Petit Livre sur les dents
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et l’esprit animal excité, pour la même raison, on doit admettre qu’elles perçoivent aussi le désagrément provoqué par une lime. Je n’ai pas encore bien trouvé la raison pour laquelle, quand on leur applique un fer brûlant [cautère], elles ne ressentent aucune souffrance, ou du moins ressentent une souffrance plus légère que la logique l’exigerait, alors qu’à ce même contact, les parties internes, où la sensibilité est forte, sont blessées tout comme les parties externes. Car même, si nous concédons à certains Anatomistes(82, 7) que la partie de la dent qui pend hors des gencives est solide chez les adultes et ne touche ni le nerf, ni la membrane, ils ne s’en expliquent pas davantage sur le sujet, puisqu’on ne peut nier qu’une dent quasiment brûlée communique la violence de la chaleur à chacune de ses parties et à sa membrane interne. Et encore, je passe sous silence que les enfants chez qui cette concavité est vaste et profonde et l’écaille [émail] de la dent mince, à un âge plein de crainte et peu résistant à la souffrance, ne sont pas plus blessés par le feu ni plus affectés par la douleur que les adultes. J’ai pensé parfois que cette objection pouvait être dissoute d’une façon ingénieuse, en assurant que le fer rouge, comme beaucoup de remèdes escarotiques, ôte avec la forte température la capacité de sentir vivement. Mais puisque cela ne peut pas être prouvé par un raisonnement solide et évident, il vaut mieux ajouter que le propre des dents est de ne pas sentir toutes les choses qui les modifient profondément ou de ne pas être affectées, avec une intensité égale, par la douleur causée par des choses susceptibles de les faire souffrir. Arétée(82, 25) semble pencher vers la première explication, Aristote(82, 25) semble ouvertement soutenir la seconde, parce que les dents sont plus incommodées par le chaud et le froid que par toutes les autres qualités, que la sensation de froid leur est encore plus désagréable que la sensation de chaud et qu’elles subissent plus de dommages, comme nous l’avons expérimenté, quand interviennent des ennemis de leur substance.

J’avance ces arguments, non parce qu’ils ont une grande importance et ne peuvent être réfutés,

×(82, 7) Le raisonnement de Gabriel Fallope est critiqué.
×(82, 25) « Au début, les nerfs, les ligaments des articulations et tout ce qui sort des os ou y est inséré commencent à souffrir. Mais voici un grand miracle : ils ne souffrent pas, ou très peu même si quelqu'un les coupe ou leur donne un coup. Mais si quelqu'un souffre à cause d'eux, rien d'autre n'est plus capable qu'eux d'exciter la douleur », et peu après « Sans aucun doute, les dents et les os peuvent ressentir de la douleur. Certes, seuls les Dieux en connaissent la cause, en revanche les hommes n'en ont trouvé qu'une plausible et apparente. Or, pour parler simplement, la voici : parce que l'os est très dense, il ne sent pas le contact ni une blessure, aussi n'éprouve-t-il pas de douleur pour un toucher ou une blessure. Car la douleur est difficile à supporter pour les sens. Mais une chose dense n'est pas irritable, et par là est également insensible à la douleur. En revanche une chose peu compacte est dotée d'une bonne sensibilité et est irritée par une blessure. Mais puisque les choses denses vivent de la chaleur innée, elles peuvent sentir aussi grâce à cette même chaleur », Aretaeus, De signis et curatione diuturnorum morborum, livre II, chap. 4, De arthritide.
- « Les dents sentent plus le froid que le chaud, contrairement à la chair, parce qu'elles sont froides de nature et ont de fins conduits par lesquels la chaleur peut à peine s’introduire », Aristote, Problemata, section XXXIV, 3.
- Voir aussi, ci-dessus, chap. XXV, annotation (79, 6), d'après Meletius, De natura hominis.