L. 837.  >
À André Falconet,
le 29 septembre 1665

Monsieur, [a][1]

Ce 26e de septembre. Je vous envoyai hier l’explication de la thèse de Sorbonne [2] touchant les peines du purgatoire, [3] touchant ce sacré feu que Calvin [4] a nommé la chimie du pape et qui par d’autres a été nommé nutricula sacrificulorum et monachorum[1] On dit que dans la Bastille [5] il y a un prisonnier, lieutenant général d’Alençon, [6] à qui on a demandé pour sa taxe 900 000 livres.

Ce 27e de septembre. Mon fils aîné [7] est arrivé aujourd’hui de Bourbon. [8] Il n’a pu aller à Lyon d’autant qu’il a été obligé d’aller à Vichy [9] pour M. le président Miron, [10] oncle de la dame qu’il avait menée et laissée à Bourbon. On lui a dit que M. Delorme [11] n’était pas alors à Lyon, aussi n’a-t-il pas pu y aller pour y saluer nos bons amis, comme il eût fait très volontiers s’il eût pu prendre le temps.

Ce 28e de septembre. Vous m’obligerez de dire à M. Delorme que je le salue de tout mon cœur et qu’hier un brave gentilhomme, qui porte son nom et beaucoup de son esprit, me fit l’honneur de me visiter avec beaucoup de courtoisie. [2] Je me tiens très particulièrement obligé à sa bonté et quand je pourrai, je m’en acquitterai. Il court ici une nouvelle de la mort du roi d’Espagne ; [12] si elle est vraie, il laisse un fils fort jeune, [13] délicat et mal sain, après la mort duquel il y aura apparemment bien du désordre en Europe si Dieu n’y met la main. [3] Nous verrons dorénavant ce que fera l’empereur [14] contre nous et ce qu’entreprendra l’évêque de Münster [15] pour les Pays-Bas [16] ou contre les Hollandais, desquels il s’est montré fort ennemi. Quoi qu’il en soit, l’infante d’Espagne, qui était destinée à l’empereur, est à Madrid, et tout ce qu’ils prétendaient faire peut être empêché dans l’exécution par le moyen du grand pouvoir que le roi a aujourd’hui par toute l’Europe. [4][17][18] On dit aussi que la reine mère [19] a été fort attristée de la mort du roi d’Espagne son frère et qu’elle en est fort affaiblie, dont je ne m’étonne point vu la longueur du temps, son âge et la saison, et même l’incapacité de ceux qui ont travaillé à la guérison de son mal. Les grandes et longues maladies ne se guérissent point sans un exact régime de vivre et sans être soigneusement purgées[20][21] ce que la reine mère n’a point pratiqué, ni d’une façon, ni d’autre. Je me suis trouvé aujourd’hui après-midi en consultation [22][23] avec M. Piètre, [24] qui est toujours lui-même. Il dit qu’il se sent fort et bien revenu, mais il y a encore quelque chose à dire à sa couleur, utinam convalescat[5]

On dit que le roi d’Espagne est mort le 17 septembre, que le roi [25] l’a su bientôt après, mais qu’il l’a celé quelques jours afin de prendre son temps pour le dire à la reine sa mère. Toute la cour commence demain à en prendre le deuil. J’ai aujourd’hui été solliciter pour ce chirurgien la fille que vous m’avez recommandée. M. La Baume, [26] conseiller en la Chambre de justice, [27] a été remercié par le roi et renvoyé en son parlement de Grenoble. Il a la réputation d’un homme de bien. [6] On s’en va commencer à travailler au procès de M. de Guénégaud. [28] Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.

De Paris, ce 29e de septembre 1665.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 29 septembre 1665

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(Consulté le 29/03/2024)

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