L. 383.  >
À Charles Spon,
le 8 décembre 1654

Monsieur, [a][1]

Ce samedi 5e de décembre. Je vous écrivis hier par la voie de M. Borde. [2] Celle-ci n’est qu’en continuant, pour vous assurer que M. Gassendi [3] est encore en meilleur état et que cela va tous les jours en augmentant. Je viens d’arriver de chez lui où j’ai laissé M. Sorbière, [4] qui m’a encore dit qu’il espère de partir lundi prochain avec son évêque [5] et qu’il ne passera pas à Lyon sans vous voir. [1] Je viens de recevoir une lettre de M. Huguetan [6] le libraire, je vous prie de l’assurer que j’aurai soin de tout ce qu’il m’y a mandé et que je le remercie du soin qu’il a eu du ballot de livres que M. Musnier [7] lui a adressé de Gênes [8] pour moi. Je vous prie de me mander combien vous lui avez payé pour le port depuis Marseille jusqu’à Lyon afin que je vous l’y fasse rendre. Il m’a mandé que vous y aviez ajouté un paquet de livres pour moi. Mandez-moi s’il vous plaît quels livres ce sont et d’où ils viennent : serait-ce quelque chose de ce que je vous ai mandé de Sebizius ? [9]

Je vous prie de dire à M. Huguetan que je le remercie de sa lettre et que lorsque M. Gassendi sera tout échappé et refait, j’espère que sa copie ne sera délivrée à personne qu’à mon aveu et par mon consentement ; qu’au moins, il en sera le premier refusant. [2] M. Gassendi me l’a promis ainsi, qui ne peut s’engager à M. Barbier [10] ni se résoudre à lui promettre, combien qu’il en ait été fort pressé par M. Sorbière et autres, sur cette opinion qu’il a que ledit sieur Barbier n’est pas assez riche pour imprimer sept volumes in‑fo tout d’une suite ; joint qu’il ne donnera jamais sa copie qu’il n’ait en cette ville un bon répondant du marché qu’il fera avec celui qui la recevra.

Ce 7e de décembre. Ledit M. Gassendi sera purgé [11] demain pour la deuxième fois, il est Dieu merci sans fièvre et sans aucun mauvais symptôme. Tout le monde se réjouit de sa guérison. Il y vient du monde le visiter à la foule, et comme en procession, pour lui faire des congratulations, desquelles j’ai aussi ma part. M. de Sorbière espère de partir dans deux jours. M. Gassendi m’a dit qu’il le chargera de la réponse qu’il veut être faite à M. Barbier sur la demande qu’il lui a faite de sa copie et sur ce que M. de Sorbière l’en a fort pressé. Il m’a dit que ceux de Hollande lui ont écrit par deux fois, qui la lui demandent pareillement et qui lui offrent plusieurs avantages. Je vois bien qu’il ne donnera sa copie à personne, il la vendra bien au plus offrant et dernier enchérisseur puisqu’il a tant de marchands. Il y aura, à ce qu’il me vient de dire, plus de sept volumes in‑fo. Il désire d’avoir 50 volumes in‑fo de chacun, et encore plusieurs autres livres.

Ce 8e de décembre. M. Gassendi a pris ce matin son petit remède, dont il a fait quatre selles de grosses glaires. [12] Cela va bien, Dieu merci, et j’en suis ravi. Le voilà tout à fait échappé pour ce coup.

On s’en va ici commencer une nouvelle édition du Tertullien [13] en deux volumes in‑fo, lesquels tiendront 500 feuilles. C’est un augustin du faubourg Saint-Germain, [14] nommé le P. Charles Moreau, [15][16] qui l’a commenté, illustré, concilié et prouvé par saint Augustin. [17] Il a donné de l’argent au libraire, sans quoi l’édition n’eût pas été commencée in hac operarum annonæ et chartæ caritate[3] Si c’eût été un jésuite, les libraires eussent couru après, tantum valet spiritus Loyoloticus : adeo ubique regnat Acignius. Dicam verbo : [4][18] tout le monde est fou ; populus, lex, rex, grex, mundus omnis facit histrioniam[5][19][20] Il n’y a ici rien de nouveau, sinon que l’on parle de plusieurs suppressions de charges, et puis après de leur rétablissement s’ils veulent donner de l’argent : entre autres, on parle de la suppression de huit intendants, et d’une autre part, de faire 18 nouvelles charges de maîtres des requêtes. Vale, et me ama.

Tuus ex animo usque ad aras, et ultra[6]

Ce mardi 8e de décembre 1654.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 8 décembre 1654

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(Consulté le 19/04/2024)

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