Petit Livre sur les dents
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D'autres affirment le contraire à cause des nombreuses différences présentes entre les dents et les autres os. Même Aristote, en certains endroits,(2, 2) semble être du premier avis, mais non pas toujours : souvent il ne compte pas les dents parmi les os, mais parfois il les dit osseuses et parfois il écrit qu’elles s’approchent de la nature des os. Il est évident que Galien, venant après Hippocrate et Aristote, n’ignorait en rien que les dents diffèrent complètement des autres os par leur origine, leur croissance et leur sensibilité. Cependant, il me paraît logique de penser que souhaitant reprendre ceux qui professaient une autre opinion, il voulait aussi classer les dents parmi les os en vertu de leur substance ou de leur matière, qualités soumises au jugement des sens. Puis, il n’est pas facile d’expliquer pourquoi Hippocrate(2, 13) écrit qu’il n’y a rien de froid dans les dents. Car personne parmi ses disciples ne doute que leur nature est froide, que leur substance est constituée de terre si bien que, non seulement elles surpassent les autres os en dureté et en densité, mais même, égalent les pierres ou leur cèdent à peine(2, 18). Si elles cassent vraiment des os et résistent au tranchant du fer(2, 19), on croit, depuis Pline [30-79], qu’elles ne sont pas incinérées par le feu ou par la flamme aussi facilement que le reste du corps(2, 20). Mais comme la force et la dureté des dents n’est pas la même chez tous les animaux, les anciens Anatomistes ont été amenés à dire parfois que les animaux domestiques ont des dents molles et les animaux sauvages des dents dures. Par mou, ils entendent moins dur par comparaison. Pour cette raison, Galien(2, 26) aussi parfois atteste que les dents sont érodées à cause de leur mollesse et déclare qu’elles peuvent être endurcies et retrouver leur intégrité primitive à l’aide de médicaments. Je laisse aux philosophes la question de savoir si les dents devraient être exclues de la catégorie des os parce que, comme certains l'ont noté, elles sont capables de casser des os(2, 29), ou parce que, comme il plait à Hippocrate, elles sont plus dures que les autres os parce qu’elles n’ont rien de froid et sont plus grasses qu’eux(2, 31).

×(2, 2) « Aux mâchoires, les dents sont faites d’un os en partie creux, en partie solide et si résistant que, seul parmi les os, il méprise le tranchant d’une épée », Aristote, Historia animalium, Livre III, chap. 7.
- « Les dents sont conformes à la nature des os. C’est pourquoi chez les hommes noirs, comme les Ethiopiens et leurs semblables, les dents sont d’une blancheur éclatante comme les os ». Aristote, Historia animalium, Livre III, chap. 9.
- « Les dents sont de la même nature que les os ». Aristote, De generatione animalium, Livre II, chap. 3, près de la fin.
- « Les dents sont comptées parmi les os, chez les animaux qui ont des os ». Aristote, ibidem.
- Les dents sont créées à partir de l’aliment qui est fourni aux os, c’est pourquoi elles ont la même nature que les os. Aristote, ibidem.
×(2, 13) Hippocrate, De carnibus, p. 58, ligne 18.
×(2, 18) « La dent a une substance dure comme la pierre ». Galien, De compositione medicamentorum secundum locos, Livre V, chap. 8, De dentium affectionibus.
- Les dents sont plus dures que l’os. Celse, De medicina, Livre VIII, chap. 1.
×(2, 19) Voir plus haut annotation (2, 2) d’après Aristote, Historia animalium, Livre III, chap. 7.
×(2, 20) « Mais les dents qui sont seules à ne pas être vaincues par le feu et ne brûlent pas avec le reste du corps, ces mêmes dents résistantes aux flammes, sont cependant creusées par la pituite », Pline, Historia naturalis, Livre VII, 16.
×(2, 26) Il faut endurcir les dents érodées qui l’ont été du fait de leur faiblesse. Galien, De compositione medicamentorum secundum locos, Livre V, chap. 8, De dentium affectionibus.
×(2, 29) Nos dents ne sont pas des os, parce que tous les os peuvent se briser. Galien, De natura et ordine cujuslibet corporis.
×(2, 31) Hippocrate, De carnibus, p. 58, ligne 17.