Petit Livre sur les dents
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la nature a donné plusieurs rangs de dents, aiguës et crochues, adaptées à cet usage. Ou bien, les aliments sont coupés en morceaux et transformés, ce pourquoi on a attribué à l’homme des dents, en qualité et en nombre utiles, pour lui servir en toute occasion(85, 5) : les incisives sont à sa disposition pour saisir et couper les aliments, car la nature a traité avec plus de bonté l’homme que ces bêtes, en majorité à cornes, qui n’ont que le rang inférieur des incisives. À l’homme et aux animaux qui sont solipèdes, et aux autres qui sont appelés sarkophagounta [carnivores], elle attribua une catégorie de dents qui, placées en haut et en bas, peuvent couper un aliment, même dur, comme le feraient des épées.

Mais aux bêtes qui saisissent leur nourriture avec leur lèvre supérieure et la coupent avec les seules incisives inférieures, la nature, en compensation, leur attribua plusieurs ventricules munis d’une tunique plus dure et, en même temps, veille à ce qu’elles ruminent alternativement les aliments avalés à demi broyés. L’homme, comme nous l’avons dit, n’a pas besoin de ce secours, parce que ses dents incisives, fichées de part et d’autre de la mâchoire, deux fois plus nombreuses que les canines, coupent parfaitement la nourriture, comme des épées. Et puisque l’homme doit parfois même briser des choses dures, la nature, inquiète à ce sujet, ne le priva pas entièrement des dents canines(85, 21), comme en sont privés les moutons, les bœufs(85, 23) et, comme on me l’affirme, les chevaux dont la nourriture est molle. Et, comme l’homme est un animal apprivoisé et civil(85, 25), dont la vigueur et la puissance tiennent plus de la sagesse que de la force physique, elle n’a pas rempli sa bouche de canines, comme celle des bêtes féroces, mais elle en a placé une de chaque côté des mâchoires. Mais puisque les deux sortes de dents susdites ne suffisent pas pour consommer les aliments, quand l’homme a avantage à les avaler préalablement broyés, des molaires(85, 29) aussi lui furent données, pour que, commodément, les choses coupées par les incisives

×(85, 5) « Les premières dents sont tranchantes et larges : elles ont été faites par la nature pour couper des aliments tendres à la façon d'un couteau », Aristote, De partibus animalium, livre III, chap. 1. De generatione animalium, livre V, chap. 8. - Galien, De ossibus, chap. 5. De usu partium, livre XI, chap. 8 - et Celse, De medicina, livre VIII, chap. 1.
- À propos des animaux à qui manque la rangée supérieure des dents, voir ci-dessus, chap. IV, annotation (9, 23), d'après Aristote, Historia animalium, livre II, chap. 1, et Galien, Hippocratis librum de articulis et Galeni in eum commentarii, I, 27 et De anatomicis administrationibus, Livre VI, chap. 3.
×(85, 21) « Les canines ont été constituées, non pour couper les aliments durs, mais pour les briser », Galien, De ossibus, chap. 5.
- « Si un aliment n'a pu être coupé par les incisives, à cause de sa dureté, les canines se chargent de le briser », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 8.
×(85, 23) « Les moutons, les bovins et les chevaux sont privés de canines », voir ci-dessus, chap. II, annotation (5, 15), d'après Galien, De anatomia vivorum.
×(85, 25) « L'homme ne montre qu'une dent canine des deux côtés, parce qu'il est un animal doux et sociable, qui tire sa solidité et sa force, non de sa vigueur corporelle, mais de sa sagesse. Donc il suffisait qu'il n'ait que deux canines, le strict nécessaire pour briser quelque chose de plus dur », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 9.
×(85, 29) « Les molaires sont capables de broyer et de mettre en miettes les choses coupées par les incisives et brisées par les canines », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 8
- « Les molaires ont reçu la charge de moudre », Aristote, De generatione animalium, livre V, chap. 8.
- « L'éléphant écrase sa nourriture avec ses dents et la moud en une sorte de farine », Aristote, Historia animalium, livre II, chap. 5.