Petit Livre sur les dents
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une amande de pomme de pin, (17, 1)comme l’estimèrent les Arabes, mais s’approchent de très près de la forme des incisives. Cependant elles diffèrent de celles-ci en un point : elles ont une masse plus épaisse et une extrémité plus étroite et plus émoussée. Il est vraiment incroyable que ce fait soit inconnu de Galien, d’abord parce qu’on n’a pas besoin de connaissance en anatomie pour le voir, ensuite parce que lui-même semble parfois indiquer qu’on ne devrait pas attribuer des dents de chien à l’homme. Quant à moi, je conjecture qu’homme très savant et versé dans l’art anatomique, il a raisonné en tenant compte, en cet endroit, plus de la fonction que de la forme, en comparant les dents pointues des bêtes féroces avec les canines des hommes. Car, s’il est vrai que les dents humaines ne sont pas si pointues, je pense cependant que rien n’empêche qu’elles fassent partie du même dessein de la nature qui touche à la création, et qu’elles soient classées dans le même genre, quand par leur sommet émoussé, à cause de l’étroitesse duquel elles ne peuvent pas broyer la nourriture avec les molaires, elles sont très aptes à casser des choses dures et, toute proportion gardée, ne sont pas d’un moindre usage aux mangeurs que de vraies dents de chien.

Mais que chacun se fasse son opinion librement sur ce sujet. Pour moi, il est plus que suffisant d’avoir offert à autrui une occasion de discuter. Certes les dents canines sont comptées au nombre des dents exiguës et, à cause de leur petitesse(17, 21), Galien écrit que le singe est l’animal qui ressemble le plus à l’homme(17, 22). Elles ont des racines uniques comme les incisives(17, 23), mais fixées plus profondément et plus robustes, moins comprimées et étroites devant que derrière. On ne doit pas ignorer que, bien que ces racines dépassent en longueur toutes les racines des autres dents et qu’elles soient plus longues et plus pointues chez les canines du haut que du bas, cependant, comme beaucoup d’Anatomistes l’écrivent, elles ne poussent pas en hauteur jusqu’à presque atteindre l’orbite des yeux. Car, pour moi, s’il m’est permis de dire la vérité, à peine en ai-je vu aller jusqu’au bord inférieur des ailes du nez.[7]

×(17, 1) « Les canines ont un sommet en forme de pomme de pin », Galien, De anatomia vivorum.
×(17, 21) « Les canines sont étroites », Galien, De usu partium, Livre XI, chap. 8.
×(17, 22) « Les singes sont très semblables aux hommes, leurs dents canines ne sont pas grandes, mais exiguës », Galien, De anatomicis administrationibus, Livre VI, chap. 1 et De usu partium, Livre XI, chap. 2.
- « Les singes qui se rapprochent du type cynocéphale ont tous leurs dents grosses mais les canines encore plus grosses et solides », Galien, De anatomicis administrationibus, Livre VI, chap. 1 et De usu partium, Livre XI, chap. 2.
×(17, 23) « Les canines ont reçu des racines uniques », Galien, De ossibus, chap. 5.
- « Les dents, jusqu'aux canines, ont des racines uniques », Galien, De natura et ordine cujuslibet corporis.
×Remarque importante, car cette croyance perdurera jusqu’au milieu du XVIIIe s.