Petit Livre sur les dents
79

selon leur accord mutuel, le nerf était transformé par la substance lésée de l’estomac et répandait partout en elle ce désagrément avec cette sensation.

Mais si l’on disait que l’organisation rationnelle des dents et de la bouche de l’estomac est différente, moi, au contraire, j’affirmerais qu’elle est si semblable qu’on doit quasiment la juger identique. Car, selon le témoignage de Galien, parce qu’elles discernent les saveurs(79, 6), il y a dans les dents une sorte de nerfs mous tout comme dans les autres parties de la bouche. Certes, un nerf isolé, sans organe ou moyen propre de sentir, ne peut exercer cette fonction, comme il ne peut, sans yeux, percevoir les couleurs, sans oreilles, percevoir les sons. Ainsi, la bouche de l’estomac, par une faveur unique de la nature et à l’encontre de la coutume des autres parties du corps, subit le désagrément de la faim et de la soif, et les dents sont atteintes par une maladie spéciale du contact que les Grecs nomment aimôdian(79, 14) et en langage courant, engourdissement  et congélation, maladie qu’aucune autre partie du corps ne saurait présenter. D’où il se trouve que les dents ayant le sens du goût avec la langue et étant dotées d’un sens du toucher particulier se distinguent de tous les autres os et même d’autres parties du corps qui n’ont pourtant pas une vague sensibilité.

Mais que cette sensibilité doive être portée au crédit de la fine membrane qui ceint la concavité interne des dents ou à celle qui enveloppe leur racine, à l’instar du périoste, ou aux deux à la fois, je m’en remets à ce que certains disent aujourd’hui, du moment qu’ils accordent à Galien et à moi ceci : grâce à l’intervention de ces fines membranes, jointe à l’esprit animal, la faculté de sentir est transmise aussi à la substance des dents, et la membrane, qu’ils appellent interne, n’est pas du tout collée à la surface de la concavité des mêmes dents, mais la touche légèrement.

×(79, 6) Que les dents discernent les saveurs, voir plus bas, ibidem.
- « Les dents sentent quand elles broient des choses très froides ou chaudes. Mais elles distinguent les différences entre les aliments à cause d'une membrane qui adoucit non seulement l'estomac, l'œsophage, mais aussi la langue et même les dents et les tapisse entièrement et en même temps les pousse à évacuer les humeurs », Meletius, De natura hominis.
- « Il semble qu'il y ait dans les dents le sens du goût et du toucher », Galien, Hippocratis de morbis vulgaribus librum commentarii, 6. tex. com. 24.
×(79, 14) « Mais l'hæmodie, ou l’engourdissement des dents, tant par le nom que par le symptôme, ne concerne que le seul sens du toucher. Mais elle se rencontre habituellement dans la bouche comme dans les dents après l'absorption d'aliments acides et amers », Galien, De symptomatum causis, Livre I, chap. 5.
- «  L’hæmodie, c'est-à-dire l’engourdissement des dents, est une maladie qui ne va pas plus loin que la bouche, et même pas toute la bouche, mais affecte seulement les dents et les gencives », Galien, De locis affectis, Livre II, chap. 6.