L. 677.  >
À Charles Spon,
le 4 mars 1661

Monsieur, [a][1]

Je viens de recevoir le petit paquet que vous avez reçu de Bâle [2] pour moi. Le cardinal Mazarin [3] continue toujours d’être malade et va de mal en pis : il étouffe jour et nuit ; il est enflé et asthmatique, [4] vous savez que ce mal est appelé dans Sénèque [5] la méditation de la mort. [1] Tout cela ne vaut rien pour un ministre d’État, encore moins pour un autre : c’est le chemin du repos éternel. Puisqu’il faut qu’il s’en aille par la violence de son mal, prions Dieu qu’au moins il nous en donne un meilleur qui ne soit pas si grand larron, qui ait plus d’humanité et plus de pitié du peuple. Il y avait jadis en Grèce un paysan qui disait après la mort d’un tyran Refodio Antigonum ; [2][6] je prie Dieu qu’il nous donne un bon successeur, que nous ne soyons jamais obligés de dire Refodio Mazarinum. On dit que le pape [7] est hydropique [8] confirmé et qu’on voit une comète [9] vers le septentrion, qui a deux cornes. Nos huguenots [10] malcontents disent que ce sont le pape et le Mazarin qui partiront bientôt pour l’autre monde ; mais je ne sais, quand ils auront passé le guichet, s’ils iront à droite ou à gauche, ce n’est pas chose aisée à savoir, quoi qu’on en dise. Je n’ai encore rien ouï dire des religieuses d’Auxonne, [11] mais il y a environ deux mois que je donnai des mémoires pour un médecin de Dijon contre quelque prétendue possession démoniaque de ce pays-là. [3][12] Je hais fort l’imposture en quelque rencontre que ce soit, mais surtout celle qui se fait en matière de religion. Le diable n’est pas à Auxonne plus qu’ailleurs, ceux qui se plaignent ici du cardinal Mazarin disent que le diable est au Bois de Vincennes, [13] mais qu’il se meurt. Je ne sais ce que veut dire Spondanus [14] lorsqu’il parle de Cardan [15] sur Homère ; [16] ce sera apparemment dans quelque chapitre de ses livres De la Subtilité, car cet auteur brouillait fort les matières et mettait omnia in omnibus[4] Je suis, etc.

De Paris, ce 4e de mars 1661.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 4 mars 1661

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(Consulté le 19/04/2024)

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