Séance du mercredi 11 février 2015

NEUROCHIRURGIE : Actualité dans la prise en charge chirurgicale des tumeurs de la base du crâne
14h30-17h00, Les Cordeliers
Modérateurs : Emmanuel CUNY (Bordeaux) et Pierre-Hugues ROCHE (Marseille)

 

 

Introduction de la séance

 

Pathologies chirurgicales de la base du crâne. (Anatomie -clinique – aspects radiologiques - enjeux thérapeutiques)

ROCHE PH (Marseille)

Résumé
Les tumeurs de la base du crâne auxquelles le neurochirurgien est confronté constituent un groupe restreint et hétérogène de lésions qui se développent à partir des structures disposées sous l’encéphale. Ces éléments, nerfs périphériques, citernes arachnoïdiennes, méninges et os sont principalement à l’origine du développement des schwannomes, des kystes dermoides ou épidermoides et des méningiomes respectivement pour les 3 premiers tissus ; les chondrosarcomes et les chordomes sont exceptionnels et se développent à partir des structures ostéo-cartilagineuses. Ces lésions présentent en règle une évolution lente marquée par une croissance locale ou locorégionale, en dehors des chordomes, particulièrement invasifs. La clinique repose sur une atteinte des nerfs crâniens, et plus rarement par un syndrome de compression des voies longues, fonction de la localisation tumorale. Diagnostiquer et choisir la meilleure option thérapeutique est sous-tendu par une exploration radiologique exhaustive où IRM cérébrale et scanner osseux ont toute leur place. Le groupe des tumeurs hypophysaires dominé par les adénomes doit être rattaché à ce cadre, il se manifeste par des symptômes endocriniens et / ou ophtalmologiques. Nous développerons lors de cette séance les techniques de traitement chirurgical selon l’état de l’art et exposerons les indications et les limites de ces techniques. Nous montrerons comment ces techniques modernes et innovantes permettent le traitement de lésions critiques avec une morbi-mortalité réduite. Il conviendra néanmoins de souligner le rationnel de la simple surveillance ou traitement conservateur, souvent justifié lorsque ces tumeurs sont de petite taille, et asymptomatiques.

 

Des tumeurs de la base du crâne à l’ère de la radiochiurgie.

REGIS J (Marseille)

Résumé
Service de Neurochirurgie Fonctionnelle et Radiochirurgie CHU Timone Aix Marseille Univ.
Inventée en 1950 par un Neurochirurgien suédois, cette technique de neurochirurgie guidée par l’image n’a connu réellement son épanouissement que dans les années 80 avec l’introduction des moyens d’imagerie cérébrale modernes (CT & IRM). Le Gamma Knife GK), outil de référence a été validé dans son efficacité et innocuité pour de nombreuses pathologies intracrâniennes. En particulier les lésions bénignes de petite taille situées au niveau de la base du crâne et faisant prendre des risques fonctionnels élevés en cas d’exérèse microchirurgicale même dans le meilleures mains, du fait de l’étroitesse des rapports avec des structure critiques fonctionnelles importantes (nerfs crâniens, tronc cérébral, ..), sont souvent de bonnes indications de la radiochirurgie. Ainsi dans les méningiomes enclos dans le sinus caverneux ou les méningiomes pétroclivaux la radiochirurgie Gamma Knife permet de réduire considérablement le risque vital et le risque de séquelles neurologiques tout en permettant d’obtenir un taux de contrôle sur le long terme équivalent a une exérèse radicale incluant dure-mère et os sous-jacent (rarement possible pour ce type de localisation). Il existe une pathologie où toute une série d’études comparatives ont démontré la supériorité de la radiochirurgie GK comparée à une exérèse microchirurgicale c’est le schwannome vestibulaire (SV) anciennement dénommé « neurinome de l’acoustique ». Toutes les études comparatives convergent pour démontrer une réduction majeure des complications en particulier motrices faciales et auditives avec un taux d’efficacité sur le long terme équivalent dans les SV de taille petite ou moyenne. Des études récentes montrent même l’effet « protecteur » de la radiochirurgie sur l’audition dans le cas particulier des SV intracanalaires et donc l’avantage de substituer à une attitude attentiste une radiochirurgie plus précoce. Enfin les SV volumineux ne sont plus une contre-indication à la radiochirurgie, plusieurs papiers démontrant de bon résultats chez des patients porteurs de SV de state IV de Koos avec effet de masse modeste sur le tronc. Les plus volumineux ne sont plus, pour nous, enlevés de façon radicale mais bénéficient d’une approche combinée avec un premier temps de résection délibérément partielle suivi d’une radiochirurgie du résidu. Cette attitude a permis une réduction majeure du risque de paralysie faciale postopératoire. Aujourd’hui en France plus de 80% des SV opérés dans le pays le sont par radiochirurgie GK et non plus à crâne ouvert !!
Le pronostic fonctionnel de ces patients s’en est trouvé transformé et le coût pour la société considérablement réduit. Dans d’autres pathologies la radiochirurgie n’a de sens que dans des situations de traitement de résidus postopératoires (ex : adénomes hypophysaires résiduels du sinus caverneux).
Conclusion : La radiochirurgie est devenue une approche majeure au sein de « l’armamentorium » neurochirurgical moderne ayant fait largement ses preuves pour de nombreuses pathologies de la base du crâne. Dans le « neurinome de l’acoustique » elle doit être considérée comme une méthode de référence. Il s’agit d’une approche nécessitant un fonctionnement collégial à la recherche au cas par cas de la meilleure stratégie, individuellement, pour chaque patient.

 

Etat de l’art dans la chirurgie endocrânienne de la base du crane : développement des techniques mini-invasives microchirurgicales et endoscopiques
State of the Art in Endocranial Skull Base Surgery: Development of Minimally Invasive Microsurgical and Endoscopic Techniques

BERHOUMA M, JACQUESSON T, JOUANNEAU E Unité multidisciplinaire de chirurgie de la base du crâne – Service de neurochirurgie B – Hôpital Pierre Wertheimer – Hospices Civils de Lyon (1, 2 et 3) UFR de médecine - Université Claude Bernard Lyon 1 (2 et 3) INSERM U1028 - CNRS UMR5292 - Neurosciences Research Center of Lyon - Neuro-oncology and Neuro-inflammation team – Lyon – France (3)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (2), 064-068

Résumé
Parallèlement au développement de la chirurgie endoscopique endonasale, la chirurgie endocrânienne de la base du crâne a connu des avancées majeures tant sur le plan technique que sur la philosophie de soin. En effet, les deux dernières décennies ont vu l’essor du concept de chirurgie mini-invasive grâce en grande partie à l’amélioration des technologies de visualisation et de navigation (caméras d’endoscopie haute définition, neuronavigation, imagerie peropératoire, monitoring electrophysiologique…). D’une chirurgie extensive et parfois délabrante à visée purement oncologique, la chirurgie de la base du crâne s’oriente actuellement vers des techniques visant à améliorer d’abord la qualité de vie des patients et ce par des accès chirurgicaux réduits au strict nécessaire sans pour autant sacrifier l’objectif oncologique premier. Par ailleurs, du fait des zones anatomiques complexes abordées, cette chirurgie constitue l’exemple type de la nécessité de multidisciplinarité dans les processus diagnostique et thérapeutique (ORL, maxillo-facial, ophtalmologiste, radiothérapeute, radiochirurgien, neuroradiologue, neurochirurgien…), ce qui a naturellement abouti à la mise en place de réunions de concertation pluridisciplinaire dédiées et à la mise en place progressive d’unités spécifiques multidisciplinaires dont l’objectif est l’optimisation du parcours de soin pour des pathologies souvent lourdes.
Dans un premier temps nous rappelons les techniques classiques de chirurgie de la base du crâne avant de décrire les évolutions récentes aboutissant in fine au paradigme mini-invasif, de même que les impératifs éducationnels qui en découlent.

Abstract
The last two decades have noted the emergence of the concept of mini-invasive skull base surgery, defined by a minimization of the surgical opening and tissue trauma while optimizing the oncological objective. Many factors have contributed to this paradigm shift including modern neuroimaging, high definition cameras, accurate neuronavigation and electrophysiologic peroperative monitoring just to cite a few of them. This paradigm shift is justified by the seek for an improvement in the patients’ quality of life. Elsewhere, the complexity of the skull base anatomy totally justifies the need for a multidisciplinarity in the diagnosis as well as the treatment processes (ENT, maxillofacial, neuroradiologist, radiotherapist, radiosurgeon, neurosurgeon…). Dedicated meetings gathering these specialists have been recently set up for the improvement of the patients’ carepath.
In a first part we will remind the classical techniques of skull base surgery before enlightening the recent paradigm shift toward mini-invasive techniques as well as the resulting educational requirements.

 

Voies d’abord endoscopiques (endonasales) de la région sellaire. Techniques- indications

DUFOUR H (Marseille)

Résumé
Depuis les années 1990, sous l'impulsion des travaux des équipes de Pittsburgh et de Naples, la chirurgie endoscopique hypophysaire connait un large essor dans la communauté neurochirurgicale. La technique chirurgicale est bien codifiée. En tant que nouvelle technique ayant fait son apparition dans des centres experts, s'est alors posé le problème de son apprentissage, car l'endoscopie était une technologie nouvelle pour les neurochirurgiens, comme ce fut le cas pour les ORL, les chirurgiens digestifs, les urologues et les gynécologues. La période de "learning curve" est terminée pour la plupart dentre nous. Son utilisation de plus en plus répandue soulève maintenant la question de l'évaluation de son efficacité-innocuité par rapport à la technique de référence, encore employée dans certains centres, sous microscope opératoire. Présentée à tort comme un technique "minimally invasive" réduisant la durée moyenne de séjour, elle apparait en fait comme une intervention avec ses complications et ses suites propres de même durée que sous microscope, avec en plus, une proportion majorée de complication rhinologiques qu'il faut savoir gérer. Le réel intérêt de cette technique réside dans une vision plus panoramique et de meilleure qualité, induisant un taux de résection accru pour les macroadénomes, donc un meilleur pronostic. L'autre intérêt est que cette technique ouvre un champ alors inexploré à d'autre pathologies que la base du crâne que les adénomes hypophysaires, au premier rang desquels on trouve les chordomes, les cranioparyngiomes, certaines tumeurs orbitaires ou du sinus caverneux.

 

Voies d’abord endoscopiques étendues et perspectives. Techniques- indications

FROELICH S (Paris)

Résumé
L’accès aux tumeurs profondes de la base du crâne, du fait de leur localisation sous le cerveau, qui ne peut tolérer aucun écartement prolongé, constitue un défi chirurgical. La base du crâne, de par sa complexité anatomique, peut être comparée à un champ de mines à travers lequel il faut se frayer un chemin afin d’accéder à la lésion. Aux difficultés d’abord, s’ajoutent les difficultés de l’exérèse de la lésion qui entretient souvent des rapports étroits avec les éléments vasculo-nerveux intra-duraux et les difficultés de fermeture du sac dural. Profiter des cavités nasales pour accéder à ces tumeurs selon une trajectoire ascendante est donc une évolution logique. L’utilisation de ce nouveau corridor s’est développée ces dernières années grâce à l’étude de l’anatomie selon cette nouvelle perspective endonasale, la collaboration avec les ORL, familiers de cet environnement et le développement d’endoscopes et d’une instrumentation dédiés. Comme toute nouvelle frontière, elle a été progressivement repoussée par l’utilisation de voies endoscopiques plus étendues pour atteindre des lésions plus profondes. C’est lorsque la technique est poussée à son maximum que se produisent les excès, nécessitant une réévaluation du rapport bénéfice-risque. Nous en sommes là aujourd’hui et l’avenir réside dans des stratégies combinants l’abord endonasale, les abords transcrâniens mininvasifs optimisés par l’endoscopie et les techniques modernes de radiothérapie, tout en profitant des avancées technologiques afin de réduire au maximum la morbidité chirurgicale. Il ne faut pas oublier dans ces évolutions, les données fournies par une meilleure compréhension de la biologie de ces tumeurs, qui nous permettront d’adapter l’agressivité du geste chirurgical à l’agressivité de la tumeur, voire de proposer d’autres alternatives thérapeutiques médicamenteuses.