Petit Livre sur les dents
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et pour qu’ils soient petites parties d’un être vivant. Si ce fait est vrai, comme il doit avoir nécessairement une conséquence, je pense qu’on aurait du mal à expliquer pourquoi la faculté de sentir ne devrait pas être attribué aux os pour la même raison. Or la façon dont ils l’obtiennent n’est pas inhabituelle à la nature et n’est pas difficile à expliquer. Car, de même que ses parties voisines ont donné la sensibilité à une cicatrice et que la membrane qui enveloppe le foie lui a donné cette faculté, selon Galien(75, 9), la membrane qui, adhérant aux os, est appelée périoste, peut la leur communiquer également, car elle-même a été dotée d’un sensibilité très vive, et quand elle a mal, c’est l’os souffrant qui est représenté. Si tu objectes que les os ne sont atteints d’aucune blessure, mais que c’est leur membrane qui ressent ses propres douleurs, je réponds que le même phénomène se produit pour les dents et le foie. Si tu accordes une sensibilité manifeste à une enveloppe de ce genre, et une sensibilité sourde qui s’efface rapidement à la dure substance des dents et à la chair peu dense du foie, moi j’affirme qu’il y a dans les os, non seulement un vague sentiment, mais tout une faculté de sentir confuse et désordonnée et si faible qu’il s’évanouit à la moindre cause et je pense que Galien, avec plusieurs autres, en a jugé ainsi quand il dit, quelque part, que les os ont été frustrés(75, 23) de cette faculté. Car beaucoup de choses, à cause de leur extrême petitesse, sont méprisées la plupart du temps par les auteurs, comme si elles n’existaient pas. Mus par cette raison, Hippocrate a dit que la jambe(75, 26) n’avait pas de muscles et Aristote et Galien que les poissons étaient sans cou(75, 27).

On a coutume d’objecter ces ulcères dans lesquels les os mis à nu ne sentent pas la douleur de quelque façon qu’on les traite, mais, je ne citerai pas ces médecins distingués, experts en blessure de jambe. Leur argument est peu approprié, quand, le périoste arraché, ils écrivent qu’ils ont repéré parfois dans les os

×(75, 9) Voir plus haut, annotation (73, 18) d'après Galien, De locis affectis, Livre II, chap. 7, et De usu partium, Livre XI, chap. 17.
×(75, 23) « L'os du crâne manque de la faculté de sentir ». Galien, De methodo medendi, Livre XIII, chap. 22.
- « Au contraire certains os ne semblent dotés d'aucune sensibilité », Galien, De multitudine, chap. 4.
- « Il s'en faut de beaucoup que l'os du nez ait été doté du sens de l'odorat, ou même du sens du toucher », Galien, De instrumento odoratus, chap. 3. Voir ci-dessus l'annotation (73, 18) d'après Galien, De usu partium, Livre XI, chap. 17.
×(75, 26) « Toute la jambe est formée sans chair et sans muscles », Hippocrate, De articulis, 3.81
« Hippocrate a dit que la jambe n'avait pas de muscles, alors que les muscles sont attachés aux extrémités des os qui sont perçues par les sens, car, en fait, aucun muscle n'est détruit en totalité, mais comme nous disons que le corps n'a pas de veines, quand les veines ne sont pas apparentes, ainsi il dit sans muscles, quand les attaches des muscles se cachent profondément », Galien, Hippocratis librum de articulis et Galeni in eum commentarii, in 3.
×(75, 27) Aristote a dit que les animaux ovipares qui n'avaient pas de poumons et ne respiraient pas, étaient privés de cou. Il assure que le cou a été fait par la nature pour loger la trachée-artère, Aristote, De partibus animalium, Livre IV, chap. 10, vers le début.
- « On a dit que les poissons, ou, n'avaient pas du tout de cou, ou, en avait un très court, composé seulement des deux premières vertèbres. Leur cou est petit ou nul etc. », Galien, De usu partium, Livre VIII, chap. 1.
- « Les poissons n'ont pas de cou, ni de jambes », et peu après  : « Dans les genre si nombreux des poissons, la nature n'a fait ni pieds, ni cou à aucun d'eux », Galien, De usu partium, Livre XI, chap. 8. Et cependant quelques poissons ont des pieds.
- « Les Grecs emploient les mots « sans voix » et « sans cou », tantôt pour signifier privation de la voix ou du cou, tantôt pour signifier déformation de la voix ou du cou. Ainsi des poissons sans voix signifie bien qu'ils sont privés de la voix. Mais un crieur public sans voix, signifie que sa voix est enrouée, qu'il a une extinction de voix », Galien, De placitis Hippocratis et Platonis, Livre IV, chap. 4, vers le milieu.