Petit Livre sur les dents
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En revanche, les animaux, qui usent surtout de leurs dents pour mâcher et broyer complètement leurs aliments, ont une bouche étroite et pourvue de nombreuses molaires ; ils manquent de dents aiguës ou proéminentes, comme les chevaux et les moutons, ou, comme l’homme et le singe, en possèdent chacun une de chaque côté de la mâchoire. Sans aucun doute, si l’homme, comme les bêtes sauvages dotées de dents en forme de scie, avait beaucoup de dents aiguës, leur action serait vaine à cause de l’étroitesse de sa bouche et il ne tirerait aucun avantage d’une amplitude de la bouche, à cause du grand nombre de ses molaires. Sans dents aiguës, il ne pourrait rien accepter de dur et ne mastiquerait pas, en outre, les aliments avec soin. Mais les choses étant ce qu’elles sont, brille à nos yeux l’art souverain de la nature qui, si elle a attribué à l’homme une bouche étroite, lui a aussi attribué peu de dents canines de chaque côté, une, en haut, une, en bas, faibles et inaptes au combat mais, cependant bien adaptées à casser ce que les incisives ne pourraient trancher.

Par ailleurs, (87, 20)parce que non seulement les dents ont quelque utilité par leur action, mais aussi parce qu’elles sont créées, perfectionnées et conservées pour certaines fonctions, il me faut ajouter quelque chose à ce sujet. Nées dans l’utérus, elles sortent à une époque précise, afin que le bébé libère sa mère d’une charge et, délaissant le lait, commence à prendre une nourriture plus solide. Elles croissent sans cesse(87, 23), comme l’écrit Aristote, ou, comme l’écrit Galien, souvent, presque à chaque période de la vie, pour qu’elles puissent sans dommage s’acquitter de leur fonction propre, et en effet, comme nous l’avons exposé, si elles ne croissaient pas du tout, elles seraient rapidement usées par le frottement. Car, quoique les os des articulations qui se meuvent plus souvent et plus vigoureusement soient dépassés en dureté par les dents, ils sont cependant moins nus et ne s’entrechoquent pas, os dur contre os dur, os irrégulier contre os irrégulier, comme elles. Et pour éviter cet inconvénient, ils sont inondés d’une humidité mucilagineuse et sont recouverts d’un cartilage, tel un revêtement. Les dents ont reçu des nerfs(87, 32) et le sentiment pour un meilleur usage,

×(87, 20) « Bientôt poussent des dents chez le bébé, pour qu'il ne soit pas toujours une charge à sa mère. Et avec les dents commence l’action de mâcher », Galien, De usu partium, livre XV, chap. 7, à la fin.
×(87, 23) « Les dents, les seules de tous les os, croissent pendant toute la vie, ce qui est patent chez les dents qui se rencontrent mutuellement. La cause de cette croissance est qu'il leur faut atteindre le point grâce auquel elles peuvent s'acquitter de leur office car elles seraient en peu de temps réduites à rien par le frottement si elles n'étaient pas réparées par dessous alors que chez les vieillards, leurs dents rongées le sont beaucoup moins et deviennent insuffisantes pour broyer parfaitement, car de jour en jour, on perd plus qu'on ne gagne », et un peu plus bas « mais si notre vie durait dix mille années, il faudrait que naissent des premières dents gigantesques et qu'elles renaissent plus souvent », Aristote, De generatione animalium, livre II, chap. 4.
- Voir plus haut, chap. XXIII, annotation (71, 32), d'après Galien, De compositione medicamentorum secundum locos, livre V, chap. 8, De dentium affectionibus.
×(87, 32) « Des nerfs mous sont dans les dents, parce qu'elles sont exposées nues à tout ce qu’elles rencontrent et, parce qu’il fallait qu'avec la langue, elles puissent sentir et discerner les saveurs, comme les autres petites parties de la bouche », Galien, De usu partium, livre XVI, chap. 2.