Lettre sur la racine de Chine
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se développent à grands pas ; nous savons assurément combien la famille des Médicis[6] (pour laquelle vous auriez risqué d'être le seul espoir de survie, si vous n’aviez pas procréé des enfants si instruits, si nobles et si estimés par le monde, qui sont les héritiers de vos vertus) a toujours dirigé toutes ses forces en vue d’attirer de partout des disciples particulièrement éminents et de les traiter avec la plus grande générosité, sans se soucier alors de savoir s’ils étaient nés en-dehors de l’Italie ni s’ils étaient considérés comme Barbares par les autres princes d’Italie. Combien vous vous efforcez de surpasser vos aïeux dans ce genre de qualité est prouvé par cette ancienne Académie de Pise, dont vous voulez restaurer l’antique éclat avec un si grand zèle et une telle générosité, où vous ne négligez rien pour faire venir ceux dont vous ne doutez pas qu’ils soient les coryphées de leur discipline : aussi n’est-il pas du tout surprenant qu’en si peu d’années, cette académie ait amorcé de si grands progrès pour le prestige de toutes les études et qu’elle soit la plus brillante des universités en Italie. Cependant, parfois, il pourrait se trouver des gens pour calomnier auprès de tout un chacun l’inclémence du climat de Pise[7], dans ce site très beau, et largement pourvu de toutes commodités, alors que c’est grâce à vous, même si cela n'avait presque pas été nécessaire, que d’excellentes mesures ont été prises pour aménager les canaux qui amènent l’eau[8], la seule chose critiquable [auparavant], et que rien n’a été négligé pour établir ici un séjour agréable pour les Muses ainsi qu'un marché[9]. Vous y étiez également exhorté de manière pressante par Monseigneur Francisco Campana[10], premier secrétaire de Votre Altesse, un homme très distingué par ses nombreuses connaissances et qualités, et non moins empressé à vous louer que Monseigneur Ioannes Baptista Recasulanus[11], évêque de Cortone ; ce dernier, pour différentes raisons, mais surtout à cause de son incroyable humanité et sa promptitude dans le traitement des affaires, a laissé un grand regret à la cour de l’Empereur,

×La traduction anglaise de D. H. Garrison est ici un contre sens (confusion entre medicum et medicorum probablement) in Vesalius : The China Root Epistle, Cambridge, University Press, 2015, p. 8.
×Le climat y est très humide.
×Il ne s’agit pas ici de l’aqueduc antique, mais du canal dit Fosse Ripafratta dérivé du Serchio et amenant l’eau jusqu’aux bains de S. Giuliano ; ce canal creusé sous Laurent de Médicis fut perfectionné par le grand-duc Côme Ier. Il se jette dans l’Arno derrière la ville.
×Les trois piliers du développement d'une cité au début des temps modernes : les arts, le commerce et l'université. La fondation de l'université de Pise date de la fin du XIIe siècle. En novembre 1543, Côme Ier invita Vésale à venir y montrer l'anatomie du corps humain. Les démonsrations commencèrent en janvier 1544, mais malgré le succès rencontré, Vésale dut rejoindre son service auprès de l'empereur. En 1545, l'université de Pise installa Realdo Colombo dans la chaire d'anatomie, mais avec des appointements inférieurs à ceux proposés à Vésale. Sur cet épisode, cf. C.D. O’ Malley, Andreas Vesalius of Brussels, 1514-1564, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, 1964, p. 199-203, avec de larges extraits traduits de la Lettre de la racine de Chine comprenant le récit fait par Vésale de son expérience à Pise.
×Francesco Campana (c. 1491-1546), humaniste, secrétaire de la République sous Côme Ier, curateur de l'université de Pise, ambassadeur auprès de Charles Quint, était l'auteur d'une Quaestio Virgiliana publiée à Milan en 1540, plusieurs fois rééditée au cours du XVIe siècle.
×Il s'agit de Giovan Battista Ricasoli (1504-1572), appartenant à une grande famille de Florence, partisan des Médicis, évêque de Cortone de 1538 à 1560, conseiller de Côme Ier qui lui confia plusieurs missions diplomatiques auprès de Charles Quint, et le nomma ambassadeur résident en France après la mort de François Ier et l'avènement d'Henri II et de Catherine de Médicis. Il était membre de l'Académie de Florence, familier de Giorgio Vasari (cf. A. Périfano, L'Alchimie à la cour de Côme Ier de Médicis. Études et Essais de la Renaissance, Paris, Champion, 1997).