Petit Livre sur les dents
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puis mise de côté, pour servir de pépinière, s’il est vrai que chaque jour une nouvelle matière est extraite puis élaborée par les gencives. Cependant elles ne peuvent leur donner ce pouvoir dont elles-mêmes sont privées. En outre, si on leur concédait ce pouvoir, les dents pourraient toujours retourner à leur état primitif à partir du sang, comme c’est le cas pour la chair.

Certes le premier problème est particulièrement difficile à résoudre et peut à peine s’expliquer. Mais, en fait, nous ne sommes vraiment pas loin de la vérité en affirmant que la matière de toutes les dents, y compris de celles qui renaissent ou de celles qui sortent plus tard est préparée dans l’utérus au début de la génération et que leur forme, comme on l’observe chez les plantes, commence d’une façon sommaire et est graduellement perfectionnée par la nature, chez les unes plus rapidement, chez les autres plus tardivement. Cependant cette découverte qui est nôtre est inconnue de tous les Anatomistes et comporte de nombreuses difficultés car elle est étrangère à l’opinion des Anciens dont nous avons utilisé le témoignage. Si, au contraire, pour s’en tenir à l’avis des Anciens, on trouve bon d’affirmer que la matière des dents possède une nature intermédiaire entre la semence et le sang et que, par conséquent, comme des petites parties solides issues de la semence, elles peuvent être facilement régénérées chez les dents qui croissent encore, rien n’empêche que celles-ci retrouvent leur état primitif. Certes cela est très vraisemblable, mais n’est pas vrai partout, comme l’usage et la pratique de la dissection le montrent clairement et comme nous allons le dire. La seconde hypothèse qui concerne les parties charnues est facile à contrer : parce que la fonction de cette force vitale qui façonne les parties consiste, non seulement à changer une matière en une autre, mais encore à doter les particules d’une forme convenable, et elle peut s’appliquer aux parties charnues. En revanche, si les chairs ont été complètement arrachées, cette force vitale n’agit en aucune façon. Ainsi, dans les ulcères profonds des muscles, on observe que la chair détruite ne récupère jamais sa forme primitive, sauf si les fibres dont elle est couverte sont conservées intactes et que s’adjoignent l’aide des parties voisines et l’art d’un médecin habile.