Petit Livre sur les dents
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Ce qui, certes, n’a rien d’absurde. Si, comme l’écrit Aristote(49, 2), la nature accorde aux dents de se renouveler, puisqu’elles sortent d’un os encore naissant, il serait aussi très vraisemblable, selon le même raisonnement, que la nature, qui est la justice même, permette que les premières dents soient produites avec les mâchoires, à partir d’une même matière et en même temps. Mais l’autre conclusion est peu solide(49, 6), qui dit que, si les dents sont créées à partir de l’aliment des os, il faut qu’elles naissent quand le nombre des os est complet. La conséquence vraie et nécessaire de cet argument serait qu’il n’est pas possible qu’une partie prenne son aliment, si elle n’existe pas déjà et est parfaitement achevée. Mais, d’abord c’est parfaitement faux ou du moins on n’a pas pu le prouver efficacement.

Donc, parce que les dents, ou du moins la plus grande partie d’entre elles, prennent naissance dans l’utérus, avant que le fœtus soit définitivement formé, et qu’en second lieu, elles ne sont pas créées de nouveau, bien que la raison ne puisse pas juger de tout également et que la nature parfois ne respecte pas une vieille loi, moi, je pense qu’on peut conclure, avec vraisemblance, que les dents sont créées avec les os au début de la génération et qu’une matière commune leur a été attribuée. Cependant avancer cette assertion comme un reproche contre ces très grands hommes et mes maîtres me fait de la peine et je propose très volontiers à d’autres de scruter et expliquer leurs déclarations peu claires, après avoir bien étudié le sujet.

En fait, bien que je ne puisse pas surmonter toutes les difficultés concernant les premières molaires et les genuines, et même certaines autres dents qui renaissent à contretemps, cependant, parce que mes maîtres se sont empêtrés dans de plus grandes difficultés et que tout est clair grâce à la dissection, j’ose affirmer que le principal fondement de leur théorie sur la génération des dents est erroné, que toutes les dents sont créées au début de la vie, qu’imparfaites, elles se cachent quelque temps dans les mâchoires, puis achevées, les unes plus vite, les autres plus tard, elles sortent de leurs trous respectifs [alvéoles].

×(49, 2) Voir l'annotation ci-dessus. Et aussi chap. XXII, annotation (67, 30), également d'après Aristote, De generatione animalium, Livre V, chap. 8.
×(49, 6) Cet argument est d'Aristote qui provient de l'exemple ci-dessus avancé, tiré du Livre II, chap. 4, De generatione animalium.