L. 409.  >
À Hugues II de Salins,
le 30 juillet 1655

Monsieur, [a][1]

J’ai bien connu feu M. Florent [2] qui était un très savant homme, [1] de la mort duquel j’ai bien eu du regret, aussi bien que j’en ai de votre petit. [3] Dites s’il vous plaît à mademoiselle votre femme, [4] qu’elle se conserve mieux une autre fois, qu’elle ne se laisse point choir, qu’elle se fasse tirer du sang en chaque grossesse trois fois pour le moins ; ou autrement, que je me fâcherai contre elle. [5]

Le Decas medica Porti [6] se recouvre quelquefois, je vous achèterai le premier que je rencontrerai ; votre Poétique de Scaliger [7] est un excellent livre ; de Claudio Frugeret nihil unquam audivi[2][8] L’Encheiridium medico-chirurgicum est fort bon en sa première partie, sunt Adversaria Fernelii particularem methodum meditantis ; [3][9] l’autre est peu de chose ; c’était un chirurgien savoyard nommé Chalumeau. [10] La meilleure édition de Gorræus [11] est de l’an 1622 à Paris. L’auteur [12] est ici bien vieux, a quo nihil tale expectandum[4] Consilia sunt vere Fernelii, sed qui ea post obitum eius ediderunt, eius honori parum consuluerunt : [5] cela n’est point limé comme ses autres ouvrages et ne les a jamais faits edendi animo[6] De Lue venerea et Consilium pro epileptico sont bons et polis, et edendi animo scripta[7]

Je ne connaissais point votre M. Boussard, nunc vir mihi apprimus notus est[8] Quercetanus [13] est un mauvais auteur, c’était un ivrogne qui ne savait rien et qui faisait faire ses livres pour de l’argent.

Votre Fabricius ab Aquapendente [14] est fort bon. Ambroise Paré [15] mérite d’être lu. Laissez là ces Arabes [16] ut adhæreas Græcis[9] Tout ce qu’a fait Herc. à Saxonia [17] est fort bon. [10] Signa morborum sinit repetenda ex Galeno, libris de Locis affectis, Fernelio in Pathologia, Sennerto et Hofmanno, lib. 3 Instit[11] De Cautelis medicorum, je n’en connais aucun qui vaille. [12][18] Tous les Térence [19] sont bons, diversorum est le meilleur. [13] Lud. Vives [20] est un fort bon auteur : de Disciplinis, ce qu’il a fait in D. Augustinum de Civ. Dei, etc., tout cela est fort bon, et principalement son livre de Veritate relig. christianæ[14] L’Index de Brasavola [21] est fort bon et nécessaire au Galien. [15] Lud. Vives était un Espagnol, savant homme, qui avait demeuré en Angleterre et est mort à Bruges en Flandre. [22] Il était grand ami d’Érasme [23] et ce fut par son conseil qu’il travailla sur saint Augustin, [24] de Civitate Dei.

Le roi [25] est sur la frontière de Flandres. Les Espagnols ont fait couper la tête au gouverneur de Landrecies [26] qui ne s’est pas bien défendu et l’a trop tôt rendue. Le roi était à Guise [27] le 26e de juillet. [16] L’armée du roi, qui est grande et belle, devait hier entrer dans le pays ennemi et y faire grands dégâts, et courir jusqu’à Bruxelles. [28] Il court ici quelques livres contre le cardinal de Retz [29] par ordre de la domination. [17] On dit que le pape [30] veut que les princes de l’Europe fassent la paix, je ne sais s’il en pourra venir à bout. On y parle d’une grande alliance entre Cromwell [31] et le Turc, [32] dont les Hollandais sont bien fâchés. La peste [33] est cruelle en quatre villes de Hollande. Le prince Thomas [34] est avec notre armée en Italie devers Milan [35] aussi bien que le duc de Modène, [36] qui tous deux y sont pour nous. On dit que Cromwell a envoyé en l’Amérique, [37] une flotte de 60 vaisseaux sous l’amiral Penn, [38] dans lesquels sont 15 000 hommes ; ils sont arrivés à Cuba [39] et Hispaniola, [40] ils ont pris l’île de San Domingo, ont passé le détroit du Maire, [41] sont entrés dans la mer del Zur, sont allés au Pérou [42] et ont rencontré la flotte du roi d’Espagne [43] chargée d’argent, qu’ils ont entourée et prise. [18] Cela, s’il est vrai, accommodera fort les Anglais, et incommodera encore plus le roi d’Espagne et tous les marchands à qui il doit, ce qui causera plusieurs banqueroutes. [44] On dit que le prince de Condé est bien las de la guerre et que tous ses gens le quittent ; [45] il se plaint fort des Espagnols et peut-être même qu’eux à la fin, lui joueront quelque mauvais parti.

Je me recommande à vos bonnes grâces, à mademoiselle votre femme, à Messieurs vos père et frère, et serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 30e de juillet 1655.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 30 juillet 1655

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(Consulté le 25/04/2024)

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