Petit Livre sur les dents
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mais parce que, dans les cas où manque la démonstration, Galien m’en est témoin, il ne faut pas dédaigner des raisons plausibles. Mais qu’il me soit permis de m’écarter de mon activité d’anatomiste un instant et de tirer une conclusion de ce qui a déjà été dit. Certains médecins, aujourd’hui, assurent, avec trop d’obstination, qu’une solution de continuité de la dent est la propre cause de la douleur, au point que, sans elle, la douleur ne peut être excitée en aucune façon. En effet, selon ce raisonnement, la substance des dents qui, par sa dureté, ne peut être ni contractée, ni distendue, ne ressentirait pas de souffrance affreuse, sauf si elle était rongée ou très enflammée. Quand elle endure la violence du feu, une douleur plus grande devrait être excitée en elle, puisque le mal dont elle est accablée est encore plus violent, de même qu’elle ne devrait souffrir aucun désagrément de la part de plus légers sensibilisateurs, comme des choses froides par exemple, puisque leur énergie et leur puissance ne sont pas assez fortes pour pouvoir disloquer une matière aussi dure. Et cependant, si nous admettions que la destruction de l’unité d’un membre et la désagrégation de sa substance sont déjà une maladie formée et chronique, ces gens seraient forcés de s’opposer à Galien, dont ils professent la doctrine(83, 20). En effet Galien, suivant Archigène, a attesté qu’une très grande douleur peut naître d’une entente totale avec une seconde partie, quand la première, qui devrait souffrir, ne sent rien jusque-là[23].

Chapitre XXVII
De l’intérêt des dents en rapport avec leur fonction

Quelques-uns, jaloux de l’industrie de la nature, racontent que la bouche, fendue(83, 29), non selon un plan de la nature, mais par hasard, a reçu des dents par le sort. Mais il n’était pas du tout obligatoire que des dents naissent immédiatement après que la bouche avait été scindée en deux parties, quand, par hasard, l’anus, le pénis et la vulve,

×(83, 20) « Sur la douleur par sympathie des sens », voir Galien, De locis affectis, Livre III, chap. 1, au début.
×(83, 29) « Il n'est pas nécessaire que des dents prennent naissance dans des parties fendues, comme le prouvent l'anus et les parties génitales des femmes », Galien, De usu partium, livre 11, chap. 7, près de la fin.
- « Tous les quadrupèdes à sang chaud, qui sont vivipares, ont des dents, mais avec des différences », Aristote, Historia animalium, livre II, chap. 1, près de la fin.
׫ La partie affectée sympathiquement est affectée d’une certaine manière ; car nous entendons par partie sympathiquement affectée non pas une partie qui n’est nullement affectée, mais qui l’est par une autre », Des lieux affectés, livre III, chap. 1, trad. Daremberg.