Lettre sur la racine de Chine
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à qui la lettre avait été montrée, étaient de cet avis, je ne tergiversai pas pour demander à De Schepper de me faire une copie du travail de mon frère, afin de l’envoyer très rapidement à Johan Oporinus, un homme extrêmement soigneux et remarquablement savant, un professeur de littérature grecque qui était devenu imprimeur : ceci pour prévenir une impression grossière, à cause de la négligence d’un quelconque imprimeur, peu soigneux et poussé par la cupidité. Il ne m’échappe pas, en effet, combien grande est l’affection d’Oporinus pour mon frère, et avec quel soin sortent de ses presses les ouvrages écrits par ce dernier : Oporinus tira des Livres de la Fabrique du corps humain ainsi que de leur Epitome autant de prestige que notre famille, les Vésale. Ah, quel regret que cet Epitome ait été si vilainement abîmé ensuite par un certain Anglais (qui a cependant vécu quelque temps avec mon frère, je crois)[4]. Ce qui avait été talentueusement écrit dans l’Epitome de manière succincte et comme une nomenclature, il l’a développé avec des extraits empruntés aux livres dont cet Epitome était le résumé ; il a complètement gâté ce qui lui donnait tout son prix, et il a reproduit de manière si grossière et si ridicule ce qui avait été dessiné et gravé avec élégance qu’aucun trait de la monumentale édition d’Oporinus n’a été sauvegardé. À tel point qu’à mon avis, c’est à juste titre que l’auteur [i.e. André Vésale] souffre de ce que son nom n’ait pas été retiré de cette édition anglaise pleine d’insanités, et qui pourrait faire croire qu’il a été à l’origine de ces images si mal dessinées et gâtées dans presque toute la série des nerfs et des vaisseaux. Il est étonnant, vraiment, que ce plagiaire, à l’affût des efforts d’autrui et travaillé par une si grande démangeaison d’écrire, n’ait pas lu la lettre qui précède les Livres de la Fabrique du corps humain : car mon frère y écrit qu’il préférera communiquer les tables préparées à ses dépens seulement à un imprimeur soigneux, plutôt que de les voir mal reproduites et contraintes dans un format trop petit (qui

×L'auteur de la lettre confond Iohan Caius (1510-1573) qui vécut quelques mois à Padoue avec André Vésale, et Thomas Geminus, accusé d'avoir plagié l'Epitome dans l'ouvrage publié à Londres en 1545, Compendiosa totius anatomes delineatio. Cf. J. Vons, S. Velut, A. Vésale, Résumé de ses livres sur la Fabrique du corps humain, Paris, Les Belles Lettres, 2008, p. LXXX-LXXXI et XC. Sur I. Caius, cf. C.  D. O’Malley, « The relations of John Caius with Andreas Vesalius and some incidental remarks on the Giunta Galen and on Thomas Geminus », Journal of the History of Medicine and Allied Sciences, 1955, 10, p. 147-172.