Petit Livre sur les dents
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et les mônukha, solipèdes. De fait, la disposition des dents dans les mâchoires(10, 1) est telle que, même si elles sont diverses par leur forme, elles sortent toutes des gencives, nues, comme les petites clés d’une lyre, et, placées dans le même ordre, elles imitent un joli chœur de danseurs(10, 4). Quant aux poissons, ils n’ont qu’une seule forme de dents, mais sur plusieurs rangs(10, 5), et chez d’autres animaux tantôt varie la forme, tantôt la disposition. Mais toutes les dents sont droites(10, 7) et, si la nature n’a pas fait d’erreur, elles ne s’inclinent pas vers une autre partie. Cependant, l’expérience montre que cela arrive, quand la bouche est comme de travers(10, 9), ou que les dents elles-mêmes sont tordues, ou sortent d’un trou tortueux, ou que l’extrémité de l’une des mâchoires est plus longue que l’autre[4]. Cette loi d’une égale distribution des dents(10, 12) s’est maintenue de telle sorte que tous les êtres animés, correctement formés par la nature, ont des incisives en la partie antérieure, des canines proches de celles-ci, puis des dents maxillaires, de sorte que les incisives et les dents pointues sont placées dans la partie externe, les molaires dans la partie interne.

Les dents sont séparées par un espace conforme à leur fonction et à la beauté, ce que les Grecs nomment armon. En fait cet intervalle n’est pas toujours le même chez l’homme, plus long chez l’un, plus court chez l’autre(10, 17). Cependant les dents qui jouxtent les canines ne sont pas séparées par un intervalle long et très irrégulier, comme chez les singes. Il est vrai que, se basant sur un intervalle dentaire plus ou moins serré, quelques philosophes ont cru pouvoir y trouver l’indice d’une vie plus longue ou plus courte(10, 22). En tout cas, c’est de cette façon que les dents nues pendent hors des gencives.

Or leurs racines sortent de certains trous des mâchoires avec lesquels elles cadrent parfaitement et auxquels elles répondent au cordeau, de sorte qu’elles ressemblent à des clous fichés dans du bois. Ces trous mêmes sont appelés botria(10, 29) et tanière. Je sais avec certitude que Galien a traité abondamment ce sujet dans son Epitome d’après les écrits anatomiques de Marinus [130 ?]. Or les os creusés qui reçoivent les dents sont minces(10, 32)

×(10, 1) Les animaux qui sont solipèdes ont des dents aux deux mâchoires. En grec, on les nomme mônukha, contraction du vocable monônuka, parce qu’ils ont un seul ongle, ce que les Grecs expriment par monon onukha. Galien, ibidem.
- « Le menton, achevant le bas du visage ressemble à une lyre à laquelle on aurait adapté des clés que sont les dents ». Démocrite, Epistola ad Hippocratem, p. 687, ligne 42.
- « Les dents qui sont offertes à nos yeux sont exposées nues », Galien, De usu partium, Livre XVI, chap. 2.
- « On voit les dents nues et dépourvues de tout revêtement », Meletius, De natura hominis.
×(10, 4) « Chez des hommes et certaines bêtes sauvages, il y a une seule rangée de dents », Galien, De anatomia vivorum.
- « La race qui aurait deux rangées de dents n’est pas de notre monde, mais en Inde il y a une bête monstrueuse dénommée mantichore, qui a une triple rangée de dents », Aristote, Historia animalium, Livre II, chap. 1.
Et cependant, l’auteur de De anatomia vivorum écrit que les loups ont plusieurs rangées de dents, ce qui est absolument faux, mais on ne peut pas aussi facilement nier que, chez certains autres animaux, les dents ne soient pas disposées de façon variée.
- « Il faut louer la nature qui orna si joliment les dents selon une ronde de danseuses », Galien, De usu partium, Livre XI, chap. 8.
×(10, 5) Sur la nature des dents aiguës des poissons et sur leurs rangs multiples, voir ci-dessus chap. II, annotation (5, 14) d’après Aristote, Historia animalium, Livre II, chap. 13, et Galien, De anatomia vivorum.
×(10, 7) « À dent droite, racine droite, à dent courbe, racine tortueuse », Celse, De medicina, Livre VIII, chap. 1.
Cette remarque manque d’un examen sérieux.
×(10, 9) « Beaucoup de gens ont des dents de travers ». Voir plus bas, chap. XIII, note (39, 30), Galien, Hippocratis de morbis vulgaribus librum commentarii, Livre VI, com.1 tex. com. 3.
×(10, 12) « À la partie antérieure se dressent les dents appelées incisives, à côté d’elles, les canines suivies des maxillaires » et bien plus bas : « non seulement chez les hommes, mais aussi chez tous les autres animaux, les molaires se trouvent à l’intérieur, les incisives à l’extérieur », Galien, De usu partium, Livre XI, chap. 8.
×(10, 17) « Le cheval et le bœuf ont des dents qui se suivent continûment, » Aristote, Historia animalium, Livre II, chap. 1, près de la fin.
×(10, 22) « La plupart des hommes qui ont peu de dents ont une vie plus courte », Aristote, Problemata section X, 47.
×(10, 29) « Toutes les dents sont encloses dans les trous des mâchoires », et un peu plus bas : « botria sont les cavités où les dents se logent ». Galien, De ossibus, chap. 5.
Galien traite des dents et des gencives et aussi des trous dans lesquels sont implantées les dents, dans le second livre de l’Epitome des Anatomicæ contemplationis de Marinus, Livre, De libris propriis.
×(10, 32) « Que la nature ait aminci les prolongements des os des deux joues, pour quelle raison cet ouvrage du hasard ne serait-il pas aussi admirable ? », il ajoute entre parenthèses, que les minces prolongements phatnia, c’est-à-dire præsepiola, [petite crèche] sont nommés ainsi par analogie avec le præsepum, [mangeoire], utilisé par le petit bétail. « Car ces petites crèches encerclent les dents une à une, elles les entourent et les maintiennent si solidement que celles-ci ne sont pas facilement ébranlées ». Galien, De usu partium, Livre XI, chap. 8.
×Dans un raccourci remarquable, Eustache reconnaît d’emblée les trois classes fondamentales des dysmorphoses dento-faciales : anomalies dentaires, alvéolaires et maxillaires.