Petit Livre sur les dents
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et brisées par les canines puissent devenir faciles à digérer et être broyées, comme les grains le sont par les meules, ce qui est le propre de la mastication(86, 3). Comme cette fonction a des applications très étendues, on trouve chez lui de nombreuses dents de ce type et plus nombreuses que les incisives. À partir de là, il est utile que les aliments ainsi broyés soient modifiés par la chaleur de la bouche(86, 5) et de la salive et entament un début sommaire de digestion. Il apparaît donc évident que l’homme possède rationnellement une triple sorte de dents(86, 7) adaptée en forme et en situation à une triple fonction, bien qu’Aristote et certains autres ne fassent pas la même distinction, comme nous le faisons, en suivant Galien ; ceux-là écrivent tantôt que les dents coupent et broient les aliments, tantôt qu’elles les amenuisent et les broient, tantôt qu’elles les coupent et les réduisent en miettes.

Puisque nous avons dit que certaines bêtes sauvages, parmi lesquelles les loups, les chiens, les lions et les sangliers, se servent librement de leurs dents comme armes pour attaquer ou se défendre, laissons quelque peu l’homme de côté et contemplons l’extrême sagesse(86, 17) de notre Créateur, en ces bêtes aussi. En vérité, chez les animaux féroces, il veille à ce que la forme et la solidité des dents correspondent à la largeur de leur gueule comme à la force de leurs premières vertèbres(86, 20) et de leurs ongles [griffes]. Ainsi il ne donna à aucun d’eux à la fois des griffes fortes et des dents faibles ; et les dents proéminentes et en forme de scie, les plus aptes au combat, ne seraient que peu d’utilité si elles n’étaient et nombreuses et fortes. Item, leur morsure serait sans succès si leur gueule bien pourvue de dents aiguës n’était pas grande et bien fendue ; de même, l’amplitude de leur gueule et l’action de leurs dents aiguës seraient sans efficacité si leur col n’était pas également robuste et n’était pas secondé par les mains et les pieds [sic]. C’est pourquoi la sagace nature a attribué à ceux qui ont des dents en forme de scie de grosses premières vertèbres et des ongles adaptés, c'est-à-dire acérés, solides et arrondis, comme des glaives naturels, alors qu’aux animaux craintifs et apprivoisés, elle a donné des dents délicates, larges et émoussées.

×(86, 3) Pourquoi la nature a attribué plusieurs molaires à l'homme, voir ci-dessus chap. IX, annotation (22, 19) d'après Galien, De usu partium, livre XI, chap. 9.
×(86, 5) « Une altération des aliments se produit dans la bouche et manifestement ceux-ci changent d'aspect, mais ne se transforment pas jusqu'à une totale digestion. On l’apprendra en observant les restes de nourriture pris dans les interstices des dents et qui y ont adhéré pendant toute la nuit ». Et, peu après « tu pourras observé l’importance de l'altération des aliments dans la bouche, si tu appliques du froment mâché sur des furoncles pas encore mûrs, tu les verras bientôt changer et mûrir », et un peu plus bas : « car la pituite [salive] qu'on a dans la bouche est un remède contre les lichens et tue sur le champ les scorpions », et ensuite : « mais les aliments, qui ont été mâchés, sont d'abord humectés par cette pituite et s’en imbibent puis se mêlent tous à la chair de la bouche », Galien, De naturalibus facultatibus, livre III, chap. 7.
- « Les dents préparent la nourriture pour l'estomac », Galien, De anatomia vivorum.
×(86, 7) Voir ci-dessus, chap. II, annotation (5, 20) d'après Galien, De anatomia vivorum.
- « La bouche et les dents écrasent et meulent la nourriture », Galien, Introductio seu medicus, chap. 11.
- « Les dents divisent et broient la nourriture », Galien, Definitiones medicae, non loin du début.
- « La nourriture est mâchée, écrasée et moulue par les dents rangées dans la bouche. Parmi elles, celles qui sont devant et coupantes divisent les mets et celles qui sont au fond et qu'on appelle genuines les broient », Cicéron, De naturalibus facultatibus, livre II.
×(86, 17) « La nature utilise pleinement les parties communes de tous les animaux pour que chacune assure sa propre fonction, ainsi la fonction normale de la bouche est de broyer les aliments. Mais montrer sa force est aussi une fonction particulière de la bouche chez certains animaux, chez d'autres, c'est la parole. Mais la nature a lancé en ce même lieu toutes ces différences entre animaux, en les classant selon leur fonction : ainsi les uns ont une bouche plus resserrée, d'autres une bouche plus large. En effet, on a donné une bouche plus resserrée à ceux qui doivent écraser leur nourriture, respirer et parler, et une bouche bien fendue pour aider ceux qui ont des dents en forme de scie. Quand toute leur vigueur consiste à mordre, il est nécessaire que l'ouverture de leur bouche soit plus large, car ils enfoncent leurs crocs d'autant plus profondément et en plus d'endroits que leur gueule est largement fendue », voir encore plus de détails, Aristote, De partibus animalium, livre III, chap. 1.
- « Les animaux qui ont des dents en forme de scie ont beaucoup de vigueur quand ils mordent », et un peu plus bas « l'homme a des dents faites seulement pour manger », et peu après « car si l’homme est fort et courageux, ce n’est pas en mordant qu’il dompte les autres êtres vivants, mais par la raison et avec ses mains » Galien, De usu partium, livre XI, chap. 2.
- « Les animaux vigoureux ont reçu beaucoup de dents acérées et solides », Galien, De usu partium, Livre XI, chap. 8.
- « La taille de la bouche est conforme, en proportion, à la solidité des dents et des ongles ; car quel avantage en auraient-ils avec une petite bouche ? Et quel profit pour un homme s'il avait beaucoup de molaires et une bouche complètement découverte ? » et peu après « car si la bouche était plus large chez les hommes, telle qu’elle est découverte chez les loups, elle ne retiendrait pas exactement les aliments et n'ajouterait rien à ses forces à cause de sa grandeur. En revanche, si ces animaux avaient une gueule bien formée en arc, comme les hommes, la fonction de leurs dents acérées disparaîtrait », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 9.
- « L'homme qui est un animal sociable et calme ne demandait pas une mâchoire aussi vigoureuse que celle du lion », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 18, à la fin.
×(86, 20) « Les premières vertèbres sont petites chez les singes, mais grandes chez ceux qui ont des dents en forme de scie », Galien, De venae sectione, chap. 11.
- « Chez tous les êtres vivants le corps est adapté aux habitudes et aux facultés » et peu après « le lion, comme animal impétueux et féroce, a des dents et des griffes solides. Pour le taureau et le bélier, même chose : au premier, des cornes, au second des dents proéminentes, qui sont des armes naturelles », Galien, De usu partium, livre I, chap. 2.
- « Aucun animal n’a, à la fois, des griffes robustes et des dents faibles », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 8.
- « Ces parties, c'est-à-dire la bouche et les dents, ont été appariées proportionnellement entre elles, de la même façon que les ongles. Chez les animaux doux et timides, ongles larges, émoussés, obtus ; chez les animaux sauvages et robustes, ongles acérés, grands, solides et arrondis », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 9.
- « Puisque la puissance du lion consiste surtout à mordre, il est nécessaire qu'il ait une forte mâchoire car la nature n’y aurait pas fixé des dents robustes, si elle ne l'avait pas créée ainsi. De la même façon, elle lui a fait un col entièrement robuste, liant ses vertèbres entre elles par des ligaments solides », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 18, à la fin.
- « La nature solide des dents en forme de scie et proéminentes tient de la terre », Aristote, De partibus animalium, livre II, chap. 9.