Petit Livre sur les dents
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parce qu’elles sont exposées nues aux attaques extérieures. Mais elles discernent les saveurs, en même temps que la langue, comme les autres parties de la bouche.

Chapitre XXVIII
De l’intérêt des dents en dehors de leur action

L’usage des dents, que nous devons étudier, en dehors de leur fonction, diffère doublement, car, il concerne, soit ce qui leur est utile à elles-mêmes, soit à d’autres parties, auxquelles les dents apportent quelque avantage. Dans la première proposition sont rangées la dureté et la densité, qui, à ce qu’il me semble, se trouvent également dans toutes les dents, pour qu’à l’évidence, elles ne soient pas abrasées avant de broyer les aliments. Galien semble attribuer ces qualités principalement aux molaires(88, 13), peut-être parce qu’elles s’acquittent plus longuement de leur tâche et entrent en contact mutuel en plus d’endroits. Cependant les incisives et les canines sont également dures, parce que, si elles agissent en un temps plus court, elles s’attaquent à des choses plus dures. La forme des dents répond parfaitement à leur tâche. Les molaires(88, 19) ne sont vraiment pas lisses comme les autres, parce qu’elles ne seraient pas en état d’accomplir leur tâche facilement ; pour preuve le grain est mieux réduit et broyé par des meules inégales et rugueuses, que des artisans retaillent et rendent plus rugueuses, lorsqu’elles sont devenues lisses, usées par le frottement.

Les incisives sont tranchantes et larges, parce qu’elles divisent(88, 24). Les canines sont pointues(88, 25) dans leur partie supérieure et larges dans l’inférieure, parce que, sans force de résistance, on ne déchire pas des choses dures. Larges, elles ne le sont pas autant que les molaires(88, 27) ; le fait est que lisses, leurs bases manquent d’ampleur. Si les molaires étaient exiguës et étroites, il nous faudrait un temps très long pour broyer nos aliments. Ce qui fait que raisonnablement les incisives et les canines ne peuvent être en rien diminuées.

Les dents comportent une concavité [la chambre pulpaire] non pour qu’elles soient plus légères[24]

×(88, 13) « Les maxillaires [molaires] sont dures pour ne pas être abrasées avant d'avoir broyé les aliments », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 8.
×(88, 19) « Les maxillaires [molaires] sont semblables aux meules écrasant les grains », Galien, De ossibus, chap. 5.
- « Les molaires ont une configuration de la partie supérieure [la couronne] large et rugueuse, comme celles des meules pour le froment », Galien, De anatomia vivorum.
- « Les molaires sont rugueuses » et un peu plus bas « si les molaires étaient lisses, elles ne pourraient pas facilement s'acquitter de leur office. Car tout est broyé plus commodément avec des irrégularités et rugosités. C'est pourquoi on recoupe et retaille profondément les meules pour le froment, quand elles ont été usées et lissées », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 8, au début.
« Les grosses dents, usées avec le temps, deviennent lisses », Aristote, De generatione animalium, livre V, chap. 8.
×(88, 24) « Pourquoi les incisives sont tranchantes et larges », voir plus haut, chap. XXVII, annotation (85. 5), d'après Aristote et Galien.
×(88, 25) Les canines sont larges à leur base, mais pointues au sommet. Pourquoi elles ont été faites ainsi ? Voir ci-dessus chap. XXVII, annotation (85, 21) d'après Galien, De ossibus, chap. 5. Et De usu partium, livre XI, chap. 8.
- Voir aussi : chap. VII, annotation (18, 2) d'après Galien, De usu partium, livre XI, chap. 9.
×(88, 27) « Les maxillaires [molaires] sont larges et grandes » et un peu plus bas « il faut qu’elles soient ancrées sur de larges bases. C'est la raison pour laquelle les canines et les incisives ne peuvent le faire, puisqu'elles sont étroites. Mais si les molaires étaient petites, il nous faudrait un temps excessif pour mâcher des aliments », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 8.
- « Les molaires humaines sont larges, pour moudre », Aristote, De partibus animalium, livre III, chap. 1.
×Critique directe de Vésale qui écrit que les dents « sont formées d’une substance dure et pierreuse, dans laquelle il y a des cavités, petites, mais dignes d’intérêt : elles rendent les dents plus légères et facilitent la réception de la nourriture », La Fabrique de Vésale et autres textes, trad. Jacqueline Vons, Stéphane Velut, livre I, p. 46.