Petit Livre sur les dents
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et de l’autre, cinq. Pour moi, je crois, après avoir comparé avec soin ces parties, qu’il ne sera pas facile de déclarer toujours vrai ce que l’on soutient, sans distinction, en faveur de cette fameuse équité. Je crois qu’on compte parfois trente trois dents parce qu’il y a une molaire surnuméraire, et qu’il peut y en avoir moins si une dent est manquante depuis l’origine, et qu’on détruit ainsi cette équité des dents de maintes autres façons. Et il ne faut pas avoir recours aux dents génuines [ici, dents de sagesse] pour la retrouver parce que, même s’il est vrai qu’elles ne sortent pas toutes à la même époque, il arrive souvent que l’une ou l’autre, loin de se cacher au creux de sa mâchoire, fasse totalement défaut.

On ne peut accorder une plus grande équité(39, 11) aux racines des dents par rapport à leurs petites stalles, car cet espace répond exactement à la taille et à la forme des racines, sa grandeur rendrait lâche leur emboîtement, et son étroitesse empêcherait les racines de s’étendre jusqu’au fond. Parmi d’autres différences concernant le nombre, la taille ou la forme des dents, les mêmes racines se différencient au point que non seulement les dents supérieures sont souvent éloignées des dents inférieures qui leur sont opposées, mais encore les dents de droite ne s’accordent pas avec celles de gauche.

Enfin, on observe une autre équité de la nature dans le mouvement des dents, quand nous mangeons. Certes les dents de la mâchoire inférieure lorsque celle-ci se porte vers le haut, vont à la rencontre des supérieures et se joignent de telle sorte que toutes les incisives, canines et molaires, opposées d’après leur emplacement, mais rangées dans le même ordre, s’assemblent d’une mutuelle étreinte à moins que, ce qui arrive parfois, la mâchoire supérieure soit plus longue et que l’extrémité de sa partie antérieure soit plus proéminente ou bien que des dents soient implantées obliquement dans les mâchoires inférieures. Galien(39, 30) atteste avoir remarqué, en de nombreux cas, qu’on voyait, pour cette raison, non seulement des dents fracturées, mais aussi l’os lui-même presque détruit. En revanche, quand il n’y a aucun obstacle,

×(39, 11) « La nature a réalisé des lieux appropriés pour les racines des dents : grands, pour les grandes dents, petits, pour les petites » et un peu après : « personne, je veux dire aucun artisan habile, ni parmi ceux qui font des assemblages de bois avec des chevilles, ni parmi ceux qui extraient les pierres et les travaillent, n'aurait fait les cavités réceptrices si parfaitement égales aux dents qui s'y emboîtent, comparé au très heureux ajustement des alvéoles aux racines des dents fait par les atomes. Car il savait que des cavités trop larges rendraient lâches l’accord avec les os, et qu'en revanche, trop étroites, elles ne permettraient pas aux racines des dents d'atteindre le fond », Galien, De usu partium, Livre XI, chap. 8.
×(39, 30) « Chez beaucoup de gens, on voit des dents de travers, c'est-à-dire que celles du haut ne se joignent pas bien à celles du bas, ni les incisives avec les incisives, ni les canines avec les canines, ni les molaires avec les molaires, mais chez elles, l'os apparaît comme enfoncé, comme tiré en sens contraire », Galien, Hippocratis de morbis vulgaribus librum commentarii, Livre VI, 1. 3.