L. 791.  >
À André Falconet,
le 29 août 1664

Monsieur, [a][1]

Mme la duchesse d’Orléans [2] est accouchée d’un petit prince qu’on appellera le duc de Valois. [3] Plût à Dieu qu’il parvienne à la gloire de tant de bons princes qui ont porté ce nom. [1] Henri iii [4] était très bon, mais il fut malheureux pour s’être trop fié à ses favoris, et fut enfin assassiné par un moine jacobin[5][6] à Saint-Cloud, [7] dans une chambre où j’ai souvent été. [2] Ces moines [8] sont bien maudits de tuer les rois ; cependant, à les voir, on croirait qu’ils ont des intelligences en paradis ; ils en ont bien plus avec le diable, mais malheur à ceux qui s’y fient. Cette même maison de Saint-Cloud, qui appartenait à la famille de Gondi, appartient aujourd’hui à M. le duc d’Orléans, [9] père du prince de Valois qui vient de naître.

Il avait ici couru une nouvelle touchant quelques avantages que nous avions eus en Hongrie contre les Turcs, mais il n’y avait rien de certain. Omnis homo mendax[3][10] le monde ne saurait s’empêcher de mentir. La peste continue toujours bien fort à Amsterdam. [11][12] La trêve n’est pas faite entre les Anglais et les Hollandais ; metuo fortiter ne tandem magnum negotium < desinat >, et res maximi momenti erumpat in nervum[4][13] Quoi qu’il arrive, on croit que les Anglais seront toujours de notre côté et que leur roi [14] est de fort bonne intelligence avec le nôtre.

Nous n’avons rien de nouveau de la Chambre de justice, [15] on parle toujours de M. Fouquet, [16] mais personne ne sait quand cela finira. Quem das finem, Rex magne, laborum ? [5][17] On m’a dit que l’on avait imprimé chez Elsevier [18] à Amsterdam plusieurs tomes de factums, requêtes, apologies et défenses pour lui, mais on n’en a encore point vu ici. Le roi [19][20] a été saigné [21] deux fois. On dit qu’il va être purgé [22] pour prendre après des eaux de Saint-Myon [23] et du lait d’ânesse ; [24] utinam feliciter convalescat[6]

On imprime présentement en Hollande chez M. Blaeu [25] le livre de M. Ger. Jo. Vossius de Idolatria, etc[26] Il sera in‑fo augmenté de la moitié, ce sera un fort bon livre car M. Is. Vossius, [27] son fils unique, me l’a dit lui-même. [7] Il est ici depuis six semaines, il m’a fait l’honneur de me visiter deux fois. Je l’avais autrefois connu chez M. Hugo Grotius, [28] l’an 1639, et chez M. Salmasius [29] en 1643. On imprime en Angleterre le Dictionnaire de Spelmanus [30] et à Lyon, qui sera bientôt achevé, un Amaltheum onomasticum Laurentianum[31] qui sera un fort bon livre in‑fo[8] Je vous baise les mains et suis, etc.

De Paris, ce 29e d’août 1664.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 29 août 1664

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(Consulté le 28/03/2024)

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