Petit Livre sur les dents
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Chapitre XXIII
Comment les dents se nourrissent et se développent ?

Comme, selon Galien, les vaisseaux et les nerfs sont insérés dans les dents, il n’est pas difficile d’expliquer comment elles sont nourries, croissent et participent de la vie et de la faculté de sentir. Mais trop subtile est la conjecture de ceux qui, ne se souciant pas des vaisseaux, préfèrent l’obscurité à la clarté et pensent que les dents de la mâchoire inférieure sont nourries par la moelle de celle-ci, et que celles de la mâchoire supérieure le sont par une humeur, semblable à de la moelle, cachée dans sa vaste cavité. En fait, la moelle de la mâchoire inférieure ne touche pas les dents et cette fameuse vaste cavité [sinus maxillaire] de la mâchoire supérieure ne contient pas un liquide semblable à de la moelle. En outre, l’écaille [l’émail] des dents étant compacte et lisse, il est peu vraisemblable qu’elle attire et absorbe un aliment si épais. Mais divaguent encore plus ceux qui pensent que la concavité des dents contient de la moelle destinée à les nourrir(70, 18), quand la substance dont elle est pleine est mucilagineuse, comme celle qui, étendue sous leurs racines, remplit les rares parties de l’interstice osseux de la mâchoire inférieure et n’a absolument rien de gras, comme nous l’avons déjà déclaré. D’autre part, parce que personne n’ignore qu’Aristote(70, 23) a assuré que seules les dents, parmi les os, croissaient pendant toute la vie, peut-être quelqu’un pensera qu’il s’ensuit que la matière des dents et des os, comme le temps de leur génération, sont bien différents. Mais comme le même Aristote pose en principe que le sang est le matériau commun à toutes les parties du corps et qu’il dit, moins justement, que les dents croissent toujours, et qu’en conséquence une telle croissance dure très longtemps, personne, après avoir lu avec soin les livres d’Aristote, n’affirmera réellement en conclusion que les dents diffèrent des os par leur matière et leur origine. Moi qui

×(70, 18) Vésale et ses disciples, écrivent que les dents contiennent de la moelle. Vésale, [De humani corporis fabrica], Livre I, chap. 11.
×(70, 23) « Que les dents, seules de tous les os, croissent pendant toute la vie », voir plus bas, chap. XXVII, annotation (87, 23) d'après Aristote, De generatione animalium, Livre II, chap. 4.