L. 697.  >
À André Falconet,
le 20 mai 1661

Monsieur, [a][1]

On dit ici que le roi d’Éthiopie, [2] autrement dit empereur des Abyssins ou le grand Négus ou le Prêtre Jean, ayant reconnu l’avarice et l’ambition des jésuites, [3] les a tous chassés de ses pays, comme aussi tous les catholiques romains, d’autant qu’ils mettaient tous ses pays en désordre par trop de cabales[1] Le prince de Conti [4] est ici arrivé, avec grande joie de trouver un fils en sa maison et sa femme [5] en bonne santé. [2][6] Le comte de Soissons [7] a fait appeler en duel M. de Navailles [8] qui l’a refusé, alléguant pour ses raisons les défenses du roi tant de fois réitérées. [3] Il s’en plaint au roi [9] qui a envoyé ledit comte en son gouvernement et dans la Bastille, [10] le chevalier de Maupeou [11] qui avait porté le défi. [4][12][13][14]

Mlle de Label [15] a un fils de douze ans, nommé Hugues, [16] fort malade. [5] Elle m’a envoyé quérir le neuvième jour d’une fièvre continue [17] durant laquelle il n’a été saigné que deux fois et a pris quelques poudres qu’elle lui a données. Il est en grand danger, omnes plerique homines non tam utuntur, quam abutuntur ingenio suo[6] Elle a assez d’esprit, mais elle s’est voulu mêler d’un métier où elle ne connaît rien. Qui non intelligunt artes, non mirantur artifices[7] à ce que dit Sidonius Apollinaris, [18] évêque marié de Clermont en Auvergne. [19] Dieu soit loué que nous aurons bientôt quelque chose du bon P. Théophile Raynaud, [20] que je recevrai comme un grand présent de votre part ; mais pour l’Histoire de Savoie[21] je la veux payer ; autrement, je ne la désire point ; je la ferai voir à bien du monde curieux qui me vient voir souvent. Mais n’aurons-nous jamais son Sanctus Georgius Cappadox ? Je l’attends pour le faire relier avec son Saint Antoine [22] et sa Sainte Marie Égyptienne[8][23] Je tiens M. Barbier [24] en bonnes mains puisque vous le traitez, mais je crois qu’il le faut purger [25] souvent avec demi-once de séné, [26] une once et demie de sirop de roses pâles [27] de l’an passé, y ajoutant même quelquefois deux drachmes de diaphénic. [28]

Le livre de M. Sebizius [29] est achevé à Strasbourg. [9] M. Courtois [30] est bien mieux, sed remanent veteris vestigia flammæ impressa in venis, ideoque adhuc indiget blanda catharsi, multa contemperatione viscerum, semicupio, aqua vitulina, lacte asinino, sero lacti, aeris et loci mutatione, secundum præceptum Gal. lib. 5. Methodi, qui mittebat eos quorum natura vergebat ad tabem, et phthisi erant obnoxii, ad montem Stabianum, etc. [10][31][32][33] Ce mot me fait souvenir du triomphe que prétend mon Carolus [34] pour avoir trouvé ce mot sur une médaille antique de Geta, [35] par laquelle il prétend que ces peuples ont représenté une vache sur leur monnaie comme pour en offrir le lait [36] à leur empereur ; mais son frère Caracalle [37] ne lui donna pas le loisir de devenir hectique [38] car il le poignarda bien jeune dans le giron même de sa mère Julia. [11] Je vous dirai quelque jour le nom de celui qui a fait ce bel épitaphe du Mazarin, [12][39] c’est un de nos professeurs du roi. [40]

M. Chanlate [41] se porte bien de sa taille. [42] Je l’ai vu aujourd’hui, il a un peu la goutte [43] et dit qu’il a 79 ans passés. Noël Falconet [44] ne manque pas de venir à mes leçons [45] et à la botanique, [46] à laquelle il prend grand plaisir, il connaît bien les herbes. Je vous prie, Monsieur, d’assurer M. Spon que j’ai reçu ses livres. Je lui en écrirai tout exprès au premier ordinaire, j’ai tant d’affaires que je ne le puis aujourd’hui. J’ai eu dix consultations [47][48] dont il y en a eu deux de conséquence avec Guénault [49] et autres. Je vous baise les mains et suis de toute mon âme votre, etc.

De Paris, ce 20e de mai 1661.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 20 mai 1661

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(Consulté le 28/03/2024)

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