Petit Livre sur les dents
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Aristote(66, 1) explique que les incisives font irruption avant les molaires, parce que la nourriture est coupée avant d’être broyée. Mais il ne s’ensuit pas qu’il soit nécessaire que les incisives, au service des molaires, sortent des gencives en premier, quand le bébé n’a pas besoin de l’action des incisives avant l’action des molaires, car il ne s’en sert pas. De même est plausible ce qu’il ajoute : si les incisives sortent les premières, c’est qu’elles sont petites et les molaires grosses. Pourtant il ne faut pas déduire qu’une chose plus petite, commencée en même temps qu’une plus grosse, soit achevée plus rapidement, car il n’est pas vrai que les gros os soient achevés plus tardivement que les petits : le carpe et le tarse en sont la preuve, qui conservent jusqu’à la fin leur nature cartilagineuse, alors que l’humérus et le fémur adoptent définitivement leur forme d’os.

Mais, négligeons ce genre de discussion qui n’apporte que peu de grain à moudre aux médecins et passons à autre chose de plus utile. Parmi bien d’autres événements importants qui arrivent aux êtres vivants, Hippocrate rapporte que chez les enfants, les dents naissent, tombent et se renouvellent selon un cycle septénaire(66, 15). En effet, durant la première période, du septième mois à la septième année, sortent les incisives puis les canines et enfin, parmi les molaires, celles qui chez les adultes portent les numéros deux, trois et quatre(66, 18). Durant la seconde période, de la septième année à la quatorzième, les incisives et les canines, chez les enfants, tombent et se renouvellent et le nombre de dents augmente : quatre premières molaires(66, 21) commencent à sortir qui naissent pour la première fois, ou plutôt comme moi je le pense, qui se montrent à l’extérieur pour la première fois, mais qui ne tombent ni ne renaissent[20]. Hippocrate écrit, ce qu’on peut difficilement croire, que les premières molaires [prémolaires], comparées aux incisives et aux canines, ne sont pas très grosses, de même les génuines [dents de sagesse] qui, par dessus le marché, ne sortent pas toutes ensemble, ni à ce moment-là, ni à aucun autre moment précis. Car c’est le propre de ces molaires et des autres, sauf les secondes,

×(66, 1) « Les dents de devant poussent avant les grosses dents, parce que leur fonction en premier est de couper ce qu'on mange avant de le broyer. Or, la fonction de broyer a été confiée aux molaires, comme celle de couper aux incisives. Une autre raison de ce fait : une chose plus petite a coutume d'être achevée avant une plus grande, même si elles ont été commencées ensemble. Or les dents de devant sont plus petites que les maxillaires et en outre, l'os de la mâchoire est large à l’endroit des molaires, et étroit à l’entrée de la bouche. C'est pourquoi il est logique qu'une plus grande quantité d’aliment afflue de la partie la plus vaste et une moindre de la partie la plus étroite », Aristote, De generatione animalium, Livre V, chap. 8.
×(66, 15) « Au bout de sept ans les dents tombent chez les enfants et d'autres poussent », Hippocrate, De septimestri partu, p. 64, l. 17.
- « Chez les enfants, la septième année accomplie, les dents achèvent leur rôle », Hippocrate, De carnibus, p. 81, l. 13.
×(66, 18) « Les dents de devant font irruption en premier lieu, les maxillaires, plus tard » et, un peu après : « d'après Démocrite, les dents de devant sont créées prématurément, à cause de l'usage du lait », Aristote, De generatione animalium, Livre V, chap. 8.
- « La chaleur du lait, etc, », voir ci-dessus chap. XIV, annotation (41, 5) d'après Aristote, ibidem.
×(66, 21) « Les mâchoires, parce qu'elles ont une nourriture plus riche et un afflux plus abondant, engendrent par elles-mêmes leur croissance, autant qu'elles doivent l’être et aussi longtemps que l'homme grandit en bonne santé. Or il grandit considérablement surtout depuis sept ans jusqu'à quatorze ans. Et à cette époque, les plus grandes dents, comme toutes les autres, naissent après que sont tombées celles qui étaient nées de l’aliment puisé dans l'utérus. Il grandit aussi jusqu’au troisième septénaire où il devient un jeune homme, et jusqu'au quatrième et cinquième septénaire », De carnibus, p. 58, l. 37.
×Eustache veut sans doute parler de celles nommées actuellement « premières molaires », dites de six ans, car elles apparaissent généralement dans le courant de la sixième année. Mais visiblement, il y a une confusion dans la numérotation de ses molaires, car cette molaire là est théoriquement la troisième pour lui.