

×La traduction de la dédicace a été publiée par Antoine Drizenko, « Apostille aux Tabulæ Anatomicæ sex de Vésale », Histoire des sciences médicales, 2012, t. XLVI (4), p. 415-424 [415-416].