Petit Livre sur les dents
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quand ils numérotent les dents commencent presque toujours par les incisives : ils considèrent les incisives comme premières, les molaires comme dernières. Les toutes dernières, tant par leur place que par leur apparition, sont appelées sôphronistêres [dents de sagesse](24, 3), parce qu’elles naissent à l’époque où il nous faut être modéré et bien réglé. Elles sont même appelées par d’autres crantères [dernières d’une série] et génuines même si Rufus(24, 5) appelle aussi crantères d’autres dents. Cicéron appelle toutes les molaires génuines [dents des joues](24, 7). C’est le propre de ces dents, comme nous le dirons ensuite, de faire irruption, non seulement quand les autres sont déjà achevées, mais, même parfois, de sortir à peine des gencives ou d’être entièrement cachées dans leurs trous [dents incluses] ou même de n’être nulle part créées par la nature [agénésie].

Chapitre X
Des formes variées des racines de molaires chez l’homme et chez le singe

Après cet exposé, il est désormais temps que nous écrivions sur les racines des molaires et sur leur nombre. Si la question semble presque inextricable, cependant, dans la mesure où la vérité le permet et où des hommes compétents et de jugement impartial peuvent le souhaiter, j’essaierai et m’efforcerai de l’exposer et de la dégager de toutes difficultés et entraves. Or, il est avant tout utile à cette entreprise d’attirer l’attention des étudiants en anatomie sur certains détails omis par d’autres. S’ils les ignoraient, il pourrait facilement arriver que, tiraillés par un double conflit, ils se battent entre eux au nom de leur vérité ou bien amoncellent les erreurs.

Il faut donc savoir que les racines des maxillaires n’ont pas toujours la même forme et ne sont pas réparties chez l’homme comme chez le singe, au point qu’on ne peut écrire à leur sujet avec la même précision. Mais il est utile préalablement de savoir comment elles se présentent chez le singe, grâce à quoi on pourra, avec facilité et justesse, juger ce qu’en ont écrit Galien

×(24, 3) Hippocrate appelle les genuines, dents de sagesse, De carnibus, p. 58, l. 45.
- Les Grecs appellent sôphronistêres, c'est à dire, sages, les genuines qui sont les plus profondes et les dernières des molaires, c'est-à-dire celles qui sont façonnées en dernier lieu au fond de la bouche, et qui apparaissent à l’époque où il nous faut être modérés et tempérants, c'est-à-dire quand nous commençons à être sages ; ou bien, comme dit Meletius, parce qu'à leur apparition, elles apprennent aux enfants que c'est le moment de s’éduquer à la prudence. Meletius, De natura hominis. - Rufus d'Ephèse, De corporis humani partium appellationibus, Livre I, chap. 8.
- « De chaque côté, il y a une genuine », Rufus, ibidem.
×(24, 5) « Certains nomment les dents crantères », Rufus, ibidem.
- « Nous appelons genuines les dernières maxillaires qui naissent chez les hommes et les femmes », Aristote, Historia animalium, Livre II, chap. 4.
- À propos des genuines, voir aussi l'annotation ci-dessus de Rufus.
×(24, 7) « Les dents se situent dans la bouche en fonction de ce qu’elles mâchent, écrasent ou broient la nourriture. Parmi elles, les dents du devant, tranchantes, coupent les aliments, mais ce sont celles du dedans qui les broient, qu'on appelle les genuines », Cicéron, De natura deorum, Livre II.