L. 769.  >
À André Falconet,
le 12 février 1664

Monsieur, [a][1]

Un avocat m’a dit aujourd’hui que M. Fouquet [2] fait ce qu’il peut pour gagner < du > temps et qu’il diffère fort bien son jugement. On dit que M. le maréchal Du Plessis-Praslin [3] est parti pour être notre général d’armée en Italie. Un des nôtres le devait accompagner en ce voyage et était d’accord avec lui, c’est M. de Mauvillain. [4] Il a changé d’avis, il n’y ira point, on ne saurait quitter Paris. Il s’en faut bien qu’il ne soit aussi habile homme que M. Morisset, [5] mais il ne laisse pas d’avoir bon appétit et d’avoir autant bonne opinion de soi. Ils sont même grands amis, eo duntaxat differunt quod sit altero doctior, alter ipse[1] je n’y connais point d’autre différence. Le marchand de dentelles et de point de Venise, [2][6] nommé Salar, [7] a encore une autre affaire de 1 000 écus où il y a encore soupçon de quelque malice. Elle n’a pas encore fort éclaté, mais ce sera bientôt, c’est un des juges consuls, [3][8] que je traite malade, qui me l’a dit. On dit que les princes d’Italie s’arment secrètement, sans que l’on sache la vraie cause : n’est-ce point qu’ils ont peur de nous et qu’ils se défient du voisinage de notre armée qui continue de marcher ? On dit que la Chambre de justice [9] attaque par ses recherches des minimes [10] de la place Royale [11] et qu’elle leur demande une grande somme pour quelques droits dont ils ont joui ci-devant, sous ombre de bâtir leur couvent et d’y faire un beau portail. Nous aurons enfin trop de moines, [12] et trop d’églises, et même trop de pauvres, trop peu de piété chrétienne et de probité morale. Il n’y a plus que de la fourberie au monde, de l’imposture et de l’injustice ; néanmoins, ils sont tous bons chrétiens, à ce qu’ils disent, et nous exempteront du feu du purgatoire. [13] Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.

De Paris, ce 12e de février 1664.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 12 février 1664

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(Consulté le 19/04/2024)

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