L. 482.  >
À Hugues II de Salins,
le 22 mai 1657

Monsieur, [a][1]

Je me souviens bien de vos deux pères capucins qui me firent l’honneur de me venir voir céans de votre part, sunt philosophi cucullati[1][2] Dieu les veuille bien consoler. Ces gens-là vivent dans l’intérêt du pape et du purgatoire, [3] et nous autres dans les intérêts de la science et de la raison ; c’est pourquoi nos chiens ne peuvent pas longtemps chasser ensemble, vu qu’il nous faut tenir différents chemins.

Ne doutez point que la grosse vérole [4] n’ait été de tout temps, vu que même sa première et principale cause, nempe scortatio[2] a toujours été. Toute cette lèpre dont il est parlé dans le Lévitique [5] et aliis in locis veteris Testamenti[3][6] n’était que la vérole, à ce que m’en a dit mainte fois le bon M. Gassendi. [7] Elle est dans Hippocrate, [8] 3. Epidem., cum comm. Galeni, teste ipso Vallesio[4][9] Les bubons [10] sont dans Hippocrate et Galien, genitalium putredines sont dans Hippocrate, [5][11] la gonorrhée [12] est partout, et particulièrement fort bien dans Cicéron, [13] in Epistolis ad familiares, lib. 7, epistola 26, quæ sic incipit : Cum decimum iam diem graviter ex intestinis laborarem, etc[6] La vérole est dans Martial, [14] lib. 7, Epig. 70, Ficosa est uxor, etc. ; [7][15] dans Juvénal, [16] Cæduntur tumidæ medico ridente mariscæ, etc. ; [8][17] dans Apulée, [18] in Asino aureo, lib. i, pag. 3, ubi de caupona quædam anu dicta Meroe, et x ad finem[9]

Vopiscus Fortunatus Plempius [19] est un bon auteur qui écrit utilement ; il n’est pas si poli que Fernel, combien qu’il prenne beaucoup de lui. Il a fait une nouvelle version de l’Avicenne[20] d’arabe en latin, laquelle est aujourd’hui sur la presse. Il vit et enseigne à Louvain, [21] il a 56 ans et n’est marié que depuis trois ans. Il a fait deux livres, savoir De Fundamentis medicinæ, et Ophthalmographia ; [10] tout ce qu’il a mis au jour est bon et utile.

Nulla dantur in rerum natura lithontriptica, et hoc est certissimum : quidquid de iis scribitur, fabula est ; luserunt ista Botanista, Arabes et Chymista, ut nos vanis deciperent mendaciis[11][22] Voyez M. Moreau [23] in Scholam Salernit. ubi de mespilis[12][24][25][26][27][28]

Nemo sine febre moritur[13] cela est bien dit si tres acutissimos morbos exceperis, nempe apoplexiam, tetanum et choleram morbum ; [14][29] encore ont-ils de la fièvre in cholera morbo.

Cette femme quæ post partum maximam sanguinis copiam fudit ab utero, et multa maiorem quam pro ratione lochiarum[15][30] doit être saignée deux ou trois fois des deux bras en ce cas, ne quid metuas lochiarum suppressione, et enim contingent[16] et non pas du pied, ne fiat attractio ad partem affectam : [17] et alors, beata natura secundinas remorantes expellet[18] avec l’aide et les doigts de la sage-femme. [31][32][33]

Le Duret [34] sur les Coaques [35] est achevé d’imprimer, [19] c’est un livre à lire tous les jours à un médecin. Il n’y a rien à imprimer de feu M. Moreau. Dans vos études, lisez chaque jour quelque chose de Sénèque, [36] de Ira, de Beneficiis, des Épîtres, etc., mais lisez-les en latin, c’est un grand auteur. [20]

La nouvelle édition de l’Hippocrate de Foesius [37][38] est achevée à Genève, il s’en trouve tant à Lyon qu’à Paris, elle est bonne. Je n’oublierai pas le Decas medica Porti ni Miscellanea Smetii[39][40] s’ils se rencontrent à acheter. [21]

Monsieur votre frère [41] m’a fait l’honneur de me venir voir et m’a conté son affaire ; je ne sais s’il a bien fait, je souhaite néanmoins bien fort qu’elle lui réussisse. Je serai ravi de voir et d’embrasser M. de Grigny, [22][42] fils du grand et incomparable M. de Saumaise, [43] qui m’a autrefois honoré de son amitié. Je vous rends grâces de lui avoir parlé de moi. Je me recommande à vos bonnes grâces, à monsieur votre père, à mademoiselle votre femme, et suis de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Guy Patin.

De Paris, ce 22e de mai 1657.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 22 mai 1657

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(Consulté le 24/04/2024)

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