Lettre sur la racine de Chine
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lorsqu'il cessa d'être le très éloquent ambassadeur de Votre Altesse. Aussi, la postérité jugera que vous avez été donné au monde pour confirmer et divinement restaurer les connaissances, comme tout le monde a immédiatement commencé à l'augurer, après que votre père Jean[12], de tous les chefs de guerre de notre histoire le plus digne d'éloges (chose qu'il attribuait en grande part au destin[13]), s'avisa de vous ôter du sein de votre nourrice, alors que vous étiez encore un enfant, et vous fit jeter d'une fenêtre plus élevée que n'importe qui pourrait aisément le croire (bien que ce ne soit pas un fait établi pour tous en Italie), tête la première[14] ; ceci afin de pouvoir conjecturer que vous seriez son fils, le fils qu'il espérait, puisque vous avez été reçu dans son giron et dans son manteau sans mal, et que vous n'êtes pas tombé sur le sol, pour ainsi dire démembré ; certes, cela pouvait signifier des succès militaires, mais qu'on attendait nécessairement très grands d'après votre tempérament. En outre, je pense que mon frère sera très heureux que son travail affronte les aléas des jugements en étant protégé par votre autorité, et son argument pour cela est tel qu'à mon avis, il ne sera pas rejeté par votre génie si parfaitement accommodé à toute chose : en effet, outre l’usage de nouveaux remèdes, et en particulier, le mode d’administration d’une décoction de racine de Chine (je constate qu'elle est donnée aux plus fervents zélateurs de votre gloire) et d'autres remèdes plaisants à connaître, qui sont contenus dans cette lettre, il a également donné des explications grâce auxquelles quelqu’un qui vénère la vérité peut juger que Galien, de loin le premier des professeurs de médecine, n’a pas disséqué d'êtres humains, mais qu’il a décrit d’autres animaux, différant des hommes en maints endroits ; outre d'autres descriptions qui ne sont pas vraies, les fonctions et les offices n'ont pas toujours été attribués correctement et de très nombreux arguments probants en anatomie ont été donnés sans être valides. On pourrait penser avec raison que mon frère a exposé toutes ces choses

×Jean de Médicis (1498-1526), dit Jean des Bandes noires, fut un célèbre condottiere ou chef de guerre. Il avait épousé en 1516 Maria Salviati, fille de Jacopo Salviati, ambassadeur à Rome.
×La phrase est elliptique : on célèbre des succès militaires et en même temps la modestie de leur auteur qui les attribue au destin.
×Il s'agit d'une tentative hasardeuse (et cruelle) pour conjecturer le destin heureux ou malheureux de l'enfant en fonction de l'issue de la chute. La syntaxe de ce passage est peu correcte, interrompue par de nombreuses parenthèses et digressions sans utilité pour la progression de l'anecdote. Le nom genius, désignant le « caractère naturel, individuel », caractéristique de son interprétation humaniste à la Renaissance, de Pico à Erasme, surprend dans ce contexte. On ignore la source de l'anecdote qui n'est pas rapportée par Baccio Baldini, archiâtre de Côme Ier, professeur de médecine à Pise, mort en 1585, auteur d'une Vita di Cosimo Medici, publiée à Florence en 1578. Elle est cependant répétée dans plusieurs monographies consacrées aux ducs de Florence dans les deux siècles suivants, qui se réfèrent toutes à la même source : cette lettre écrite par François Vésale. L'épisode a été dramatisé par A. Dumas, Souvenirs de voyage en Italie, dans Oeuvres, Bruxelles, 1842, tome V, p. 206.