Petit Livre sur les dents
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et évoluent lentement. Ils encerclent les dents, une par une, les maintenant de partout et les retiennent si fortement qu’on ne les arrache pas facilement. Ces os sont appelés par certains phatnia ou phatnomata,(11, 4) præsepiola, c’est-à-dire petites stalles, car ils ressemblent aux stalles qu’on fabrique à l’usage des troupeaux, bien qu’il ne manque pas de gens pour penser qu’il faut appeler phatnia non les os, mais les cavités qui reçoivent les dents. Pour moi, il me convient, après avoir comparé précisément les mots, que chacun nomme ces parties à sa guise, du moment qu’il veille à ne pas achopper sur l'objet même. Ainsi d’autres les appellent non seulement petites mangeoires, petits enclos, mais petites auges à mortier, freins, alvéoles, logettes et trous(11, 11).[5]Du reste, les racines de chaque dent sont fixées à leurs propres cavités, que j’ai dit leur correspondre entièrement par leur forme et leur taille(11, 13), et fixées de telle sorte qu’elles ne peuvent être ébranlées un tant soit peu. Le nerf adjoint à chacune, comme le pense Galien(11, 16), contribue à sa stabilité. En outre, des attaches [ligaments](11, 18) très solides, adhérant principalement aux racines, les lient très étroitement aux petites stalles(11, 20). L’assemblage de la bouche, créé par les gencives(11, 21), enserre étroitement les dents dès qu’elles sortent de leurs logettes de sorte que les gencives aussi semblent aider à la fermeté des dents, par la stricte adhérence de l’assemblage(11, 22). Les gencives sont de la chair ou des morceaux de chair(11, 24) qui enserrent les dents de toute part et n’ont pas de tissu glanduleux, à proprement parler, comme l’écrit Averroès [1126-1198]. Leur jonction avec les dents, nommée bride par Rufus [98 ?-117 ?](11, 28), ressemble à l’assemblage des ongles(11, 29). En effet, les gencives sont jointes aux dents comme la peau adhère au bout des ongles. Savoir si cette chair des gencives est aussi appelée oulon apo tou eilein, qui signifie manteau enveloppant(11, 30), si, comme nous l’avons dit, elle enveloppe les dents

×(11, 4) « Phatnia sont les os qui contiennent les dents », Galien, De ossibus, chap. 5.
On lira l’origine du mot phatnomata chez Meletius, De natura hominis.
×(11, 11) « Mortariola et præsepia sont les cavités des maxillaires dans lesquelles les dents  sont plantées ». Rufus d’Ephèse, De corporis humani partium appellationibus, Livre I, chap. 8, et secondement, Livre I et chap. 8.
- « Les alvéoles des dents sont des freins », Aretaeus, De causis et signis acutorum morborum, Livre I, chap. 9.
- « On appelle præsepiola, alvéoles », Galien, De ossibus, dans le préambule.
- « Des écrins enserrant les dents », Galien, De compositione medicamentorum secundum locos, Livre V, chap. 8, De dentium affectionibus.
- « Les dents sont implantées dans des cavités dans la gencive », Galien, De anatomia vivorum.
×(11, 13) « La nature a fait des lieux adaptés aux racines des dents », voir plus bas, chap. XIII, annotation (39, 11), Galien, De usu partium, Livre XI, chap. 8.
×(11, 16) « Lorsque le nerf des dents se relâche par excès d’humidité, celles-ci deviennent mobiles et plus proéminentes », Galien, De compositione medicamentorum secundum locos, Livre V, chap. 9, De mobilibis, dentibus & proeminentibus.
×(11, 18) « Les dents sont attachées fermement à leurs crèches par de forts ligaments, et principalement à l’endroit de la racine où les nerfs s’insèrent », Galien, De usu partium, Livre XI, chap. 8.
×(11, 20) « On appelle gencive un assemblage fendu en plusieurs endroits de la bouche », Aristote, Historia animalium, Livre I, chap. 11, près de la fin.
×(11, 21) « Les parties charnues qui entourent les dents quand elles sortent de leurs logettes sont appelées gencives », Galien, De compositione medicamentorum secundum locos, Livre V, chap. 8.
×(11, 22) « Les gencives contribuent à la stabilité et à la solidité des dents, à cause de l’exacte jonction de leur assemblage », Galien, ibidem.
×(11, 24) « Les gencives sont faites de chair ». Aristote, Historia animalium, Livre I, chap. 11, « Elles encerclent les dents », Meletius, De natura hominis.
Glandosa, Averroes, De carne, Livre I, chap. 10.
« Elles sont dites aussi chairs encerclant les dents », Galien, De usu partium, Livre IX, chap. 15. « Additions de chairs », De anatomia vivorum.
« Petits morceaux de chair autour des dents », Rufus d’Ephèse, De corporis humani partium appellationibus, Livre I, chap. 8.
×(11, 28) « On dit que la liaison des mâchoires avec la jointure des gencives est une bride », Rufus d’Ephèse, ibidem.
×(11, 29) « La peau entoure la racine des ongles, comme les gencives les dents et les ongles naissent visiblement avec les veines sous-jacentes », Galien, Platonis Timaeum commentarii fragmenta.
×(11, 30) « La gencive est appelée oulon apo tou eilein, en grec d’après le verbe eilein qui signifie envelopper, car pour maintenir les dents, elle les enveloppe. Ou bien parce qu’elle conserve la cicatrice de la blessure qui fut faite et guérie, lors de l’éruption des dents, cicatrice qui se dit oulê en grec. » Meletius, De natura hominis.
×Eustache emploie rarement alveolus pour alvéole, de la terminologie actuelle, mais il n'oublie sans doute pas que le mot alveolus signifie d'abord petit baquet. Nous conservons délibérément tous ces termes imagés qui se rapprochent pour la plupart de l’environnement du bétail pour désigner les alvéoles.