Petit Livre sur les dents
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et d’autres pour un usage vocal, car aucun animal, sauf l’homme, n’a de dents pour la conversation. D’ailleurs l’homme ne les a pas seulement pour cet usage et la principale utilité des dents ne consiste pas à contribuer au discours. En outre il ne faut pas ignorer que l’homme n’a eu d’abord que les seules incisives pour discourir(91, 7), bien qu’il ne parle pas avant que ne sorte des gencives la triple catégorie de dents que nous avons exposée. En effet, comme tout le monde dit(91, 11), le bébé, sans dents, vagit, quand il en a deux ou quatre, gazouille, quand sa bouche en est remplie, il parle(91, 13). Bien que les incisives n’offrent pas la même utilité pour parler que la langue, cependant elles aident à l’énonciation de tous les mots et la perfectionne, mais inégalement. Nous percevons qu’elles rendent facile et claire la prononciation de certains mots(91, 17), parce que, si on les a perdues, la netteté de la prononciation en souffre et se fait plus lente(91, 18). Nous savons d’expérience qu’elles sont comme des instruments de musique, accompagnant les mots qui comportent les lettres T et R et chez les bègues elles contribuent beaucoup à l’articulation de ces lettres. S’il est vrai que, selon Galien, bégayer est un défaut de l’énonciation, parce que la langue ne peut pas bien articuler les vocables qui comportent un T ou un R, comme traulus [gazouillis] ou trepidus [tremblant] ; ces expressions ne peuvent être proférées, si la langue ne se déroule pas et ne devient pas ample, puis ne prend appui sur les dents de devant. L’usage de ces dents convient aussi aux expressions composées de ces lettres que les Hébreux appellent dentales.

Chapitre XXIX
De diverses formes de dents contre les lois de la nature [anomalies dentaires]

La nature, en formant les parties des êtres vivants, transgressant parfois ses lois, agit

×(91, 7) « Pour une élocution correcte, l'homme a été pourvu de dents de cette qualité et de ce nombre. Car les dents de devant sont celles qui concourent le mieux à prononcer les lettres », Aristote, De partibus animalium, livre III, chap. 1.
- « Les dents concourent à l'articulation de la voix », Galien, Definitiones medicae.
×(91, 11) « Le bébé, quand il n'a pas de dents, vagit, quand il en a deux ou quatre, gazouille, et quand les dents remplissent sa bouche, il parle », Galien, De natura et ordine cujuslibet corporis.
×(91, 13) « La langue articule (bien entendu, les sons) et leur donne la clarté en allant vers la gorge et en l’obturant et en heurtant le palais et les dents », Hippocrate, De carnibus, p. 59, l. 45.
- « Nos dents sont des organes, comme la langue », Galien, De natura et ordine cujuslibet corporis.
×(91, 17) « La manducation et la prononciation d'un discours sont altérées par la perte des incisives », Galien, De differentiis morborum, chap. 8.
×(91, 18) « Les défauts de prononciation des lettres T et R, entrant dans la composition de certains mots, qui exigent que la langue s'étale et s'appuie sur les dents de devant », Galien, In aphorismos Hippocratis commentarii, section VI, 32.