Petit Livre sur les dents
89

(car cette raison me semble totalement inepte), mais pour qu’elles puissent plus aisément naître, se nourrir et sentir. Comme nous l’avons montré ci-dessus, elles sont constituées d’une double substance, l’une qui rappelle l’écorce, la seconde qu’on peut assimiler aisément à la partie interne de l’arbre. Puis, la concavité ayant diminué en grande partie, elle finit par durcir et prendre l’aspect d’un os. Des racines ont été attribuées aux dents, en rapport avec leur taille et leur fonction, grandes ou petites, plus nombreuses ou plus rares. Mais sont-elles plus courtes et moins nombreuses pour les dents du bas, parce que les dents du haut pendent et pour cette raison peuvent facilement branler ? Ou bien, est-ce, comme je le pense, parce que les dents de la mâchoire supérieure, contrairement aux meules, ne bougent pas et reçoivent le mouvement d’en bas ? Je laisse les autres en juger. Les racines(89, 14) correspondent strictement à leurs petites stalles parce que, si celles-ci étaient plus larges, la liaison devenue trop lâche les ferait sortir, et si elles étaient plus étroites, elles ne permettraient pas aux racines des dents de parvenir jusqu’au fond. Mais dans l’état actuel des choses, elles les enserrent et les maintiennent très solidement.

Quant à l’implantation des dents, il faut louer la nature qui les a disposées très joliment en une ronde de danseuses,(89, 18) car, je ne tiendrais pas compte du raisonnement de Galien, qui n’est pas juste partout, selon lequel il aurait été défavorable de placer de grandes dents dans les parties étroites de la bouche et de petites dans les larges, et qu'il ne conviendrait pas du tout que la partie profonde de la bouche, qui est étroite, ait de grandes dents, comme la partie médiane, qui est très large. Certes, dans la partie antérieure, où la bouche est ouverte, il convient que soient les incisives et les canines, parce qu’il faut d’abord saisir les aliments, puis les couper, avant de les briser et de les broyer. Les molaires ont leur siège en la partie intérieure qui est couverte, pour que rien ne s’échappe, pendant qu’elles mettent en pièces les aliments et, avec l’aide de la langue, les poussent çà et là. Si cette disposition des dents changeait et si les molaires(89, 31) étaient logées dans la partie extérieure et les incisives et les canines dans la partie intérieure,

×(89, 14) Sur le rapport entre les alvéoles et les racines, voir plus haut, chap. XIII, annotation (39,11), d'après Galien, De usu partium, livre XI, chap. 8.
×(89, 18) Sur la ronde [des trente-deux dents] et l'emplacement des dents, voir plus haut, chap. III, annotation (8, 23), chap. IV, annotation (10, 4.), d'après Galien, De usu partium, livre XI, chap. 8.
Voir aussi chap. III, annotation (8, 13), d'après Galien, De usu partium, livre XI, chap. 9.
×(89, 31) « Imagine que les molaires aient été placées à l'avant, et les incisives et les canines à l'arrière. Alors considère quel pourrait être l'utilité de ces dents, notamment celle des grosses dents, que resterait-il des qualités de la jolie combinaison des atomes très prévoyants, ne seraient-elles pas anéanties par cette seule erreur dans la disposition des dents ? », Galien, De usu partium, livre XI, chap. 8.