L. 958.  >
À André Falconet,
le 14 mai 1669

Monsieur, [a][1]

Les lettres d’Italie portent le détail des misères qu’ont causées dans la Sicile les flammes et l’embrasement du mont Gibel que les anciens ont appelé le mont Ætna[1][2] Nos troupes s’embarquent pour Candie. [3] On disait que le siège était levé ; néanmoins, j’appris hier au souper chez M. le premier président [4] qu’on soupçonne l’accord entre les Vénitiens et les Turcs, qui fera rendre la place à ceux-ci et qui sera honorable à ceux-là. [2] On dit que l’abbé Fouquet est mort et que ses bénéfices sont déjà donnés. Je viens d’apprendre qu’il n’est pas de la parenté du surintendant, mais que c’est un abbé qui s’est tué de trop boire, qui avait 15 000 livres de rente en bénéfices. [3] Il y a ici un ambassadeur d’Angleterre [5] qui traite, comme dit Horace, [6] magnis de rebus utrinque[4] Le roi [7] est à Saint-Germain-en-Laye [8] avec grande réjouissance. M. le Dauphin [9] apprend et étudie à merveille, tout le monde en loue ici M. de Montausier [10] qui sait bien conduire l’esprit de ce jeune prince qui gouvernera quelque jour un si beau royaume.

On attend avant la fin de ce mois l’élection du roi de Pologne. [11] On dit que les deux plus puissants compétiteurs sont M. le Prince [12] et le duc de Neubourg. [13] Pour le duc de Lorraine, [14] on tient qu’il n’y réussira point, il ne passe pas chez les Polonais pour un homme de bonne foi ; c’est de l’oncle qu’il le faut entendre, et non pas du jeune, [15] pour qui on brigue la couronne, que tout le monde connaît pour un excellent prince, mais qui sera toujours exclu, s’étant tout à fait attaché à la Maison d’Autriche. [5] Le roi d’Angleterre [16] a obtenu du roi par son ambassadeur la permission d’enlever de France pour douze millions de blé, pour faire aller en Angleterre ; cela n’est pas avantageux aux Hollandais. On ne parle ici que du plaisir que le roi se donne à visiter son camp et d’y mener toute la cour. [6][17] Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.

De Paris, ce 14e de mai 1669.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 14 mai 1669

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(Consulté le 19/04/2024)

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